Nice la juive
144 pages
Français

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Nice la juive , livre ebook

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Description

1942, l'année du Crime. La Côte d'Azur est en zone libre, jusqu'au jour où de Vichy, Paris, Berlin, les ordres partent pour entreprendre les premières déportations massives des Juifs venus de toute l'Europe à Nice et dans les Alpes Maritimes.
Inattendues, brutales, sans la moindre présence allemande, les premières rafles du mois d'août provoquent la stupeur et se transforment en cauchemar.
A travers les personnages de Louise et de Julien, ce témoignage rappelle ce que fut à Nice la responsabilité française dans la mise en oeuvre de la Shoah.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 248
EAN13 9782296934894
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nice la juive
 
Graveurs de mémoire
 
 
Dernières parutions
 
Charles CRETTIEN, Les voies de la diplomatie, 2010.
Mona LEVINSON-LEVAVASSEUR, L'humanitaire en partage. Témoignages, 2010,
Daniel BARON, La vie douce-amère d'un enfant juif, 2010.
M. A. Varténie BEDANIAN, Le chant des rencontres. Diasporama, 2010.
Anne-Cécile MAKOSSO-AKENDENGUE, Ceci n'est pas l'Afrique. Récit d'une Française au Gabon, 2010.
Micheline FALIGUERHO, Jean de Bedous. Un héros ordinaire, 2010.
Pierre LONGIN, Mon chemin de Compostelle. Entre réflexion, don et action, 2010.
Claude GAMBLIN, Un gamin ordinaire en Normandie (19401945), 2010.
Jean-Pierre COSTAGLIOLA, Le Souffle de l'Exil. Récit des années France, 2010.
Jacques FRANCK, Le sérieux et le futile après la guerre, 2009.
Henri-Paul ZICOLA, Les dix commandements d'un patron, 2010.
Albert DUCROCQ, Des Alpes à l'Uruguay. Un pont entre deux rives, 2010.
Edmond BAGARRE, Géologue : une vie de recherches et d'aventures. Afrique, Amérique, Europe, Asie, 2009.
Pierre-Alban THOMAS, De la Résistance à l'Indochine. Les cas de conscience d'un FTP dans les guerres coloniales, 2009.
Elhadj Mohamed Lamine TOURE, Mémoires d'un compagnon de l'indépendance guinéenne, 2009.
Jean-Claude LEPRUN, Une jeunesse malgache (1942-1966), 2009.
Jeannine PILLIARD-MINKOWSKI, Eugène Minkowski 1885 1972 et Françoise Minkowska 1882-1950. Eclats de mémoire, 2009.
Jacqueline ADUTT-THIBAUT, Mon Avenue Montaigne, 2009.
Michel MALHERBE, Fonctionnaire ou touriste ? Mémoires d’un globe trotter, 2009 .
Jacques Durin
 
 
Nice la juive
 
une ville française sous l’Occupation
1940 -1942
 
 
Récit
 
 
 
Du même auteur
 
Drancy 1941 -1944 , éditions GMT, 1982
 
Zola et la question juive , éditions GMT, 1988.
 
Les sciences raciales à l’époque de l’affaire Dreyfus, in L’Affaire Dreyfus de A à Z , Flammarion, 1995.
 
 
 
© L'H ARMATTAN, 2010
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@,wanadoo.fr
harmattan1@,wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-12029-7
FAN : 9782296120297
 
Les ouvrages où l’on entend le gémissement
du genre humain, doivent être des actes de foi
 
Victor Hugo
 
 
À Louise Fénoglio
 
Chapitre premier
 
 
Monsieur le Maréchal,
 
 
Je m’excuse de l’audace que je prends en vous écrivant, mais je ne peux résister à l’impulsion qui me pousse à le faire, et ceci au sujet de la rafle des Juifs qui a eu lieu ces jours-ci dans notre région.
 
 
La lettre que Julien tenait dans ses mains, était écrite à l’encre bleue sur un papier épais, déjà jauni mais de bonne qualité. Sa calligraphie appliquée, légère et aérienne, féminine par la grâce des lettres bien formées, signalait au premier regard la volonté particulièrement attentive d’être lue. En provenance de Nice et datée du 1er septembre 1942, Julien venait de l’extraire d’un gros carton d’archives poussiéreuses. Au vu de son état et selon toute vraisemblance, il était bien le premier à la relire depuis plus d’un demi-siècle.
 
Les grands traits au crayon rouge que l’administration avait jetés brutalement en travers de la première feuille pour attester de sa réception, dissimulaient à peine l’indifférence mécanique d’un employé d’alors chargé de la trier avant de la transmettre. Leur faisaient écho deux gros tampons à l’encre épaisse et noire, appliqués-là comme à dessein de vouloir tout surcharger pour tout effacer. Pour Julien, ces tampons gras couleur de deuil, et que celle qui avait confié au papier ses émotions, n’avait pu deviner, étaient comme des pieux plantés le long d’un chemin compliqué qui supportaient le fil d’une impulsion initiale jusqu’à son destinataire : à la fois prestigieux et redouté.
 
«  Présidence de l’Etat français -Commissariat Général aux Questions Juives – Service de la Police antijuive  ». Encadrées de noir, ces formules emprisonnaient à leur tour comme des carcans, les dates d’arrivée et de départ de la correspondance. Elles attestaient pour l’Histoire, que la lettre expédiée depuis Nice le premier jour du mois, était bien parvenue à Vichy une semaine plus tard, pour finir par être archivée à Paris au Commissariat Général aux Questions Juives.
 
 
Je m’excuse de l’audace que je prends en vous écrivant, mais je ne peux résister ...
 
 
Décontenancé, Julien pourtant impassible devant les documents les plus singuliers de cette période de l’histoire contemporaine, ne s’attendait pas vraiment à une telle initiative. Sa lecture de plusieurs centaines de lettres de dénonciation : la plupart anonymes et adressées aux heures les plus sombres de l’Occupation par des particuliers, des Français, des épouses dénonçant leurs maris gênants, des hommes leurs épouses ou leurs maîtresses devenues encombrantes, des concurrents envieux livrant des rivaux pour se venger, de vulgaires indicateurs pour toucher la rançon promise, des traîtres stipendiés pour empocher le prix de leur trahison. Tous ces courriers étaient devenus presque une routine : tant leurs plaintes étaient basses, lâches, mesquines, répétitives et lancinantes.
Sur cet inépuisable registre du mal qu’empruntait tout un monde rompu avec plus ou moins d’habileté aux mille formes de la dénonciation, et qui s’adressait avec des mots à peine voilés aux autorités françaises ou allemandes : le commissaire de police, le gendarme, le maire, le préfet, le juge, les responsables d’associations diverses, les chefs nazis de la Gestapo, la lettre que Julien tenait dans ses mains faisait incontestablement tache, parmi tout ce qu’il avait pu lire jusqu'ici.
 
Celle-ci était singulière : à la fois fragile et forte par sa sincérité, humble et convaincante par son courage. Fasciné par la charge d’émotion qu’elle portait en elle, Julien la découvrait comme un rayon de lumière traversant un ciel chargé d’ombres et de honte. D’emblée, la jeune femme qui l’avait écrite et signée de son prénom Louise, s’imposa à Julien sous les traits d’une âme confrontée à l’horreur et pleurant sa douleur à l’adresse du Maréchal.
 
La période dont il avait fait sa préférence, et sur le choix de laquelle il s’interrogeait constamment, ne manquait pas de satisfaire Julien : tant les hommes et les femmes de toutes conditions s’y révélèrent alors et souvent, de manière exceptionnelle. Pour ce professeur dont l’Histoire était devenue après les leçons de philosophie de Platon, Descartes ou Kant, une seconde passion, le plus difficile était d'intégrer à son enseignement, ce qu’il découvrait au fil se ses recherches ; de tenter de faire partager ce que la mémoire collective s’obstinait à vouloir refouler. A ses yeux, expliquer n'était pas vraiment difficile. La narration brutale des faits, la suite douloureuse et ensanglantée des événements, l’enchaînement tragique et cruel des circonstances : tout pouvait sembler aller de soi pour l’historien, surtout lorsque quelques grandes et nobles figures, quelques actes ou engagements d’authentique résistance venaient rehausser et réhabiliter cette période noire entre toutes. Mais il lui semblait insurmontable de faire comprendre un passé dont les témoins avaient déjà eux-mêmes parfois oublié la dimension dramatique. Et son épreuve la plus amère et douloureuse était de devoir faire partager ses états de conscience à des adolescents le plus souvent indifférents, insensibles, voire incrédules.
 
Absorbé par ces pages d’écriture qu’il tournait et retournait dans ses mains, Julien était ailleurs. Le regard intérieur déjà plongé vers la mer de son enfance, il ne voyait plus qu’elle, et au delà, cette lig

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