Nouvelles de Corse
54 pages
Français

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Description

À la découverte des traditions et de la culture de la Corse.

Au sud-est de la Côte d’Azur, à l’ouest de la Toscane dont elle est proche et au nord de la Sardaigne, la Corse, « Île de Beauté », véritable « montagne dans la mer », balcon sur la Méditerranée, est un pays en soi, un monde miniature à la fibre identiaire forte, où l’on écrit en français et en corse. Dans cette île noire et rouge sur fond de bleu marin, où les chants polyphoniques, les lamenti, sont un terreau commun aux créateurs, les thèmes imaginaires ou réels qui inspirent les auteurs corses sont la politique, les indépendantistes, la musique et les chants, la pauvreté, le huis clos, les mythes, les légendes… mais aussi le « silence », l’honneur, le clanisme, la « cursia », ce mal du pays, cette nostalgie…
Les nouvelles réunies dans ce volume explorent plusieurs voies avec force : le polar (Manuel Vasquez Montalban en Catalogne, Andrea Camilleri en Sicile, Jean-Claude Izzo à Marseille, Yasmina Khadra en Algérie ont tracé les contours d’un polar méditerranéen où la Corse ne demande qu’à figurer), le roman noir et le roman historique. Elles reflètent ce moment particulier de la création litéraire corse.

Laissez-vous emporter dans un formidable voyage grâce aux nouvelles corses de la collection Miniatures !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Andria Costa (alias Jean-Pierre Santini) est né en 1944 dans le village de Barretali (Cap Corse). Enseignant à la retraite, éditeur (A Fior di carta), il est l’auteur d’essais politiques sur le nationalisme corse et de romans noirs ayant pour cadre la Corse.

EXTRAIT

Polo Vincetti, qui garait le camion-benne municipal tout près de chez lui, sur un terre-plein spécialement aménagé, grimpa à six heures précises dans la cabine du véhicule pour entamer, comme tous les matins, une tournée qui le ramènerait au village vers midi après un parcours de cent vingt kilomètres. Une telle distance sur les routes sinueuses du Cap Corse est toujours épuisante mais elle l’est d’autant plus quand les arrêts sont fréquents, qu’il faut couper le moteur, descendre, passer à l’arrière, charger les containers, attendre qu’ils se soient vidés puis les remettre en place avant de repartir.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 juillet 2015
Nombre de lectures 3
EAN13 9782350743363
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avant-propos
On peut aborder la littérature dite « française » de différentes façons. La façon la plus courante (et sans doute la plus convenue) est par le prisme de l’édition et des médias parisiens, à savoir par le prisme du centralisme. On pourrait aussi changer de point de vue, se déplacer sur le territoire français et l’aborder sous un angle régional (et non pas « régionaliste »).
« Garante de la conservation et de la protection d’un patrimoine culturel, la “littérature régionale” devrait être au cœur de certaines préoccupations. En effet, à l’heure de la mondialisation, nombreuses sont les entreprises réalisées pour préserver les régions d’une unicité nationale ôtant toutes les spécificités locales. Ainsi, la démarche de reconnaissance d’une littérature régionale en tant que telle s’inscrit dans le contexte actuel de conservation de l’identité des minorités culturelles. Souvent jugée péjorativement et réduite au simple folklore local, la “littérature régionale” est pourtant un genre abondant qui concerne de nombreux acteurs du livre. Il répond ainsi à une demande d’un public soucieux de se rapprocher de sa région, de sa culture » , écrit Élodie Charbonier, docteur es lettres modernes.
Véritable « montagne dans la mer », balcon sur la Méditerranée situé à deux cents kilomètres environ au sud-est de la Côte d’Azur, à deux cents kilomètres à l’ouest de la Toscane dont elle est proche et au nord de la Sardaigne, la Corse, « Île de Beauté », devrait être au cœur de ces préoccupations touchant à la bibliodiversité. C’est un pays en soi, à la fibre identitaire forte, un monde miniature où l’on écrit en français et en corse. Les chants polyphoniques, les lamenti , y sont un terreau commun aux créateurs. Dans cette île noire et rouge sur fond de bleu marin, les thèmes imaginaires ou réels qui inspirent les auteurs corses sont la politique, les indépendantistes, la musique et les chants, la pauvreté, le huis clos, les mythes, les légendes… mais aussi le « silence », l’honneur, le clanisme, la cursita , ce mal du pays, cette nostalgie…
Le choix de six auteurs que nous avons fait pour ce volume de la collection « Miniatures » correspond à un moment particulier de l’éclosion d’une littérature corse où plusieurs voies sont explorées avec force : le polar (en Catalogne, Manuel Vasquez Montalban, en Sicile, Andrea Camilleri, à Marseille, Jean-Claude Izzo, en Algérie, Yasmina Khadra, ont tracé les contours d’un polar méditerranéen où la Corse ne demande qu’à figurer), le roman noir, le roman historique. Les nouvelles de Andria Costa, Marcu Biancharelli, Archange Morelli, Paul Milleliri, Éliane Aubert-Colombani et Kentaro Okuba reflètent cet état.
Pierre A STIER

Andria Costa (alias Jean-Pierre Santini) est né en 1944 dans le village de Barretali (Cap Corse). Enseignant à la retraite, éditeur (A Fior di carta), il est l’auteur d’essais politiques sur le nationalisme corse et de romans noirs ayant pour cadre la Corse.
R EPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
- Non-lieu, roman, Le Mercure de France, 1967
- FLNC, de l’ombre à la lumière, essai, l’Harmattan, 2000
- Petite anthologie du racisme anti-corse, essai, Lacour, 2001
- Indipendenza, essai, Lacour, 2003
- Corsica Clandestina, roman, Albiana, 2004
- Isula Blues, roman, Albiana, 2005
- Nimu, roman, Albiana, 2006
- L’Intervenant, roman, A Fior di Carta, 2007
- L’Exil en soi, roman, Éditions Clémentine, 2008
- Le Sentier lumineux, roman, Albiana, 2008, sous le pseudonyme Andria Costa
L ES CERCLES DU SILENCE
La passion amoureuse est un délire ; mais le délire n’est pas étrange ; tout le monde en parle, il est désormais apprivoisé. Ce qui est énigmatique, c’est la perte de délire : on rentre dans quoi ?
Roland Barthes Fragments d’un discours amoureux
Polo Vincetti, qui garait le camion-benne municipal tout près de chez lui, sur un terre-plein spécialement aménagé, grimpa à six heures précises dans la cabine du véhicule pour entamer, comme tous les matins, une tournée qui le ramènerait au village vers midi après un parcours de cent vingt kilomètres. Une telle distance sur les routes sinueuses du Cap Corse est toujours épuisante mais elle l’est d’autant plus quand les arrêts sont fréquents, qu’il faut couper le moteur, descendre, passer à l’arrière, charger les containers, attendre qu’ils se soient vidés puis les remettre en place avant de repartir. Bref, le travail n’est pas de tout repos, surtout en été quand le ramassage des poubelles est quotidien. Mais Polo Vincetti n’était pas homme à se plaindre. Il avait trente ans et s’estimait bien heureux, après une dizaine d’années de galère dans des petits boulots en ville, de travailler depuis un an à Imiza. On l’avait recruté en remplacement de Bébert Liccioni, qui venait de prendre une retraite méritée. Au moment de la « passation des pouvoirs », ce dernier avait donné quelques conseils utiles. Sur la sécurité d’abord (ne pas laisser le moteur en marche quand on descend charger les containers, parce que les freins risquent de lâcher…), sur la vitesse ensuite (ne pas se presser, parce que ce qu’on croit gagner sur le temps on le retrouve en fatigue, et on perd plus de temps encore à récupérer…), sur la relation aux « clients » enfin (ne pas s’attarder en conversation, quelques mots suffisent, et même un simple geste…). C’est comme ça, selon Bébert Liccioni, qu’on pouvait tenir la distance. « L’intérêt du métier, avait-il ajouté, c’est qu’on finit par en savoir beaucoup sur la vie des gens à force de ramasser leurs poubelles. Tu découvriras chaque jour un petit rien qui, comme ça, ne veut pas dire grand-chose mais, mis bout à bout, tous les détails en disent long. »
Or, ce matin-là, le 28 juin 2006 exactement, après avoir parcouru les hameaux du Petricaghju, d’Olmi, de Chiesa, du Poghju, de Mascaracce, de Casanova, et tandis qu’il abordait la fausse ligne droite qui conduit à Stazzona, un spectacle inhabituel se présenta au regard éberlué de l’employé communal.
Des cercles blancs assez réguliers mais de circonférences variables étaient tracés à même le bitume.
***
– Monsieur le maire, mes hommes sont en mission de l’autre côté du Cap. Encore une histoire de divagation de bétail, figurez-vous, mais je vous promets que les brigadiers Strabba et Labartier seront chez vous en fin d’après-midi.
Antonio Antoni, premier magistrat de la commune d’Imiza, régulièrement élu depuis quinze ans sur une liste unique (il restait si peu de monde au village qu’il y avait même quelque difficulté à trouver onze personnes volontaires pour former un conseil municipal), parut rassuré. Il se tourna vers son premier adjoint, passionné d’histoire locale, qui compulsait comme d’habitude des archives poussiéreuses.
– Voilà, le chef a promis d’envoyer deux gendarmes avant ce soir. Cette affaire nous dépasse.
– Selon moi, ce n’est pas si grave, répondit calmement Mathieu Maurizi. Ça ressemble même à une blague de potache.
– Oui, mais maintenant tout le village en parle et tout le monde ne pense pas comme toi. Certains sont inquiets à juste titre…
L’adjoint délaissa un instant ses archives et jeta un regard étonné par-dessus ses lunettes.
– Pourquoi inquiets à juste titre ?
– Tu sais bien… Les nationalistes…
– Tu plaisantes ?
– Pas du tout. Ça pète partout depuis une semaine !
– Mais pas ici. Il n’y a jamais eu de plasticage à Imiza. Et puis là, c’est une réaction à la condamnation d’Yvan Colonna.
– Peut-être, mais ça veut dire qu’ils sont encore nuisibles…
– Tout le monde sait qu’ils ne sont plus vraiment opérationnels sur ce plan-là… Ils sont devenus comme toi et moi. Ils se présentent aux élections. Ils sont même élus dans plusieurs municipalités…
– Moi, je me méfie toujours. Ils sont imprévisibles. D’ailleurs, au village tout le monde se méfie encore de Samuel.
– Samuel ! Enfin, tu le connais comme moi ! Il y a belle lurette qu’il ne s’occupe plus de tout cela…
– Ouais, apparemment…
Antonio Antoni se méfiait de tout le monde et moins il y avait d’habitants à Imiza, dont la population ne cessait de décroître, plus il avait tendance à se méfier de ceux qui subsistaient encore – environ quatre-vingts personnes – dans les douze hameaux que compte la commune. Il était obsédé par l’idée qu’une opposition puisse se manifester aux prochaines municipales. Il avait été élu deux fois sans concurrence et espérait bien que ses mandats seraient ainsi renouvelés, jusqu’à ce qu’il décide lui-même de passer la main. Le titre de maire flattait sa vanité, et l’indemnité qui accompagne la fonction complétait une retraite modeste de représ

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