Nouvelles de la Réunion
50 pages
Français

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Nouvelles de la Réunion , livre ebook

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Description

À la découverte des traditions et de la culture de la Réunion.

Miniatures fait escale sur la Route des Indes, en plein océan Indien, dans les Mascareignes, dans l’ancienne Île Bourbon. Le monde entier est passé par là pendant cinq siècles. Tout comme la Guadeloupe ou la Martinique, La Réunion a été le lieu d’un vaste brassage. Témoignant de tous les trafics qui s’y sont pratiqués, sa population est issue de Madagascar (les Malgaches), de l’est de l’Afrique (les Africains), de l’ouest et du sud-est de l’Inde, le Gujarat (les Zarabes) et le Tamil Nadu (les Tamouls) ainsi que du sud de la Chine, notamment de Guangzhou (Canton) et bien sûr d’Europe. Cela fait de cette île un concentré de tout, une planète-terre miniature où l’Europe, l’Asie, le monde arabe et l’Afrique co-existent. Cette position indianocéanique, au carrefour des routes commerciales d’autrefois, en a fait ce qu’elle est aujourd’hui. Insularité, discriminations raciales, famille, maternité, adultère : tels sont les thèmes vitaux abordés dans les six nouvelles de ce recueil. Avec pour toile de fond la nature spectaculaire de cette île : son volcan, ses forêts, ses plaines et plateaux d’altitude, sa flore et sa faune exceptionnels. La Réunion est une île-monde. Sa littérature est aussi, d’une certaine façon, une littérature-monde.

Laissez-vous emporter dans un formidable voyage grâce aux nouvelles réunionnaises de la collection Miniatures !

À PROPOS DES ÉDITIONS

Créées en 1999, les éditions Magellan & Cie souhaitent donner la parole aux écrivains-voyageurs de toutes les époques.

Marco Polo, Christophe Colomb, Pierre Loti ou Gérard de Nerval, explorateurs pour les uns, auteurs romantiques pour les autres, dévoilent des terres lointaines et moins lointaines. Des confins de l’Amérique latine à la Chine en passant par la Turquie, les quatre coins du monde connu sont explorés.

À ces voix des siècles passés s’associent des auteurs contemporains, maliens, libanais ou corses, et les coups de crayon de carnettistes résolument modernes et audacieux qui expriment et interrogent l’altérité.

EXTRAIT

Les blancs, les espaces libres que l’histoire laisse entre deux événements, ne doivent pas nous impressionner. C’est une illusion. Un décor en trompe-l’oeil pour égarer notre jugement. Car les actes du destin s’écrivent sans intervalle, et le détail cache plus de vérités que de grandes révélations. Il faut remonter à ce mois de mars où Héva, sur un coup de tête, franchit la rivière pour aller promener ses rêves dans la forêt. Qu’espérait-elle y trouver ? Qui l’attendait dans le sous-bois ? Dommage que personne n’eût pensé à la suivre ce jour-là ni les autres jours. Elle ne se trompait ni d’heure, ni de sentier, ni de lieu. Sans se demander si on l’épiait ou pas, elle répondait à l’appel de la forêt qui l’accueillait dans un bruissement d’ailes et de feuilles. Elle s’évadait, et sa gaieté rayonnait.


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Informations

Publié par
Date de parution 02 juillet 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782350743394
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avant-propos
Après un volume consacré à l’Île Maurice, et un autre à Madagascar, la collection « Miniatures » fait escale sur la Route des Indes, cette route des épices, en plein océan Indien, dans les Mascareignes, dans l’ancienne Île Bourbon, aujourd’hui Île de La Réunion, territoire d’outremer de la République.
À propos de Madagascar, le géographe Alfred Grandidier (1836-1921) définissait la grande Île, à la fin du XIX e siècle, comme le centre d’un « chaos de races », où la plupart des habitants étaient largement métissés et où, il est vrai, certaines ethnies se caractérisaient davantage par un ensemble de traditions communes que par un « type » physique reconnaissable.
Tout comme la Guadeloupe ou la Martinique, dans la Caraïbe, l’île de La Réunion, quant à elle, a été le lieu d’un vaste brassage. Témoignant de tous les trafics qui s’y sont pratiqués, y compris humains, hélas !, la population de La Réunion est issue de Madagascar (les Malgaches), de l’est de l’Afrique continentale (les Africains), de l’ouest et du sud-est de l’Inde – Gujarat (les Zarabes) et Tamil Nadu (les Tamouls) –, ainsi que du sud de la Chine, notamment de Guangzhou (Canton), et bien sûr d’Europe, populations toutes arrivées au cours des différentes phases de la colonisation et du développement de l’île.
Consacrer un volume de la collection « Miniatures » à un pays ou à un espace géographique donné, c’est se poser immédiatement la question de la langue. Et s’intéresser à la diversité des langues pratiquées. C’est aussi s’attacher à l’histoire et à la culture du lieu. Or La Réunion est un concentré de tout, une planète-terre miniature où l’Europe, l’Asie, le monde arabe et l’Afrique co-existent. Le monde entier est passé par là pendant cinq siècles. Cette position indianocéanique (ah, ce mot imprononçable !), au carrefour des routes commerciales, en a fait ce qu’elle est aujourd’hui. Du simple point de vue linguistique, si le français est la langue officielle de l’île, on y parle et écrit aussi le créole réunionnais, le hakka, le cantonais, le gujarati, l’urdu, l’arabe, le tamoul, le malgache et le comorien… Diable ! Où est-on quand on est à La Réunion ? En Afrique ? En Asie ? En France ? Dans l’espace « indianocéanique », pour sûr, au milieu de ces immensités d’eau.
Cette grande diversité soulignée, sur un territoire trois fois plus petit que la Corse, comment détecter autant d’influences et les retrouver dans sa littérature ? Car s’il est un domaine qui parvient à refléter l’histoire, le passé avec ses blessures, et le grand mélange, plus encore que la musique ou les arts plastiques, c’est bien la littérature. On est là, clairement, dans un espace post-colonial où la question de l’identité, des identités, dont la littérature est un véhicule, se pose. Et prioritairement. Ce langage multiple qui circule est l’instrument de constitution et de construction intime privilégié.
Insularité, discriminations raciales, famille, maternité, adultère : tels sont les thèmes vitaux abordés dans les six nouvelles de ce recueil. Avec pour toile de fond la nature spectaculaire de cette île généreuse : son volcan, ses forêts, ses plaines et plateaux d’altitude, sa flore, sa faune exceptionnels. La Réunion est une île-monde. Sa littérature est aussi, d’une certaine façon, une littérature-monde.
Pierre Astier
A VANT LE CRI, IL Y A LA FAUTE
par Jean-François Samlong
Les blancs, les espaces libres que l’histoire laisse entre deux événements, ne doivent pas nous impressionner. C’est une illusion. Un décor en trompe-l’œil pour égarer notre jugement. Car les actes du destin s’écrivent sans intervalle, et le détail cache plus de vérités que de grandes révélations. Il faut remonter à ce mois de mars où Héva, sur un coup de tête, franchit la rivière pour aller promener ses rêves dans la forêt. Qu’espérait-elle y trouver ? Qui l’attendait dans le sous-bois ? Dommage que personne n’eût pensé à la suivre ce jour-là ni les autres jours. Elle ne se trompait ni d’heure, ni de sentier, ni de lieu. Sans se demander si on l’épiait ou pas, elle répondait à l’appel de la forêt qui l’accueillait dans un bruissement d’ailes et de feuilles. Elle s’évadait, et sa gaieté rayonnait.
Qui pour trahir son secret ?
On avait tout de même remarqué ceci : lorsqu’elle se retirait de l’ombre des arbres, le soir, elle chantait, riait ; elle célébrait l’amour. Le plus beau chant qu’une femme pût faire entendre. Oui, mais ce chant n’était pas de son âge. Alors, sur un ton moqueur, on murmura qu’Héva, comme à son habitude, partait cueillir des herbes médicinales pour son père, un tisaneur renommé, si bien que des étrangers venaient heurter à sa porte dans l’espoir de recouvrer la santé. Quant à ceux qui habitaient dans le village des Salazes, ils pâtissaient rarement d’un mal au dos ou au ventre, ils méprisaient les palpitations du cœur ou engorgements des reins, du foie, de la rate. La médecine de Bonâme faisait des miracles, grâce à Héva qui avait appris très tôt à reconnaître et à nommer les plantes ; et puis la fille vierge a la main heureuse, comme on dit dans le cirque de Salazie.
Une autre certitude ?
Celle-là, peut-être.
Un jour, avant le crépuscule, Héva quitta la forêt la robe froissée, comme si elle avait roulé sur un tapis de mousse, roulé à perdre haleine, à perdre la tête ; et Simon, le fils de Baldini le forgeron, n’obéissant qu’à sa jalousie, voulut la tuer – elle, sa fiancée. On l’entendit jurer, tempêter, crier vengeance. Il aboyait si fort qu’on le prit au sérieux. « Il devient méchant, disait-on d’une case à l’autre. S’il ouvre la bouche, c’est autant pour cracher son venin que pour mordre. Il peut faire n’importe quoi… » Nul doute que Simon imagina des scènes de vengeance, mais il ne les divulgua pas dans la lumière.
Grand et fort, il s’était initié au métier de forgeron et s’occupait des bêtes. Comme il tâchait de ressembler à son père, il portait les cheveux coupés ras, le tablier de cuir, et l’odeur de la forge lui collait à la peau. Avec une miette d’imagination, on le voyait déjà en train d’assassiner son rival. En tout cas, à l’époque des faits, tout le monde s’accordait à dire qu’il avait une excellente raison de le faire.
Simon, un meurtrier ? s’était interrogé Bonâme. Il n’y croyait pas une seconde. Malgré tout, ce matin-là, soucieux de prévenir le malheur, il rendit visite à Baldini, qui, Simon à ses côtés, réparait une pioche. Face aux deux hommes tout en muscles, la chemise ouverte et trempée de sueur, il marqua un temps pour observer la flamme qui bougeait dans leurs yeux bleus et perçants.
Puis il engagea la conversation.
– C’est la bonne vieille pioche d’Albacar, dit-il d’un ton neutre.
– Ouais, grogna Baldini le forgeron.
– Il n’y a que lui pour s’esquinter la santé à cogner le fer sur du galet à longueur de journée, continua Bonâme, et ça s’entend au loin. Ça fera bientôt une semaine que je n’entends plus le bruit de sa pioche, là-haut, dans son champ.
– Ça fera bientôt une semaine que l’acier résiste au feu. Va-t-on savoir pourquoi ?
– On ne sait pas tout…
– Bon sang, mais qu’est-ce qui t’amène alors ?
Baldini posa son marteau, puis il s’épongea le front du dos de la main – une main tannée et veinée, puissante. Il jeta un coup d’œil en biais à son vieil ami, mal à l’aise. Il ne voulait pas lui montrer que la rage et l’incapacité à retourner la situation en sa faveur avaient pénétré sous sa carapace d’homme bourru qui avait perdu son assurance en quelques jours, et il craignait de perdre la face demain. Un frisson courut sur sa peau comme si une horrible image avait traversé son esprit. À cet instant, Bonâme sut qu’il dévoilerait tout aux Baldini, il le fallait, c’était ce qu’il y avait de mieux à faire, vraiment, et conscient de la peine qu’il leur causerait, il ouvrit son cœur qui geignait comme le fer geint sous le marteau. Il leur avoua qu’Héva était « tombée de l’arbre » et qu’elle avait saigné du ventre. Il n’aurait pas dû la laisser partir seule dans la forêt. C’était sa faute. Il ne l’avait pas vue grandir. Quand elle riait, il n’avait pas vu le désir naître dans le regard des hommes et la jalousie dans celui des femmes. Suivit un silence. Un silence qui vous porte sur les nerfs. Bonâme se demanda s’il avait employé les bons mots, ou peut-être n’était-ce ni le moment ni le lieu. Peut-être n’aurait-il pas dû parler en présence de Simon qui, blessé dans son amour, enleva son tablier de cuir pour s’enfuir avec sa colère. Il devait venger l’injure. Mais son père posa la main sur son épaule.

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