Par d autres chemins
140 pages
Français

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Par d'autres chemins , livre ebook

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140 pages
Français

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Description

C'est l'histoire d'amour difficile entre deux êtres qui se croisent, se cherchent, se blessent et qui nous conduit au coeur de notre complexité, de nos contradictions, là où sourd une rivalité souterraine entre nos aspirations les plus hautes et nos penchants les plus charnels. Là même où nous ne voudrions pas aller et où, pourtant, il nous faut accepter de descendre, nus et à dos d'âne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2009
Nombre de lectures 242
EAN13 9782336271811
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296076495
EAN : 9782296076495
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace
Par d'autres chemins

Hugues Pouye
À Henry, mon père.
Mes remerciements vont à :
Auguste MBonde Mouangue, pour ses encouragements maintes fois renouvelés et ses précieux conseils ;
Fanny Lanthiez, Josiane Papazian et Christine Zumello, mes premières lectrices, pour leur enthousiasme ;
Sylvie Schmitt et Didier Fort, fidèles et patients critiques ;
Philippe Roche, graphiste si spontanément disponible ;
Jacques Ménard, correcteur avisé et plein d’humour !
Adrien s’était installé dans l’un des nombreux fauteuils encore vides qui bordaient le bassin central. Ce jardin, au cœur de Paris, lui était devenu familier. Étudiant, il s’y arrêtait souvent après ses cours. Désormais, il y venait après la classe, une sacoche pleine de livres à la main. On y oubliait presque la ville et on entendait à peine le bruit des voitures. Adrien relisait les premières pages de L’Amant. L’image de la traversée du bac sur le Mékong le fascinait. Il aimait l’écriture de Duras, son style dépouillé, son rythme presque haché. Elle redonnait aux mots toute leur force, déchirait leur syntaxe habituelle, les délivrait. Avec elle, on réapprenait à lire. Étonnamment, cette écriture lui rappelait l’hébreu, étudié quelques années auparavant au séminaire. Une langue forte, chamelle, dépourvue du raffinement et de la fluidité du grec, mais vive.

« À dix-huit ans j’ai vieilli. Je ne sais pas si c’est tout le monde, je n’ai jamais demandé... » Adrien s’arrêta de lire et murmura ces quelques mots de nouveau, comme pour se laisser toucher par leur pouvoir : « À dix-huit ans j’ai vieilli... » N’avait-il pas été frappé, lui aussi, comme elle et avant l’heure, par cette poussée du temps ? N’était-ce pas arrivé, brutalement, comme pour Duras ? Il fut tenté de répondre que oui. Non pour se grandir de ressembler à un prodige de la littérature, mais parce qu’il le croyait. Un événement l’avait, lui aussi, comme la jeune fille au chapeau d’homme, fait vieillir prématurément.
Adrien finissait sa licence de philosophie à la Sorbonne. Après avoir raté Normale sup, il avait renoncé à refaire sa khâgne et préféré poursuivre à la fac. Le mois de juin approchait et avec lui les examens. Il ne s’en souciait guère. Il savait qu’une fois encore il réussirait sans trop d’efforts, même si ce ne serait pas avec brio. Et puis, à quoi bon s’investir dans ce qui depuis quelques semaines lui paraissait futile, inutile même? N’avait-il pas le sentiment d’avoir été choisi pour une vocation bien plus grande, la plus belle des vocations, celle de servir Dieu ? C’est en tout cas ce qu’il tenterait d’expliquer au père de Charvin, ce fameux soir de mai 1988 où le cours de sa vie devait s’infléchir pour de longues années.

Adrien revenait de la fac à pied. La chambre qu’il louait à une vieille dame, près de la rue Mouffetard, n’était pas si loin et il n’était pas pressé de se remettre dans les bouquins. C’était finalement assez bon de perdre du temps à quelques jours des examens, une sorte de défi lancé à l’ordre de la nécessité. Comme il marchait tranquillement, il eut, une fois encore, la même sensation éprouvée de manière fugace et inattendue depuis quelques semaines. Bien des fois plus tard, il avait essayé de se la raconter, de mettre des mots sur ce qu’il avait longtemps appelé sa rencontre du Christ, une formule qui maintenant lui semblait convenue, prétentieuse presque, comme une formule apprise dont on pense être l’auteur. En tout cas, la sensation d’une présence divine fut si forte ce soir-là qu’il lui fallut sans plus attendre la partager avec quelqu’un.

Le père de Charvin était à n’en pas douter la personne qui convenait. Adrien l’avait rencontré quand il était arrivé à Paris. Après des années passées dans des pays où le temps s’écoule avec lenteur, où le soleil est prodigue, il se sentait alors étranger à Paris. Perdu dans une capitale inconnue, peu sûr de lui, il avait favorablement accueilli, un dimanche après la messe, la proposition que des jeunes lui avaient faite de se joindre à eux. La paroisse organisait un week-end et Adrien, même s’il ne s’était jamais vraiment engagé dans des activités de ce type, trouva assez bonne l’occasion de se faire des relations. Elles lui rendraient familière Paris, la citadelle encore obscure.

Le père de Charvin animait, selon la formule consacrée, ce temps fort. Adrien ne fut pas totalement conquis par sa personnalité, trop assurée, un peu brutale même, mais il avait trouvé quelque saveur à ses propos sur l’Évangile et la vie du Christ. Une sorte d’évidence rassurante se dégageait de ses paroles. Mieux encore, une force du verbe, une vérité des images qui sonnaient juste. Pourtant, malgré la bonne impression conservée, il avait poliment décliné les invitations devant faire de ce week-end le premier d’une longue série. Il voulait garder sa liberté entière et n’aimait pas vraiment s’engager sur le long terme. De son père, il avait hérité une certaine forme d’asociabilité ou du moins une méfiance à l’égard de tout ce qui se présentait comme des convictions trop ancrées. Il n’avait pas son cynisme mais sûrement son sens de la relativité des choses.
Après quelques hésitations - il savait, en effet, que cette conversation l’engagerait - Adrien composa le numéro de la paroisse avec une certaine appréhension. Au bout de la cinquième sonnerie, une voix de femme répondit. « Pourrais-je parler au père de Charvin ? », demanda-t-il. Son interlocutrice, probablement la gouvernante de ces bons pères, parut étonnée : « Qui le demande à une heure pareille ? » Il réalisa qu’il était plus de 10 heures. Il devait être un peu tard pour déranger le presbytère mais maintenant il lui fallait aller jusqu’au bout. « C’est personnel et j’ai quelque chose de très important à dire au père de Charvin ! » répliqua Adrien, enhardi. Le ton devait être convaincant et la femme, en fidèle servante, osa transmettre l’appel.
« Allô, oui... »
La voix du prêtre lui sembla plus douce que lors de leur première rencontre et cela acheva de le convaincre de parler.
« Bonsoir père. Peut-être vous souvenez-vous de moi. Je suis Adrien Halluin. Nous nous sommes rencontrés l’année dernière à un week-end spirituel organisé par la paroisse.
- Oui, tout à fait, je vois qui vous êtes. Qu’est-ce qui vous amène ? »
La question appelait une réponse claire et sans détours.
« Je veux être prêtre.
- Eh bien, voyons-nous cette semaine, on pourra en discuter.
- Est-ce que ce ne serait pas possible plus tôt ? Ce soir peut-être ?
- Où êtes-vous ?
- À vingt minutes, en métro.
- Alors venez, mais en arrivant sonnez à l’interphone qui porte mon nom, sans quoi vous réveilleriez tout le monde.
- D’accord père, à tout à l’heure. »
Adrien enfila une veste en jean, rejoignit la station Jus. rieu en hâtant le pas et s’engouffra dans le métro qui ne se fit guère attendre. Le plus dur était fait, la parole était lâchée. Il avait surmonté sa peur de dire à voix haute ces mots maintes fois répétés en secret depuis quelques semaines : « Je veux être prêtre. » Il faudrait maintenant affronter les questions que ne manquerait pas de lui poser le père de Charvin. Il eut à peine le temps d’esquisser ses premières réponses et la rame arriva à la station Sèvres - Babylone. Cinq minutes plus tard, il se retrouvait devant la porte du presbytère, un ancien hôtel particulier qui ne dépareillait pas dans ce quartier cossu. Il suivit la recommandation du père de Charvin et ce dernier descendit, lui-même, lui ouvrir.
« Bonsoir, Adrien.
- Bonsoir, père.
- On va s’installer dans mon bureau, si tu veux. » Adrien fut impressionné par l’aspect majestueux de l’escalier et par tous ces portraits d’évêques et de cardinaux qui jetaient s

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