Passeport rouge
166 pages
Français

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Passeport rouge , livre ebook

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Description

Un roman sensible, qui nous transporte dans l’Algérie des années 1970 et nous propose un regard encore très actuel sur la condition des femmes dans des pays de confession musulmane.
Alger, 1978. Dès sa descente d’avion, Anna subit un choc : femmes voilées, présence inquiétante de l’armée, regards hostiles et mépris des hommes pour la femme occidentale qu’elle incarne.
Mariée depuis peu à un diplomate canadien, la jeune pianiste vient d’abandonner sa vie et sa carrière à Boston pour suivre son mari en Algérie.
Sous les appels obsédants des muezzins, le quotidien s’organise péniblement, entre les pénuries d’eau et de nourriture, le harcèlement des garçons du voisinage et la méfiance de la population.
Presque murée dans sa résidence — malgré son passeport diplomatique –, Anna cherche à comprendre ce qui se passe autour d’elle. Heureusement, elle peut compter sur la fidélité de sa servante Zohra, la complicité d’une amie, Nadia, et d’un médecin, Philippe, pour surmonter son désarroi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 septembre 2012
Nombre de lectures 39
EAN13 9782895972495
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PASSEPORT ROUGE
Suzanne Gagnon
Passeport rouge
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Gagnon, Suzanne
Passeport rouge / Suzanne Gagnon.

(Voix narratives)
ISBN 978-2-89597-111-5

I. Titre. II. Collection : Voix narratives
PS8613.A4535P37 2009 C843’.6 C2009-904610-5

ISBN format ePub : 978-2-89597-249-5

Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa.

En outre, nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement del’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Les Éditions David
335-B, rue Cumberland
Ottawa (Ontario) K1N 7J3
www.editionsdavid.com
Téléphone : 613-830-3336
Télécopieur : 613-830-2819
info@editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 3 e trimestre 2009
À ma fille, Nathalie,
qui a vécu deux années de son enfance
confinée à l’intérieur de la maison

À mon fils, Charles

Aux conjointes de diplomates
de carrière et à leurs enfants
qui servent leur pays de façon unique
et au prix de sacrifices personnels

À tous ceux et celles
que j’ai rencontrés sur ma route
REMERCIEMENTS
Merci à Michael Levin, qui animait la « Creative Writing Workshop » à Boston, de m’avoir encouragée à écrire une première version de ce livre.
Merci à Charles, mon fils, d’avoir accepté de partager sa mère avec l’ordinateur.
Merci à mon mari, Paul, sans qui ce livre n’aurait pu exister.
ROMAN
Déracinement
Dès l’âge de seize ans, Anna, telle une artiste accomplie, interprétait au piano Rêve d’amour de Liszt. Son jeu dépassait la perfection technique. S’y dégageait une sensibilité qui laissait croire qu’elle avait déjà connu l’amour. Pourtant non. Sans même en être consciente, elle se complaisait dans le rêve, comme si elle avait peur. Peur d’être blessée. Peur d’être déçue. Peur d’être abandonnée. Elle pressentait sa vulnérabilité et refoulait ce sentiment au fond d’elle-même, préférant attendre. Elle imaginait qu’au moment opportun elle rencontrerait le grand amour et qu’elle se marierait au lac Kénogami.
À l’été 1978, peu après son vingt-cinquième anniversaire de naissance et l’obtention de son diplôme, son rêve se réalisa.
*
Anna était née et avait grandi à Jonquière comme son père, Louis Méthote, qui y habitait encore. C’était un homme d’affaires qui venait de fêter ses soixante ans. Il était veuf depuis vingt-deux ans et ne s’était jamais remarié. Il avait fait construire sa maison sur le bord de la Rivière-aux-sables, rivière que les Amérindiens appelaient Paissagoutchitchi. Il partageait ses moments libres entre s’occuper de sa fille et étudier l’histoire. Anna aimait apprendre l’histoire de sa famille, de sa ville, de la région du Saguenay et du monde situé au-delà des montagnes. Sur le globe terrestre de son bureau, son père situait les endroits qu’il avait visités avec sa femme. Elle écoutait sans oser bouger, imaginant cette mère qu’elle n’avait pas connue déambuler sur les trottoirs de villes étrangères en tenant le bras de son amoureux.
Les histoires de son père étaient comme une porte qui s’ouvrait sur le monde; elle les comprenait d’autant plus depuis qu’elle avait quitté la région pour étudier à Montréal. Son déracinement donnait un sens à cette phrase qu’il répétait souvent : « Il faut comprendre d’où l’on vient pour savoir où l’on va ». Elle trouvait rassurant d’imaginer sa place dans le temps et dans l’espace sur le fil de l’Histoire. Une façon d’exorciser la mort de sa mère, de se convaincre que la vie était plus forte que tout et de calmer l’angoisse du néant qui parfois lui donnait l’impression de marcher sur une corde raide au-dessus d’un précipice sans fond.
De sa femme, la mère d’Anna, Louis Méthote ne parlait pas. À part quelques remarques prononcées du bout des lèvres, comme si se souvenir rouvrait une plaie à chair vive. Elle s’appelait Yolande Tremblay, elle était née à Montréal et était morte dans un accident de voiture à l’âge de vingt-sept ans, alors qu’Anna n’avait que trois ans. Il semblait que sa vie n’avait duré que le temps de donner naissance à sa fille. Première rupture dans la vie d’Anna qui l’isola de la famille de sa mère qu’elle ne rencontrait que trop rarement.
Anna était pianiste. Elle avait hérité de ce don pour la musique de sa grand-mère. À la mort de sa femme, Louis Méthote confia l’éducation de sa fille à sa mère qui accepta de s’occuper de sa petite-fille avec joie. Elle venait de perdre son mari l’année précédente, seule — ses trois filles vivaient à Montréal —, elle s’ennuyait. « Ta confiance me touche, dit-elle à son fils lorsqu’il fit sa demande quelques jours après l’enterrement. La présence d’Anna va ramener la vie dans ma maison. »
Madame Méthote était professeure de piano et avait encore quelques élèves. Chaque jour, à la sortie de l’école et pendant les vacances, Anna se rendait chez sa grand-mère pour ses leçons de musique. Elle s’installait au grand piano qui occupait le coin du salon près de la fenêtre en forme de demi-lune, pratiquait jusqu’à ce que son père la rejoigne, soupait chez sa grand-mère et rentrait à la maison pour dormir. Madame Méthote n’aimait cuisiner qu’à la condition de pouvoir partager son repas.
Anna exprima tôt le désir de devenir pianiste. Elle obtint son premier diplôme du conservatoire royal de Toronto après dix années de travail avec sa grand-mère. À la fin de son cégep à Jonquière, cette dernière l’encouragea à poursuivre des études supérieures à l’école de musique de l’Université McGill, ce qui permit à Anna d’apprendre l’anglais. Après avoir obtenu son baccalauréat, elle décida de poursuivre à la Boston School of Music où elle obtint une maîtrise en interprétation. Le choix de Boston n’était pas le fruit du hasard.
Madame Méthote connaissait bien la Nouvelle-Angleterre. À l’adolescence, elle avait habité à Manchester, au New Hampshire, pendant six ans. Durant toute son enfance, Anna avait écouté les histoires de sa grand-mère. C’était le temps de la Crise, entre les deux guerres mondiales, et beaucoup de Québécois émigraient aux États-Unis où filles et garçons travaillaient dans les manufactures. L’arrière-grand-père d’Anna était propriétaire d’une scierie et défricheur. Lorsque la scierie qu’il possédait près des Cantons-de-l’Est fut rasée par le feu, se trouvant trop vieux pour reconstruire, il déménagea avec sa femme et ses six enfants à Manchester. Quand les filles arrivèrent à l’âge de se marier, la famille revint vivre au Québec; le père refusait qu’elles épousent des Américains.
Ces histoires avaient fait rêver Anna. Poursuivre ses études à Boston lui parut naturel. Sa grand-mère pourrait venir la visiter et renouer avec son passé, ce qu’elle fit à plusieurs reprises pendant deux ans.
*
Au printemps de 1977, le lendemain de son retour d’une visite à Boston où elle venait de passer un mois avec Anna, un mois à admirer les crocus dans les jardins du Boston Commons alors qu’au Saguenay la terre était encore gelée, madame Méthote mourut d’une crise cardiaque. Deuxième rupture pour Anna qui perdait à la fois une grand-mère et une seconde mère. Le cœur brisé, elle revint à Jonquière pour l’enterrement. La blessure était aussi profonde que les liens qui s’étaient tissés entre elle et sa grand-mère depuis sa tendre enfance. Le notaire l’informa qu’elle avait hérité de la maison d’été au lac Kénogami, au village Saint-Cyriac, et du grand piano de sa grand-mère. De toute la famille, seule Anna aimait cette maison. Elle passait des heures sur la véranda à admirer le lac et à observer les Laurentides se transformer au gré du soleil et des saisons. Cet immense territoire sauvage parsemé de montagnes et de lacs séparait le Saguenay de la région de Québec. Ce lieu était pour Anna plus qu’un pays d’origine où l’on retourne par nostalgie; c’était son pays de cœur, le seul endroit au monde où son âme retrouvait la paix intérieure. Tel un poisson qui remonte la rivière vers sa source, elle y revenait chaque fois que le besoin se faisait sentir. Cette nouvelle mit un baume sur sa peine et lui donna la force de retourner à Boston, réconfortée de savoir qu’elle pourra

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