Pierre papier ciseaux. Nouvelles
51 pages
Français

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Pierre papier ciseaux. Nouvelles , livre ebook

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Description

Douze nouvelles, douze héros fragiles qui ont perdu leurs rêves, leurs illusions. Mais une rencontre, une pirouette du destin et les voilà qui redressent la tête et reprennent la route. Entre eux, l'auteur tisse des fils : la mer à marée basse. Des portes auxquelles on hésite à frapper. L'art de préparer du café. Les grosses chaussures, les vêtements moches, le ventre replet qui rendent les petites filles inconsolables. Des photographies ou des portraits trompeurs, tellement trompeurs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782806121660
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright























D/2017/4910/45
EAN Epub : 978-2-8061-2166-0

© Academia – L’Harmattan s.a.
Grand’Place
B- Louvain-la-Neuve

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit.

www.editions-academia.be
Titre
Françoise Duesberg










Pierre papier ciseaux



Nouvelles
Du même auteur

DU MÊME AUTEUR


Le fleuve et la barrière , Academia, 2015.
La valise , Academia, 2015.
STAZIONE TERMINI
Antonio
Ce matin, Monsieur le Commissaire, le Palatino était en retard à cause des orages. Il y a toujours des problèmes avec ce train de nuit.
Au milieu de la foule qui attendait dans la salle des pas perdus, j’ai aperçu cette fille que vous cherchez, cette fille superbe, avec un appareil photo autour du cou, un bel appareil avec un téléobjectif, un truc de pro. Elle regardait sans cesse sa montre et le tableau des arrivées. Le flot des passagers en provenance de Paris a enfin commencé à envahir la salle puis il s’est tari, mais elle restait plantée là, sous la grande horloge, fixant les portes d’accès au quai d’où ne venait plus personne. Elle a fini par se diriger vers mon guichet, ses longs cheveux noirs dégoulinaient de pluie. « C’est bien le train de Paris qui vient d’arriver ? Il n’y en pas un autre ? Un dédoublement ? Vous êtes sûr ? Ce n’est pas possible. »
Son menton a commencé à trembler. Je ne voulais pas qu’elle pleure. Je lui ai souri :
« Revenez demain matin ! Il sera sûrement là votre amoureux ! »
Elle s’est éloignée la tête basse.
Lucia
Je suis vieille, vous savez. Pour passer le temps, je m’installe ici tous les matins, je donne à manger aux pigeons et je regarde les gens pressés. Puis je reviens en fin d’après-midi et je regarde le flot des gens en sens inverse. Ce n’est pas vraiment un parc avec toutes ces voitures, ces autobus, mais c’est près de chez moi et j’aime l’animation.
Oui, cette jeune femme sur la photo, je la reconnais. Il devait être neuf heures. Elle sortait de la gare en traînant les pieds, elle a traversé le parking, j’ai remarqué que ses cheveux et sa robe étaient trempés, a-t-on idée de se balader par ce temps sans parapluie, elle a hésité comme si elle ne savait où aller et s’est décidée à s’asseoir ou plutôt se laisser tomber à côté de moi.
Les orages venaient de cesser, le soleil séchait déjà les bancs, l’herbe roussie, on sentait que la chaleur serait de nouveau épouvantable.
Elle n’avait pas l’air d’une touriste et pourtant elle avait un appareil photo. Elle est restée prostrée de longues minutes puis s’est mise à photographier les pigeons, les pins parasols, la gare, moi je la trouve moche, cette gare, elle est trop moderne.
Elle a commencé à pleurer, je lui ai demandé si je pouvais l’aider, chez moi, c’est un réflexe, dans le temps, j’étais assistante sociale. Elle n’a pas répondu.
Elle m’a seulement prise en photo, j’ai protesté, une vieille femme mal fagotée comme moi, quel intérêt ?
Je lui ai dit en lui tapotant le bras :
« Allez ma petite, un de perdu, dix de retrouvés ! » Elle a haussé les épaules, s’est levée et a pris un bus.
Je ne suis pas certaine mais c’était peut-être bien celui qui va vers le Circo Massimo.
John et Mary
On se souvient parfaitement. Elle est montée dans le bus à la Stazione Termini et s’est installée en face de nous. Nous avions décidé de nous échapper des sites envahis de touristes et d’aller nous promener sur la colline de l’Aventin, on nous avait dit que c’était un quartier calme et agréable.
Nous lui avons demandé de nous indiquer l’arrêt, elle nous a dit que c’était là qu’elle descendait. Elle nous a accompagnés jusqu’à Santa Sabina par de petites rues escarpées. Nous étions contents, l’air sentait bon les fleurs. Nous lui avons dit qu’elle avait de la chance d’habiter là.
En haut, devant l’église, nous lui avons demandé de nous photographier tous les deux avec la vue sur la ville. Elle a voulu aussi nous prendre avec son appareil qui était bien plus perfectionné que le nôtre. Elle a noté notre adresse pour nous envoyer la photo et nous a conseillé de revenir au coucher du soleil, pour la lumière. Elle parlait très bien anglais, avec un adorable soupçon d’accent italien.
Nous n’avons pas eu le temps de la remercier, elle est descendue en courant vers le Testaccio. Elle allait peut-être faire ses courses de midi au marché. C’est là que nous avions prévu d’acheter notre pique-nique. On n’a plus de sous pour les restos !
Mais pourquoi courait-elle ?
Giovanni
Celle-là, j’ai tout de suite vu que ce n’était pas une touriste.
Elle photographiait plein de trucs bizarres : un vieux chien pelé, une poubelle renversée, une affiche électorale en lambeaux et même les crasses que je balayais. Le Testaccio après le marché, c’est dégueulasse. On fait vraiment un sale boulot. C’est pour ça que je vote communiste. Enfin, ça ne vous regarde pas, hein Monsieur le Commissaire.
Je lui ai proposé de m’écarter pour sa photo, elle a dit :
« Non, ça va. Ne bougez pas. »
Je lui ai demandé : « Vous êtes artiste ? C’est pour une exposition ? Vous m’inviterez ? » Parce que moi, Monsieur le Commissaire, j’ai beau être balayeur municipal, je m’intéresse à l’art et à la culture.
Elle a répondu : « Oh non, je prends juste des photos pour en faire cadeau à mon ami. »
J’ai pensé que c’était un drôle de cadeau ou un drôle d’ami.
Et elle est repartie vers le Tibre.
Mais pourquoi vous me posez toutes ces questions ? Il ne lui est pas arrivé malheur à cette jeune dame, au moins ?
Elsa
Oui, j’ai vu Marina ce matin. C’est ma voisine du dessus, elle dévalait l’escalier.
Je coupais les géraniums abîmés par l’orage. Quelle violence, les orages, cet été. Savez-vous que notre quartier est resté toute la soirée et toute la nuit sans téléphone ? Vous trouvez ça normal ? Imaginez une urgence.
Je lui ai dit, car il pleuvait encore :
« Eh ! Marina, tu oublies ton parapluie ! » Elle était toute joyeuse.
« Pas grave, chère Elsa ! Je suis en retard, je cours chercher Pierre à la gare ».
Et elle s’est dirigée vers la via di Sant’ Anselmo d’un pas vif pour attraper son bus, indifférente à la pluie. Nous ne nous parlons pas beaucoup mais je crois qu’elle est très amoureuse de ce Pierre. Il est photographe, elle l’a rencontré il y a deux ans, pendant les évènements de mai . Elle dit en rigolant qu’ils se sont embrassés pour la première fois sur les barricades, c’est romantique n’est-ce pas ? Du coup, elle s’est mise aussi à la photographie. Sinon, son métier, c’est traductrice.
Il ne vient pas souvent à Rome, son Pierre, je suppose qu’il a sa vie là-bas… Elle a toujours eu peur qu’il la laisse tomber.
On va la retrouver, non ?
Milena
Je profite toujours de ma pause entre deux cours pour faire mon jogging sur l’île Tiberina. Les élèves sont insupportables, c’est la faute à mai . Je suis prof de latin, ils s’en foutent du latin. Courir me déstresse. Comment vous dire ? Ça a été si rapide.
Elle m’a arrêtée pour que je la photographie, c’était pour envoyer à son copain français, disait-elle, c’est un endroit où ils aimaient venir se promener. Peut-être pas seulement se promener, ai-je pensé.
Elle parlait trop vite, sans respirer et ses yeux rougis me regardaient sans me voir. Un bref instant, j’ai cru qu’elle était droguée. Elle a posé son sac dans l’herbe, elle a voulu m’expliquer le fonctionnement de son Pentax, je lui ai dit que je connaissais, mon frère a le même. Elle a pris la pose, sans un sourire.
À peine avais-je déclenché qu’elle a dit : « Attendez, on va en faire une autre, au cas où elle serait ratée. Je ne suis pas sûre que vous avez eu mes pieds. »
Elle a reculé, j’ai hurlé, j’ai voulu hurler : &

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