– Porto ? – Deux doigts, c est tout. Merci.
158 pages
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Description

Quelques doigts de porto. Un gramme d'alcool dans le sang. Un instant d'inattention. Un enfant de sept ans qui traverse et la vie entière de Jean-Marie Dubois qui bascule. Lui, l'homme parfait sous tous rapports, irréprochable et aimé de tous ; lui, le brillant scientifique lancé dans une lutte acharnée contre le sida, va tout perdre : sa femme, son fils, sa dignité. Dix ans de prison ferme pour repartir à zéro, avec le VIH et le souvenir d'un viol. Joao, son ami de toujours, tente de le faire revenir à sa passion en lui proposant une place dans le nouveau centre de recherche qu'il va créer en Afrique.
Une deuxième chance, une renaissance ou plutôt un combat perdu d'avance ?

Informations

Publié par
Date de parution 13 septembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312046754
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

– Porto ? – Deux doigts, c’est tout. Merci .
Yves Benoit
– Porto ? – Deux doigts, c’est tout. Merci .
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016
ISBN : 978-2-312-04675-4
Un gramme d’alcool dans le sang, c’est incontestablement supérieur à zéro cinquante.
Soixante huit kilomètres à l’heure, c’est incontestablement supérieur à quarante.
Louis Arthuis, sept ans, gisant sans vie entre les bandes jaunes du passage clouté, c’est incontestablement un accident mortel.
Conséquence : Jean-Marie Dubois est condamné à dix ans de prison ferme. La justice a été plutôt clémente, la peine aurait pu être beaucoup plus lourde. Mais JMD, comme on l’appelle au laboratoire de recherche, est quelqu’un qui devait nécessairement bénéficier de circonstances atténuantes. Si cela n’avait pas été le cas, la justice aurait été vraiment aveugle. C’est ce qu’on dit d’elle habituellement, mais dans le cas précis, qu’elle ait été borgne, était tout à son honneur.
***
Jean Marie Dubois – on l’appellera ici JMD ou Jean - Marie , selon le contexte – avait été un enfant surdoué. Cela était apparu clairement dès la maternelle, et confirmé, sans ambiguïté, par la suite. Au moment de l’accident, ce biochimiste était considéré comme un quasi-génie. On attendait seulement pour le qualifier pleinement de génie, sans réserve, « la » découverte qui le consacrerait.
D’origine modeste, ses parents se rendirent compte des particularités de leur enfant dès ses premiers mois, bien avant qu’il marche, bien avant qu’il parle, mais pour que leur opinion soit impartiale, il était nécessaire qu’il y ait confrontation avec l’environnement et, notamment, avec les autres enfants. La différence devait s’imposer à tous, sans discussion possible. Bachelier à quinze ans avec mention très bien ; docteur d’état en biologie moléculaire à vingt quatre ans avec les félicitations du jury ; pas un faux pas en route ; le tout obtenu sans stress apparent, sans délaisser la pratique régulière de ses sports favoris (tennis, golf et échecs) et en prenant le temps de présenter ses hommages avec régularité à la gent féminine. Que demander de plus ? Un don de Dieu à n’en point douter. Et , cerise sur le gâteau, JMD était beau. Une beauté fragile, comme diaphane, mais de ses cheveux, légèrement bouclés et d’un doré chatoyant, à ses mains fines et élégantes, bien entretenues, la nature avait réussi, sur ce plan aussi, quasiment une œuvre d’art : profil grec atténué, plus doux dans les cassures, complété par des yeux bleus pâles, à la limite du mélancolique, mais aussi rieurs et empreints d’une gravité sourde et une bouche charnue, sans excès, bordée de commissures craquantes. Comme le bon pain.
Tout pour lui, tout ! Cela était forcément injuste aux yeux de la plupart des gens qu’il côtoyait, lesquels sans être laids ou idiots, ne pouvaient décemment se comparer à lui. Même pas aux billes ou aux osselets, puisque à ces jeux-là aussi, ce fut toujours le meilleur. Objectivement, pour tout interlocuteur désirant se mesurer à lui dans quelque domaine que ce soit, il y avait de quoi jeter l’éponge dès la première minute. Mais, curieusement, ce n’était jamais le cas car à toutes ses qualités physiques, cérébrales et esthétiques, JMD ajoutait un charme, une gentillesse, une attention, une écoute, et une sincérité qui, combinées avec un sens aigu des responsabilités, le rendaient humainement irrésistible. Tous ceux qui le connaissaient l’appréciaient : ils ne s’ennuyaient jamais avec lui pas plus qu’ils ne l’ennuyaient jamais, et ça, ça ! C’est le bonheur : être considéré, accepté pour ce qu’on est et écouté sans préjugés, et, de plus, par quelqu’un comme lui, c’est tellement rare que ça en est presque surréaliste. Il émanait de JMD une force, un attrait extraordinaires et cela naturellement, parce qu’il était tout simplement naturel. Être avec lui c’était être avec un autre soi très intime qui vous comprenait à demi-mot, qui appréciait vos actions à leur juste valeur et qui présentait une critique positive, argumentée, équilibrée, compréhensible et acceptable.
Je le redis : un don de Dieu soi-même. En d’autres temps, il aurait sans doute fini Messie, sans blasphémer.
Rien d’étonnant donc, qu’il ait sauté au pas de course toutes les barrières qui se trouvèrent sur son chemin, qu’il ait gravi en quelques années tous les échelons d’une brillante carrière professionnelle : avant l’accident il était Directeur du Laboratoire de recherche dédié au VIH à l’Institut Einsten. Dans un cursus ordinaire, on accède à cette responsabilité la cinquantaine bien tassée. Lui, au moment des faits, en avait trente deux. Et il ne traversait l’esprit d’aucun de ses collègues de contester son statut hiérarchique. Comme d’habitude, tout ce qu’il faisait, tout ce qu’il était, était incontestable.
Un de ses meilleurs amis étant mort du sida lorsqu’il n’avait pas encore vingt ans, tout à fait par accident, c’est-à-dire sans avoir « pêché », il avait décidé qu’il « tordrait le cou » à cette maladie – ce fut alors son expression. Ses études une fois terminées, il n’avait eu aucun mal, on s’en doute, à se faire recruter par le meilleur labo français et l’un des plus renommés de la planète. Et depuis sa nomination il n’avait pas piétiné. Tous les savants et chercheurs qui pouvaient avoir un avis autorisé sur ce plan, reconnaissaient que depuis qu’il s’était attelé à la tâche, des avancées avaient été faites. Rien de bouleversant encore mais des résultats très prometteurs, suscitant la curiosité et l’intérêt de nombre de ses confrères internationaux qui n’hésitaient pas à traverser des continents pour venir s’informer. Lui-même n’aurait vu aucun inconvénient à mettre l’état de ses travaux à la disposition de tous, mais l’Institut l’obligeait à conserver une part d’ombre, le cœur de ses investigations, pour protéger ses intérêts.
Mais cet homme idéal, ce fils dont on rêve, ce mari ou ce père qui n’existe que dans les contes de fées, fut condamné à faire de la prison. Parce que pour ce qu’il venait de commettre, il n’y avait pas encore, comme pour le VIH, de vaccin. On sait depuis belle lurette, qu’un minuscule grain de sable peut enrayer la plus perfectionnée des mécaniques, ou qu’une tuile manquante peut entraîner l’explosion d’une navette. Ce fut aussi le cas pour JMD, ce douze décembre 1996.
Pourquoi ? Cela a déjà été dit : deux fois le taux d’alcool autorisé, plus une fois et demie la vitesse autorisée, plus un mort sur le carreau, et qui plus est, un enfant ayant l’âge du sien. Cela n’est vraiment pas excusable. Sans appel. La justice ne pouvait décemment pas se voiler la face : les lois ne sont pas faites que pour les autres, c’est-à-dire pour les méchants caractérisés, voyous et autres truands qui les enfreignent en permanence. Non, depuis déjà quelques siècles, les lois s’appliquent à tout le monde, même aux gens très bien. La preuve, une fois de plus, venait d’être faite.
C’était un samedi, quelques minutes avant treize heures, heure à laquelle l’Institut fermait ses portes de façon autoritaire parce que la Direction avait décrété par note de service GF28/95 que tous les chercheurs avaient nécessairement besoin de repos. Certains, bien entendu, quittaient leurs bureaux respectifs avec dans leurs serviettes en cuir décrépi – les clichés quand même ! – de nombreux dossiers, c’est-à-dire une quantité suffisante de documents pour occuper plusieurs semaines de travail. JMD n’était pas de ceux-là, quelques pages lui suffisaient et, le plus souvent, il ne leur prêtait même pas attention jusqu’au lundi matin. Mais absorbé par sa recherche – absorbé mais jamais obsédé – au hasard d’un déjeuner familial, d’une promenade dominicale ou d’un match de rugby à la télé, son esprit s’évadait et retrouvait le fil là où il l’avait laissé le samedi à treize heures. Dans ces instants-là, il appréciait d’avoir sous la mai

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