Quatre-vingts printemps
262 pages
Français

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Quatre-vingts printemps , livre ebook

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Description

Voici l’émancipation tumultueuse d’une poignée de petits vieux, jusqu’alors condamnés à mourir en silence. Dans un hospice low-cost, où les interdits sont légion, un groupe d’octogénaires se réunit discrètement chaque nuit pour s’adonner à une même passion, le poker. Une vie à la dure a su entretenir chez eux l’étincelle d’humanité qui leurs permettra de transgresser les interdits du lieux.
La truculence des personnages embellit un quotidien parfois dur, où la compassion n’a plus de place. Mais les humiliations subies sauront leur fournir le carburant nécessaire à une révolte qu’ils rêvent savoureuse…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 avril 2011
Nombre de lectures 17
EAN13 9782923916279
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Quatre-vingts printemps
NICOLAS HIBON
© ÉLP éditeur, 2011 www.elpediteur.com elpediteur@yahoo.ca
ISBN 978-2-923916-27-9 (immateriel.fr) ISBN 978-2-923916-28-6 (iTunes)
Illustration de couverture :
Polices libres de droit utilisées pour la composition de cet ouvrage : Linux Libertine et Libération Sans
ÉLP éditeur, le service d'éditions d'écouter lire penser, un site dédié à la culture Web francophone depuis 2005, vous rap pelle que ce fichier est un livre numérique (ebooks). En l'achetant, vous vous engagez à le considérer comme un objet unique destiné à votre usage personnel.
Merci, Stéphane Avec toute mon amitié
N.H.
Chapitre 1
Eux n'y font plus attention, ils y vivent...
D'ailleurs, c'est bien simple, il n'y a que lorsqu'on y entre qu'on la remarque.
L'odeur entêtante de petit vieux négligé vous irrite les narines sitôt que l'on pénètre dans le bâtiment.
Elle est même franchement désagréable, cette odeur, le temps de l'oublier.
Ceux qui vivent ici n'y font plus attention, du moins tant qu'on ne leur en fait pas la remarque...
Juste répartition de ses frustrations quotidiennes, le personnel déverse son trop plein d'aigreur dans les cou% loirs à peine arrivé le matin. Les premiers pensionnaires qu'ils croisent épongent leurs sarcasmes à la façon d'un
rituel immuable que les plus sensibles, et les plus conscients, tentent d'éviter.
¾Toujours le même parfum, Papi ?
¾Eh bien, madame Machin, on y est allé de bon cœur cette nuit ! Vous avez contaminé tout le couloir...
¾Si vous êtes radioactive, on va plomber vos couches, je vous préviens...
Visiblement la joie que déclenchent les boutades d'une bonne partie du personnel n'a pas l'air d'être partagée par les résidents.
Le matin, il y a régulièrement une demi-douzaine de pensionnaires insomniaques dans la salle commune. Nomades permanents à travers la solitude lugubre des couloirs et des nuits de l'hospice, un groupe en mal d'oc% cupation attend le petit déjeuner.
C'est le seul endroit où ils peuvent regarder la télé et échanger, pour ceux qui en sont encore capables, quelques nouvelles sensées entre pensionnaires. Aucun d'entre eux n'est sous assistance médicale, juste ce qu'il faut de médicament pour se donner bonne conscience.
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Les plus excités sont sous calmants, et les plus calmes sous antidépresseurs. Quant au reste des résidents, il représente un large échantillon de ce qui se fait de mieux dans le domaine de la pharmacopée bas de gamme. Nor% mal, on n’est pas dans un cinq étoiles.
La Résidence du Soleil n'est pas à proprement parler une maison de retraite exemplaire, c'est le moins que l'on puisse dire... Immeuble ancien appartenant au patrimoine national, jugé un temps obsolète, il a bénéficiéin extremis de la prise de conscience des hommes politiques locaux. Quelques mois avant les élections régionales, le bâtiment s'est vu remettre en état à moindre frais pour accueillir les anciens peu argentés de l'arrondissement. Pas un des 272 pensionnaires n'aurait pu bénéficier d'une telle structure sans le complément financier des instances politiques régionales. Ils le savent et ne sont pas prêt de l'oublier vu la fréquence avec laquelle le nouveau directeur de l'éta% blissement le leur rappelle. Une superbe plaque en marbre ciselé, dont chaque lettre est dorée, indique et remercie les instances qui ont participé à la réalisation de ce projet.
Le bâtiment est parfaitement assorti à l'arrondisse% ment qui l'héberge. Le XIXème n'est pas franchement
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réputé pour son avant-garde architecturale, et l'im% meuble qui abrite « l'hospice du Soleil » ne fait pas tache dans le décor. Petite rue, trottoir étroit, et le profil ave% nant d'une caserne caractérisent le lieu. Les grilles qui quadrillent les fenêtres du bâtiment ne font rien pour le rendre plus chaleureux, la barrière métallique qui en délimite l'accès non plus, d'ailleurs.
Le sas qui accueille les rares visiteurs est uniquement occupé en son centre par une sorte de guérite vitrée où se relaient quelques cerbères acariâtres. Les trois matrones qui filtrent à tour de rôle les entrées ont, en plus d'un caractère tout à fait désagréable, deux points communs qui font le régal silencieux de ceux qui subissent leurs affres. Elles collectionnent de superbes poireaux turgescents au beau milieu de la face, cumulés par une pilosité nasale surabondante.
Le sas, mesure protectrice de l'établissement, a de très bonnes raisons d'être. En effet, plusieurs actes de vio% lences avaient eu lieu au sein de l'hospice du Soleil. Actes de violence qui firent aussitôt le malheur de son directeur du moment et le bonheur d'une presse à scan%
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dale toujours prête à troubler la quiétude ronflante d'une administration bien huilée.
Un hebdomadaire à scandale reprit durant trois semaines l'histoire odieuse d'un racket qu'avaient subi de façon récur% rente plusieurs pensionnaires de l'hospice du Soleil. Racket qui s'était conclu peu de temps après par l'homicide « acci% dentel » d'une des pensionnaires des lieux. Un couple de drogués était entré dans l'hospice et avait brutalisé plusieurs pensionnaires dans le but d'en tirer les quelques subsides nécessaires à leur défonce quotidienne. Au bout d'une semaine de racket, il arriva ce qui devait arriver : une octo% génaire saisie d'effroi devant l'arme d'acier posée sur son cou se mit à hurler, déclenchant à son tour un réflexe de peur du drogué qui lui trancha la carotide.
La première parution de l'hebdomadaire sur ce sujet ruina la carrière du directeur de l'époque. Quant aux deux suivantes, elles firent réagir vertement l'ensemble d'une classe politique en manque d’Audimat.
Aussi la première décision du nouveau directeur fut l'installation d'un sas de sécurité qui coûta, et remplaça à lui tout seul la réfection des sanitaires du troisième étage.
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Depuis le jour où furent installés le sas et les cerbères qui l’occupent, fut également instaurée une règle pour ceux qui bénéficiaient encore du droit d'entrée et sortie. Ne seraient acceptés dans l'établissement que ceux qui y résidaient, y travaillaient où étaient expressément auto% risés par la direction.
Pour les pensionnaires, les choses devenaient plus compliquées. Un tiers d'entre eux bénéficiaient d'une indépendance physique et intellectuelle qui leur permet% tait d'user de ce droit. Pour les autres, les promenades se limiteraient aux couloirs.
Seuls les résidents du troisième étage conservèrent un semblant de liberté. Quant à dire que c'était une chance...
En novembre dernier, la si désagréable Régine, de per% manence au sas, avait refusé d'ouvrir à un pensionnaire qui, de toute évidence, était saoul. La consigne précisait qu'en un tel cas, l'alcoolique en question serait placé en « cellule de dégrisement » jusqu'au lendemain. Seul hic ce soir-là, ladite cellule était déjà occupée par une rési% dente encore plus saoule et pas du tout en état de rega% gner son dortoir. N'ayant pas le droit de faire dormir deux pensionnaires de sexes opposés dans le même
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espace, le cerbère de permanence lui refusa sans ver% gogne l'accès de l'hospice pour la nuit.
La bronchite qui résulta de l'inconfortable nuit sur les marches de l'hospice entraîna, quinze jours plus tard, la mort du poivrot d'un soir : quinzaine d'incubation salva% trice pour la nouvelle direction de l'hospice qui permit, officiellement cette fois-ci, à la faiblesse du vieillard d'endosser la responsabilité de son décès.
o0o
Projet pilote, dans le secteur économique, l'hospice du Soleil abritait trois niveaux de retraités, de l'Alzheimer léger au retraité indépendant médicalement et physique% ment. Hormis le rez-de-chaussée réservé aux bureaux, sur l'aile droite, et aux salles communes, sur l'aile gauche, les trois étages abritaient différents niveaux de dépendance. Plus la dépendance était grande, plus ils étaient proches de la sortie.A contrario, les heureux bénéficiaires de l'autorisation de sortie se situaient au dernier étage du bâtiment et logeaient, luxe suprême, dans des chambres de quatre. Encore une fois la cage d'ascenseur située au centre du bâtiment et, par la même
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