Qui est-il?, extraits...
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Description

À propos de ce livre :
Le texte qui suit est à visée promotionnelle. Il reproduit les dix premières pages de Qui est-il ?, paru aux éditions Myriel en novembre 2016. Vous trouverez en fin d’ouvrage toutes les informations renseignant sur les modalités d’achat ainsi qu’un texte de présentation de l’auteur.
L’équipe éditoriale, éditions Myriel
Résumé de l’œuvre et 4ème de couverture :
Qu’arriva-t-il à Cyrielle pour qu’elle s’effondre ainsi, sans connaissance ni mémoire, un matin d’août en Bretagne ? Cyrielle, femme indépendante, femme qui, jusqu’à présent, avait pris le parti de la résistance au mal n’aurait pu anticiper l’affront terrible qui, finalement, la clouera au lit.
Hospitalisée, voilà qu’elle ne cesse de recevoir la visite d’un homme dont elle ne connaît rien. C’est lui qui, elle en est sûre, pourrait bien être responsable de beaucoup des choses qui l’affligent ; c’est lui, là encore, qui se débrouille pour qu’on la laisse là, seule, isolée, dans cette chambre d’hôpital où lui seul vient faire ses visites.
Court roman contant une intrigue complexe ; réflexions les affres de la perte d’identité, sur tout ce qui trouble une femme rendue sans mémoire, sans rien de bien rassurant du décor humain peuplant son réveil, Qui est-il ? dresse le terrifiant procès d’une imposture : celle d’un homme qui pensait l’amour éternel.

Informations

Publié par
Date de parution 09 novembre 2016
Nombre de lectures 4
Langue Français

Extrait

QUI EST-IL ?
Myriel, 2016

 

 



 

 

À propos de ce livre :

Le texte qui suit est à visée promotionnelle. Il reproduit les dix premières pages de Qui est-il ?, paru aux éditions Myriel en novembre 2016. Vous trouverez en fin d’ouvrage toutes les informations renseignant sur les modalités d’achat ainsi qu’un texte de présentation de l’auteur.

L’équipe éditoriale, éditions Myriel

 

Résumé de l’œuvre et 4ème de couverture :

Qu’arriva-t-il à Cyrielle pour qu’elle s’effondre ainsi, sans connaissance ni mémoire, un matin d’août en Bretagne ? Cyrielle, femme indépendante, femme qui, jusqu’à présent, avait pris le parti de la résistance au mal n’aurait pu anticiper l’affront terrible qui, finalement, la clouera au lit.

Hospitalisée, voilà qu’elle ne cesse de recevoir la visite d’un homme dont elle ne connaît rien. C’est lui qui, elle en est sûre, pourrait bien être responsable de beaucoup des choses qui l’affligent ; c’est lui, là encore, qui se débrouille pour qu’on la laisse là, seule, isolée, dans cette chambre d’hôpital où lui seul vient faire ses visites.

Court roman contant une intrigue complexe ; réflexions les affres de la perte d’identité, sur tout ce qui trouble une femme rendue sans mémoire, sans rien de bien rassurant du décor humain peuplant son réveil, Qui est-il ? dresse le terrifiant procès d’une imposture : celle d’un homme qui pensait l’amour éternel.

 

À propos des éditions Myriel et de la collection Myriel Littérature :

Nées en 2011, les éditions Myriel font, par leur nom, référence à l’œuvre de Victor Hugo. Soucieuses de redécouvertes, les éditions Myriel sont à la croisée entre Histoire et Littérature, mais pas uniquement. Car à côté de ce que nous espérons faire redécouvrir il y a tout un travail de mise en valeur de nouveaux auteurs, comme l’atteste la collection Myriel Littérature. Ainsi avance la Littérature, entre redécouvertes, consolidation de ses acquis et trouvailles de ses nouveaux talents.

 

 



Le prologue

 

 

Madame de Trêve ne fit qu’un bond à cet instant : « vite appeler la police », pensait-elle. Une femme passant sous sa fenêtre marchait en titubant, sa démarche heurtée multipliait les embardées, elle n’avançait qu’en slalomant, effaçant de multiples obstacles vus d’elle seule.

Au bout du fil, l’agent sentait le malaise ; qu’on le comprenne : pareille description vous glace : elle donne à la voix l’écho froid d’une crypte profanée. La vieille dame marquait son inquiétude par de fréquents hurlements qui ponctuaient son propos d’effroyables cris d’angoisse. À trop observer Cyrielle titubant, la voilà en train de suivre le moindre de ses pas, se calmant lorsque la marche s’équilibrait ; puis, brusquement, hurlant de peur, à chaque hésitation, pour chacun de ces moments précipitant la chute.

Enfin, l’agent faisait dire à la vieille dame l’adresse ; madame de Trêves hurlait, une fois encore : Cyrielle venait de tomber par terre : son visage s’entaillait. En son for meurtri, la vieille femme enrageait contre elle-même, affligée et triste devant l’idée de n’y pouvoir rien, l’âge l’éreintant, ses forces en trop faible nombre s’il lui avait fallu descendre, puis chercher à aider, pour de vrai ; attrapant Cyrielle sous les bras, la faisant monter chez elle, lui nettoyant le visage de tout ce sang, de la saleté du trottoir sur lequel la figure de la belle était venue s’écraser.

L’agent avait conseillé à madame de Trêves de s’assoir. Il lui assurait qu’un autre témoin venait d’appeler la police : preuve qu’une aide viendrait, preuve que ce n’était pas à elle, grand-mère octogénaire, de descendre dans la rue. Mais madame de Trêves ne pouvait écouter, l’odieux spectacle se poursuivait : Cyrielle s’était relevée, incompréhensiblement. « Mais elle est folle !!! », hurlait madame de Trêves ; ses jambes flanchaient ; c’est comme ça, bien plus sûrement qu’à l’écoute des conseils du policier, qu’enfin elle s’asseyait. Son cœur saignait : elle ne voulait rien en perdre de ce qui ainsi, follement, la bousculait. Là où elle s’asseyait, elle continuait à tout en voir. C’était sa façon à elle d’aider Cyrielle : par la force d’une attention, en totale empathie, tâchant de tout son corps, de toute son âme, de si fort penser à aimer, pour mieux aider la jeune femme.

Se remettant debout, Cyrielle voulait encore avancer : son pas était suicidaire. Quelle force, quelle énergie enfantant la perte pouvaient ainsi égarer pareille femme ?, s’avouaient les passants. C’est au constat de cette triste situation qu’étaient forcés les témoins de la scène.

Voilà qu’enfin arrivaient les secours, cinq minutes tout juste après le coup de fil de Madame de Trêves. Cyrielle était salement amochée : elle s’était fracturé une clavicule, une pommette et le nez ; son visage saignait d’une plaie qui réclamerait treize points de suture.

— Madame, madame, vous m’entendez ?, tentait de l’interpeller le médecin.

En vain !!

Cyrielle déjà s’éloignait. Elle resterait pour longtemps encore un simple prénom. La jeune femme n’était qu’une amnésique égarée.

 



I

 

 

En sortant de l’ascenseur, il prenait à gauche. Au téléphone, l’infirmière lui avait dit que sa femme était enfin sortie du coma. À cet instant, il avait coupé la radio de sa voiture.

Quoi dire ?

« Vite se resituer !!! » Ainsi avait pensé Yannick sitôt la nouvelle assénée. Il entrait sur l’autoroute au niveau de l’embranchement avec la N 157 ; direction Laval : ce n’était pas le bon sens pour aller à l’hôpital, mais qu’importe !! À la sortie d’après, il avait fait demi-tour. Toute façon, il ne connaît qu’un chemin pour aller à l’hôpital en partant de son travail, alors d’avoir à faire ainsi était comme une obligation.

« J’arrive, j’arrive !!! », avait-il dit à l’infirmière.

La conversation n’avait vécu qu’aux rebonds de ces quelques phrases : deux trois formules un peu toutes faites de la part de l’infirmière ; la première, histoire de se présenter, la seconde pour prévenir de l’exceptionnel. Entre ces deux phrases, il y avait eu les réponses de Yannick. L’homme avait cherché ses mots, disons-le ; il avait fallu qu’il se retienne de mal conduire ; l’émotion le submergeant, ses mains commençaient à trembler. Serrant son volant de toutes ses forces, cherchant par ses crispations à combattre l’anarchie de ses tremblements, il revenait vers un peu plus de contrôle. La discipline de son corps retrouvée, c’était la possibilité, pour lui, de pouvoir formuler des réponses un peu plus construites que les simples sons signalant jusqu’alors qu’il écoutait son interlocutrice.

— Je peux la voir tout de suite ?, demandait-il à l’infirmière.

— Oui !!! Enfin, va falloir attendre une grosse demi-heure, tout de même. Votre femme a subi un sacré choc, tout de même.

— Le temps d’arriver et la demi-heure sera passée, j’vous assure !!! Ça roule mal ce soir, si vous saviez !!!

Petit intermède plein de praticité entre eux. Façon de clore la discussion, qui sait ; moyen surtout de s’essayer proches, de la part de deux êtres se voyant en coups de vent, sans pouvoir songer à pleinement se connaître : l’un partant, l’autre se pressant au chevet d’une même malade depuis trois mois.

Après avoir rebroussé chemin, Yannick mettait plus d’une heure pour arriver à l’hôpital. Nulle urgence ne le bousculait, incompréhensiblement. Maintenant qu’il savait, à quoi bon se mettre à gâcher des retrouvailles ? Son pas les faisait se rapprocher ; c’est ainsi qu’il se prenait à vouloir savourer l’instant. Lorsqu’un être cher a failli vous être enlevé, lorsque des mois durant, il était trop loin pour que vous puissiez le rencontrer, le monde change dès lors que vous apprenez son retour. En allant vers lui, vous allez vers une retrouvaille dont il ne faut rien craindre. Vous marchez vers ce qui vous a fait tenir en vie : qu’enfin revive l’être aimé.

C’est grâce à toute cette sagesse qu’il marchait, serein, vers la chambre de Cyrielle avant d’y entrer.

C’était il y a plus de dix minutes à présent. En entrant, Yannick avait frappé à la porte. Du plus loin qu’il se souvienne, il se remémore cette drôle de politesse. Même quand Cyrielle était dans le coma, Yannick frappait à la porte avant de rentrer. Respect des malades, rien de plus : intimité qui se doit aux gens peuplant les hôpitaux, aime-t-il à se convaincre. Et puis espoir, peut-être, d’entendre un jour un « Oui, entrez !! » venant en réponse à ses trois coups portés contre la porte. Que la phrase vienne, un jour, et cela aurait signifié son réveil.

Au lieu de ça, c’est d’un coup de téléphone que la chose était venue. Yannick y repense à cet appel. Et il y voit ce que voient toujours les forts en désespoir : il y voit comme un moment extraordinaire qui lui fut retiré.

L’hôpital semblait vide à cet instant ; seuls lui et elle en quelque sorte, comme des retrouvailles enfin pleines et entières. Tout chez lui visait la retenue : son souffle, ses gestes et jusqu’à sa manière de la regarder ; son regard tout juste posé sur Cyrielle, c’est à une impression d’éblouissement qu’il s’était donné. Cyrielle était fragile à contempler ; à chacune de ses respirations, sa cage thoracique décollait : la vie reprenait, en elle. Vie d’autant plus fragile qu’elle se réappropriait une âme. Sa peau n’était plus laide de ses blancheurs blafardes d’avant réveil. Yannick se retenait : tant de beauté le faisait vaciller ; c’est une apparition qui se signalait. Alors, pour ne pas flancher, pour que scintille encore l’émerveillement, il avait empoigné une chaise. La chaise n’était pas loin du côté droit du lit de Cyrielle. Yannick s’asseyait, comme de guerre lasse. Jamais éreintement ne fut plus sincère que le sien à cet instant, c’est un homme fourbu d’espoirs qui prenait place. Normal qu’à pareille espérance corresponde si brusque fatigue !!

Tout le gênait en lui : de l’air qu’il lui arrachait aux bruits que, peut-être, il faisait. Tout ce qui le définissait lui semblait une agression portée à son encontre. Elle, revenante ; elle, survivante ; être à l’incommensurable fragilité. Lui, homme lourd de sa présence, à côté du corps frêle et parfait d’une femme incarnant l’illumination. C’était ça le déséquilibre des forces entre eux.

Une infirmière était passée dans le couloir. La résonnance de ses pas ; le bruit de la porte se fermant après elle ; l’air se déplaçant d’onde en onde pour venir jusqu’à Cyrielle : il avait pris peur : c’était il y a une trentaine de secondes. Cyrielle avait esquissé un mouvement de paupière. On la devinait en train de se réveiller. Simple chose, oui certes, après le claquement d’une porte ; mais à pareille situation correspond une échelle des bruits rendant chacun d’eux terriblement agressif.

Elle revenait au monde comme il lui arriverait d’avoir à le regretter d’y être venue ; elle se réveillait comme souvent reviennent à nous ceux qui nous surpassent en fragilité tout autant qu’en beauté. C’est un bruit sale, un bruit inopportun qui l’avait réveillée, le bruit commun d’une porte ; décidément le vulgaire bousculait l’exceptionnel fait incarnation. Seule, dans son coma, Cyrielle restait loin de tout ça, loin de la vie. La position convenait à sa perfection. À présent, la voilà de retour, la voilà redevenue à la portée des autres, malheureusement.

Cyrielle est figée dans son lit ; allongée sur le dos, les bras le long du corps, posés au-dessus de ses draps ; ses mains parfaites, parties d’elle-même qu’il s’extasie toujours de regarder, en évidence. Maintenant, voilà que quelques phalanges de sa main droite bougent. Ainsi revient-on souvent à la conscience après un sommeil : on bouge une première partie du corps, la conscience interroge le monde une première fois : l’habitude règne, conclusion à nos premières impressions, alors c’est une plus grosse partie du corps que l’on bouge : une jambe, un pied ou autre chose. Déjà conscience est pleinement revenue. Par ça, c’est tout le corps qui se revitalise. Le sommeil recule, définitivement : le corps complet, et jusqu’aux tréfonds de sa conscience, à présent se meuvent.

Yannick la regarde encore un peu dormir. Ses yeux bougent imperceptiblement sous ses paupières fermées : elle le sent déjà. Elle sent qu’une présence est là. Trop tôt encore pour l’interroger ! Dans la pièce, les odeurs se mêlent. Elles sont informations ; elles sont ce qui plante un décor avant même d’avoir à le constater. Ces odeurs en bataille quelles sont-elles ? Il y a ces senteurs d’hôpital, mélange d’effluves médicamenteux et de senteurs de coton. Le barnum technologique, ces machines plantées là, tout autour du lit de Cyrielle n’émet, lui, qu’assez peu d’odeur. Le miasme des machines n’existe pas, leur parfum est neutre, à mi-chemin entre le désinfectant passé d’effets et le métal pour appareillage stérile. Yannick, lui, ne sent rien de ce décor impalpable. Le royaume des odeurs n’est accessible qu’à quelques individus. Il y a là comme une distinction en appartenance fracturant les hommes. À chacun de nos réveils, nous y plongeons dans cet autre monde, puis nous le quittons, accaparés que nous devenons par le renseignement de nos autres sens.

Cyrielle a bougé une jambe. Du monde des odeurs, elle ne retient qu’un parfum, celui que Yannick porte. Elle a l’impression d’une réminiscence venant en accompagnement. Ce parfum, elle croit le connaître, du moins le pense-t-elle. L’agression lui fait ouvrir un premier œil. Enfin le monde apparaît autrement que sous la forme d’un simple signalement, d’une fragrance aux pouvoirs évocateurs.

On la regarde !!! Elle le sent, jusqu’à en subir l’incommode impression. Seul son œil droit est ouvert, l’agression des lumières est là, déjà évidente en conséquence.

Qui la regarde jette une ombre tout autour d’elle. Cyrielle tourne la tête… vers lui. C’est une stature massive ; une stèle faite de chair. Les maux de tête se laissent vaincre, enfin. Elle ouvre son deuxième œil. L’ombre planante est celle d’un homme. Le parfum qui s’en échappe ne lui semble plus si connu que ça. Rien de ce que cette silhouette dégage ne l’informe. Une ombre a toujours ses contours, comme un dessin : que tout cela vous parle et l’ombre cessera son mystère. Tout au contraire, que la silhouette épouse les traits de ce qui est nouveau et elle vous fera peur.

C’est là qu’en est Cyrielle en ouvrant son deuxième œil. Il lui sourit : visage ignoble et grimaçant. Il ne peut y avoir de réciproque chez elle. Impossible pour Cyrielle de sourire à cet instant. Pas tout de suite, pas lorsque pareille interrogation est là !

— Tu vas bien ?, lui demande-t-il.

Que dire ? Elle bâille. Il comprend qu’elle sort encore de son réveil.

— Ça me fait plaisir de te parler, si tu savais !!!

Il semble impatient de parler. Ces choses se lisent par la vivacité du regard : celui de Yannick illumine, littéralement. Qu’elle ne lui parle pas encore a ses explications. Il devrait se taire, la laisser en revenir doucement ; mais il ne peut pas. Il faut qu’il parle, pour exorciser le mal, pour vaincre l’incompréhension de ses drôles de remords d’avoir à être là.

— C’est l’infirmière, Mme Marcelin qui m’a prévenu. J’étais sur le Périph. Ça, tu ne le sais pas encore, mais j’ai un nouveau travail. Fallait bien !! Avec tout ce qui t’est arrivé, y’avait pas le choix. Puis, toute façon, chez Dellepierre, ça marchait plus trop ces derniers temps. J’ai filé ma dem., voilà tout !!! Y’a un peu plus de deux mois !!! Tchao, bye, bye, Yannick Montel, vous salue bien…

Elle plisse un peu les yeux. Ses jambes sont si douloureuses qu’elle souffre à la simple intention d’avoir à s’en servir. C’est à la force des bras, des contractions de son ventre, qu’elle remonte son corps un peu plus haut dans le lit. Et lui, il parle. Elle s’absente de leur discussion, ses introspections l’accaparent. Elle le regarde fixement, mais rien ne vient. Cet homme qui est-il ?, s’avoue-t-elle. Elle ne sait trop quoi faire avec pareille question.

— Je t’ennuie avec toutes mes paroles, c’est ça ?

Il a vu son désarroi. Il croit que le trouble de Cyrielle vient de ce qu’il dit alors qu’il est bien plus profond que cela. C’est tout ce décor, c’est sa présence à lui qui pose problème à Cyrielle, voilà tout. On voit, en la regardant que les questions se bousculent en elle.

— Tu veux que je te laisse seule, c’est ça ?

Il regarde sa montre. Avant d’entrer, l’infirmière l’avait prévenu : à 20h30, il lui faudrait partir. « Encore dix minutes », se dit-il.

Elle hésite à y venir. Mais elle cède : elle doit savoir !!! Et tant pis s’il se vexe.

— Mais vous êtes qui au juste ? Et puis je suis où là ?

Il s’arrête de respirer ; une épreuve, un effort éreintant, en prévision. Sa question formule ce qu’il avait a redouté le plus : il se disait bien qu’elle ne pourrait le reconnaître. Maintes fois déjà, il eut à croire qu’après tout ce temps sans le voir, la mémoire, forcément, lui ferait défaut. Mais il préfère y revenir plus tard vers cette réponse ; c’est une lâcheté que pareille reculade, disons-le tout de suite, une de plus dans la vie de Yannick, ajouterions-nous.

— Tu as eu un accident il y a trois mois. Oh, assez grave l’accident, tu t’en doutes !!! Eh oui !!! Trois mois Cyrielle !!! Ça fait trois mois que tu es là… dans le coma. On est au service de soins intensifs de l’hôpital Beauvue là !!...

Elle plisse de nouveau les yeux ; cherchant à mettre un nom sur qui lui parle ; mais rien ne vient. Cet homme, ce qu’il lui dit, qui il peut-être ; rien de tout ça n’a de résonnance en elle.

— Tu ne t’en souviens pas ?...

Pour la première fois, leur regard se croise. Mais toujours rien !! Elle se met à avoir peur. Normalement, le regard des autres lui parle, sauf à ce moment précis. Cet homme a le regard de l’absence, pour elle, il ne renvoie pas vers ce qui a été.

À la porte quelqu’un frappe. La porte s’ouvre et une tête passe au travers.

— M. Montel, il est 20h35. Je comprends que vous aimeriez rester, mais là c’est plus possible. Il va falloir que vous partiez !!!

Il regarde l’infirmière. On croirait un adolescent un peu penaud, comme pris à la faute lorsqu’il fait ça ; il n’a pas, lorsqu’il regarde les autres, le même souci d’empathie que lorsqu’il regarde Cyrielle. Devant le reste des hommes, il est des plus normaux ; la regardant elle, il est effrayant d’esprit de possession. Cyrielle, c’est un peu sa chose, pense-t-il. Pour elle il a tout quitté.

La discussion entre l’infirmière et Yannick fut comme un répit pour Cyrielle. À présent, elle en est sûre : elle aimerait ne plus jamais voir cet homme : elle en a peur, conclue-t-elle.

Déjà Yannick se lève. Il trifouille dans ses poches pour savoir si rien ne lui manque ; il regarde par terre, sous la chaise, le long du chemin entre la porte et la chaise, celui qu’il eut à parcourir pour arriver là. Rien n’est tombé de ses poches, le voilà rassuré. La précaution aurait de quoi effrayer qui resituerait la chose dans son contexte. Yannick a presque tout du cambrioleur en partance : on le croirait soucieux de discrétion à ainsi chasser la trace de son passage. C’est un homme qui n’a rien à faire là qui quitte la chambre de Cyrielle.

— Toute façon, faut que tu te reposes, dit-il à Cyrielle, avant de partir.

Lorsqu’il ferme la porte, elle souffle.

« Mais qui est cet homme ? », s’avoue-t-elle encore.

Mme Delvaux, venue prendre son service à la place de Mme Marcellin, arrivait tout juste dans le service à ce moment-là. Cyrielle était la quatrième patience à s’occuper dans l’ordre de sa prise de service.

 

 

Présentation de l’auteur :

 

Maud Le Gazan est une auteure francophone née en 1976. Passionnée d’art, diplômée en histoire de l’art, ancienne étudiante aux beaux-arts, Maud Le Gazan est également illustratrice. Situant sa production littéraire dans le domaine du réalisme, elle aime mettre en scène des histoires d’anonymes intègres que le destin et/ou quelques décisions malheureuses forcent à devoir se battre. Collaboratrice régulière des éditions Myriel, y œuvrant comme illustratrice ou auteure, elle fait de sa générosité à écrire sa plus sincère preuve en sensibilité littéraire.

 

 

Informations légales sur le livre :

 

Site internet de l’éditeur : edition-myriel.com

 

Titre : Qui est-il ?

Auteur : Maud Le Gazan

Année de parution : 2016

ISBN : 978-2-36946-038-1

N° éditeur : 979-10-91260

Nombre de signes : 186343

 

Visuel de couv :

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