Retour vers les Hautes Combes
114 pages
Français

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Retour vers les Hautes Combes , livre ebook

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Description

Une journaliste revient dans ses montagnes pour y écrire un reportage. Mais quelque chose la hante. Peu à peu, lui reviennent à l'esprit les événements de l'été soixante-seize. Des jeunes fous de liberté habitaient les fermes abandonnées, vivaient intensément, s'aimaient, se quittaient. deux récits s'enchevêtrent, celui d'aujourd'hui, celui d'une réconciliation avec son territoire et son passé et celui d'hier avec ses bonheurs et ses drames. Un hymne à ce pays, les Hautes Combes, et à ses habitants.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 177
EAN13 9782296933170
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Retour vers les Hautes Combes
Maryse Vuillermet
 
 
Retour vers les Hautes Combes
 
roman
 
 
L'Harmattan
 
Du même auteur
 
Aux éditions L'Harmattan
 
Mémoires d'immigrés valdotains.
Du val d 'Aoste au Jura, 2003.
 
Et toi, ton pays, il est où ? , 2006.
 
 
 
© L'HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattanl@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-11373-2
EAN : 9782296113732
 
« L'écrivain est un lâche, il ne se bat pas sur place ouvertement, devant les autres. Plus tard. Plus tard. Tout seul. »
 
Anaïs Nin
 
 
« L'oubli fait partie de la mémoire. On ne peut oublier que si on se souvient. A partir du moment où on sait, on peut commencer à oublier. »
 
Comme un parachute arrêté en pleine vitesse
 
 
Ce matin, dans le village, les rideaux se soulèvent quand elle va chercher sa voiture garée sur le petit parking près de la fontaine. Le village sait qu’elle est là, se pose des questions, une vieille plus aventureuse que les autres va demander aux voisines quand elle ira chercher le pain à la camionnette : Vous savez qui c’est cette dame qui est chez Betty ? La connaissance est essentielle, même si le village-rue semble vide, les trottoirs déserts, si la moitié des volets sont fermés, l’information circule, ça vibre, ça bruisse. Le pays a l’air sauvage, vierge, une succession de combes, appelées les Hautes Combes du Jura, un haut pays de dunes, pas des dunes de sables non, des dunes de terre, hautes, vastes, aux formes rondes et douces, des anticlinaux rabotés par des millénaires, creusés par le temps et qui finissent par plier, s’arrondir et s’aplatir. En fait, le pays est vivant, il est aux aguets, il aime les histoires. Au fond des combes, des champs retournés et travaillés, et, au bord, sur les flancs encore doux, des pâturages pour les bêtes et des forêts de feuillus et encore plus haut, sur les crêtes, des bois d’épicéas. Les villages sont au milieu des combes, à découvert, placides, des villages-rues, des maisons trapues avec des granges pour du foin de six mois et, derrière les maisons, des potagers où ne poussent que les légumes de la soupe. Les vaches donnent du lait qu’on porte matin et soir, été comme hiver, en tracteur, en quatre-quatre ou en camionnette à la fruitière de Comté, et c’est là qu’on échange quelques nouvelles. Et puis, dans la combe, çà et là, surgissent des fermes plus isolées mais chaque maison est à portée de vue d’une autre, c’était comme ça avant, on construisait à portée de vue et de voix, pour la sécurité, il fallait se voir et surveiller les incendies et l’hiver, ne pas être trop éloignés les uns des autres. Aujourd’hui, beaucoup de ces maisons sont fermées onze mois par an mais tout se sait. Il n’y a plus au village qu’une ferme qui produit du lait et qu’un voyage à la fruitière par jour, mais les rideaux se soulèvent pour voir passer les voitures, ils se soulèvent le long des routes des combes et au village, quand elle va chercher sa voiture, et le pays va savoir.
 
La veille, en arrivant, elle y est retournée. Elle n’a pas pu s’en empêcher. Elle est repassée sur la route en bas de la ferme de la Petite Molune. La ferme avait encore gonflé, s’était étalée, répandue, toute la crête de ce côté était envahie de hangars métalliques, de montagnes de ballots de foins recouvertes de leurs linceuls noirs plastifiés. Des vaches, partout, des centaines de vaches déjà dehors, malgré le froid. C’est toujours pareil, ils doivent manquer de foin pour finir l’hiver. Avec la fin des quotas laitiers, la production est sans limites, les bâtiments anciens ont presque disparu, mangés, absorbés par cette gangrène de hangars toujours reconstruits plus haut, plus brillants. L’un d’eux est inachevé, ouvert sur le ciel, arche vide, des poutrelles noires rayent le ciel gris.
Plus loin, sur la même crête, la Grande Molune, volets fermés, aveugle, morte. Elle a hésité. Elle a freiné sur la route mais n’a pas tourné dans le chemin à peine visible dans l’herbe, qui monte en boucle jusque devant la maison. Elle ne peut pas y aller.
 
C'est le printemps ou plutôt la fin de l'hiver, une saison qu’elle déteste, des plaques de neige trainent sous les sapins, lambeaux blancs dans l'herbe sèche. La route qui monte vers les Hautes Combes est toujours aussi vertigineuse. Elle sinue au flanc de la montagne en épingle à cheveux, en lacets immenses qui n’en finissent pas, presque mourants avant de se retourner d’un coup de rein et de continuer plus haut, jusqu’en haut. Malgré tous ces détours, elle s’élève rapidement le long de pentes raides, de plaques de rochers à vif, et on passe en un quart d’heure du trou, du confluent, tout en bas, à un paysage très différent, une étendue plate moutonnante, rabotée. La vue ne peut suivre que deux axes, plonger vers le creux très profond ou remonter vers cette mer de montagnes. Les abîmes donnent envie de franchir le parapet, de prendre un virage plus vite et de voler jusqu'au fond de la vallée.
En bas, c’est déjà le printemps, des primevères sur les talus, du vert tendre qui peu à peu gagne sur l’herbe jaune, la rivière qui charrie bruyamment les neiges fondues, mais là-haut, c’est encore l’hiver, la bise est sévère, les bandes de neige résistent sous les épicéas, les pâturages sont encore gris et il faudra attendre juin pour que le haut et le bas soient à la même saison.
 
C’est une route qu’elle connaît par cœur, qu’elle a parcourue des centaines de fois, à pied, en voiture, été, hiver, une route qu’elle a haïe, la nuit, quand les voitures zigzaguaient trop près des talus de grosses pierres disjointes, quand elle emmenait ceux qui partaient vers le chaos, et adorée parfois le matin, parce qu’elle les ramenait vers un peu de paix dans la vallée.
 
Un peu plus tôt, elle était rentrée dans la ville par la rue des usines, grises, étalées tout le long de la rivière. Sur les façades, on lit encore en grandes lettres fières un peu effacées, Manufacture Londres Paris Genève . Elle avait roulé doucement dans la rue du collège, traversé le grand pont, passé près du cimetière, contourné l'ancien lycée. Après le village, l’école du village, on va au lycée, au lycée de la ville. La ville n’a de ville que le nom. C’est un lieu bizarre, un cratère, une caldera. Elle monte et descend, elle s’accroche surtout, aux flancs de la montagne, aux versants de la vallée, à son histoire aussi. Elle grimpe jusqu’en haut du mont Bayard, des grès de Septmoncel d’où on la voit encore toute tassée, mais bien cramponnée et solide le long des deux torrents, le Tacon et la Bienne qui vont furieusement l’un vers l’autre. Et c’est elle encore là tout au fond, autour du confluent, jusqu’aux bords caillouteux de la rivière, jusqu’au faubourg Marcel, sous le Grand Pont, au milieu des jardins ouvriers, jusqu’au lycée du Pré-Saint-Sauveur, jusqu’aux arrivoirs sous le pont de pierre qui tentent de canaliser un peu cette violence de l’eau, de l’arrêter pour qu’elle serve à faire tourner les machines.
La ville va jusqu’aux usines de pipes et de diamants, la coopérative diamantaire, fière des ses vingt immenses baies vitrées, de son fronton, d’avoir donné son nom à la rue, rue de la Diamanterie, et encore plus loin, jusqu’à la zone industrielle, immenses hangars métalliques, toujours à l’ombre, qui sont pleins d’ouvriers, mais pour combien de temps ? Avant, on venait de Turquie et du Sahara, du fond du Portugal et d’Espagne et aujourd’hui, on souffre et on a peur, on se demande jusqu’à quand vont tenir les usines ? Ici, ceux qui sont partis savent que partir, c’est toujours aller très loin.
La ville se faufile jusqu’en haut de la combe du Marais où la route s’arrête, butant sur la montagne. Au-delà, c’est le Mont, et la grotte du Mont. La ville est encore sur les plateaux d’Avignon, de Villard, sur les combes de Haut-crêt, de Cinquétral puisque les municipalités se sont rattachées, se sont tournées vers le bas. Ou vers la vallée du Flumen dont le point culminant est le village de Montbrillant, ce qui veut dire le mont où se taillaient les diamants. C’est le même nom que celui d’un beau quartier de Genève où l’on vendait les diamants taillés ici, dans ce tout petit hameau.
La ville, c’est aussi la fêt

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