Rue Lallouette prolongée
140 pages
Français

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Rue Lallouette prolongée , livre ebook

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140 pages
Français

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Description

Ce texte nous plonge dans un récit de vies mêlées des années soixante jusqu'à nos jours sur le chemin "triangulaire" Antilles-Guyane-France. Il débute en Martinique, dans un quartier de Fort-de-France, autour des personnages clés, les grands-parents d'adoption de l'auteur. C'est par l'intermédiaire de ces personnages à l'itinéraire atypique, aux témoignages captivants sur la Guyane de l'or, du Bagne, au parcours émouvant, que va se tisser le réseau affectif de l'auteur, jeune Guyanaise extirpée du milieu familial originel.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2006
Nombre de lectures 56
EAN13 9782336273594
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Rue des Ecoles
Cette collection accueille des essais, d’un intérêt éditorial certain mais ne pouvant supporter de gros tirages et une diffusion large, celle-ci se faisant principalement par le biais des réseaux de l’auteur.
La collection Rue des Ecoles a pour principe l’édition de tous travaux personnels, venus de tous horizons: historique, philosophique, politique, etc.

Déjà parus
François CHAPUT, À corps et à cris , 2006.
Cédric TUIL, Recueil d’articles sur Madagascar , 2006.
Maguy VAUTIER, Vents de sable , 2006.
Olivier DOUAL, Impossible n’est pas africain, 2006.
Yves-Marie LAULAN, Un économiste sous les cocotiers, 2006.
Louis-Marie ORAIN, Le blé noir , 2006.
Stéphane MADAULE, Scènes de voyage à Amsterdam , 2006.
Anny MALROUX, Ceux du 10 juillet 1940. Le vote des quatre-vingts , 2006.
Pierre PICQUART/GARNIER-GRIZOT, La terre de Berrouaghia, 2006.
Geneviève TOUQUETTE, Chronique hospitalière d’un autisme ordinaire , 2006.
Raymonde WEIL, Une petite mal élevée , 2006.
Georgette RICHARD-MARTIN, Le temps revisité, 2005.
Hanania Alain AMAR, Mémoires d’un psychiatre (dé)rangé, 2005.
Michel LUCAS, L’urbanisation à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise, 2005.
Odette LAPLAZE-ESTORGUES, Des friches et des chiffres , 2005.
Huguette MAX-NICARD, La passagère , 2005.
Rue Lallouette prolongée

Sylviane Vayaboury
© L’HARMATTAN, 2006
5-7, rue de l’École-Polytechnique; 75005 Paris
L’HARMATTAN, ITALIA s.r.l. Via Degli Artisti 15 ; 10124 Torino L’HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 ; 1053 Budapest L’HARMATTAN BURKINA FASO 1200 logements villa 96 ; 12B2260 ; Ouagadougou 12 ESPACE L’HARMATTAN KINSHASA Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Administratives BP 243, KIN XI ; Université de Kinshasa - RDC
http://www.librairieharmattan.comdiffusion.harmattan@wanadoo.frharmattan1@wanadoo.fr
9782296007956
EAN : 9782296007956
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Remerciements Dedicace Fort-de-France Arrivée à Cayenne Installation rue Lallouette Histoires d’école Décors Communications O ma foi cinéphile 1969 Colonie de vacances Les années-collège Temps libre Atmosphères Intimités Guadeloupe 1974 Lycée Félix Eboué Premières escapades Vie active Les années difficiles Les années France Adieu Bonne Maman L’option D Leurs derniers voyages Lettre ouverte à ma mère Parcours d’un retour au pays natal
Remerciements
À Philippe, Aurélia, François, Sandrine, Patricia et à tous ceux qui m’ont apporté leur soutien pour la parution de cet ouvrage.
À Bonne maman, à Sèsène, à l’éternelle Guyane
Fort-de-France
Sur le long chemin du retour vers l’enfance, j’ai quatre ans. Début des années soixante, dans les faubourgs de Fort-de-France, route des Religieuses, terrain Acoma.
Agenouillée sur un petit tabouret, le temps me semble s’être figé. Cela fait trop longtemps que j’ai quatre ans. Avoir dix ans ! Oui, dix ans comme la fille qui m’emmène à l’école au-delà du morne. Je suis toute petite, trop petite sur des membres trop frêles.
Je veux une accélération du temps. Je veux grandir, grandir vite, livrer une bataille au temps ? J’interroge alors celle qui se tient devant moi, je lui fais part de mes exigences : « Je veux avoir dix ans, quand est-ce que j’aurai dix ans » ?
Celle que j’appelle Bonne maman se tient debout là, dans la case créole. Marie est la grand-mère non-biologique, celle qui en avait tant désiré mais qui n’en a jamais eu, celle qui en avait tant élevé, comme s’ils avaient été siens (dont ma mère), celle chez qui j’étais arrivée un jour, avec ma mère en provenance de la Guadeloupe.
Besoin pour cette dernière de souffler, d’échapper quelque peu à l’indicible, violences conjugales, maltraitances, cortège quotidien pour elle, pour moi.

Depuis, Bonne maman n’avait eu de cesse de me répéter : « Depuis l’âge de seize mois, tu es avec nous, ton père ne voulait pas de fille, il te battait... » Ma mère, malgré tout, était enceinte. Elle avait accouché ici à Fort-de-France d’une deuxième petite fille, puis s’en était allée continuant à me confier à Bonne maman, celle qui l’avait accompagnée, encadré son antan d’enfance, sa sœur même père ? même mère ? Sa sœur côté père, son aînée de plus de trente ans.
Ainsi, un peu plus d’un demi-siècle nous sépare. Je suis sa « Sissie », avec laquelle elle a droit à d’incessantes interrogations : « Et pourquoi ci ? ... Et pourquoi ça ? » Je la « saoulerais ». Comment répondre, fortement imprégnée d’une vision du monde involontairement restreinte : faire face avec ses moyens culturels et sa mémoire fraîche d’un passé colonial vécu et ressenti, tenter de divulguer, d’élargir, dire en raccourci qu’on est à la Martinique où elle a vu le jour en mille neuf cent cinq à Trinité, que c’est un département d’outre-mer, anciennement une colonie tout comme la Guadeloupe où résident mes parents, la Réunion, et la Guyane notre berceau commun à ma mère, Sèsène et moi.
Dans cette relation triangulaire se tient Arsène plus connu sous le nom de Sèsène, mon grand-père par alliance, sur ses béquilles d’unijambiste ; des béquilles qui m’interpellent, qui viennent s’ajouter au lot de mes jouets de petite fille.

Je les lui dérobe, je fais dans le mimétisme. Mais, avec le temps, ces béquilles finissent par profondément m’émouvoir.
Comment imaginer que cet homme avait autrefois déambulé sur sa terre guyanaise, dans les couloirs de l’imprimerie Laporte à Cayenne, puis sur les comptoirs des douanes des communes du littoral et de l’intérieur et puis un jour été touché par un syndrome de polynévrite des membres inférieurs, une pyodermite de la jambe droite et réaction lymphangite consécutive qui devait, finalement le conduire sur la voie douloureuse de l’amputation, celle de sa jambe gauche.
C’est dans ce contexte qu’il avait embrassé la France, qu’il avait laissé ce membre à l’Hôpital du Val-de-Grâce dans les années cinquante.
Il avait subi l’épreuve du retour au pays, diminué physiquement, psychologiquement atteint, socialement anéanti et forcé de fait à une retraite anticipée.

Il avait dit oui avec la tête, dit non avec le cœur. Oui à l’amputation, oui à la retraite à quarante ans. Non pas ça ! Alors il y avait répondu par la folie : une folie dont nous partagions les manifestations. Dans ses nuits agitées, ne criait-il pas qu’un coq chantait sous le lit ? Que le sol allait s’effondrer ? Qu’on allait tous y passer ?
Comment en ces temps, saisir le rêve de la folie ?
Le temps prenait soudain forme, il se densifiait, rythmé par son regard contemplatif sur mon visage d’enfant. Un visage qui semblait le fasciner et qu’il prenait plaisir à caresser. Avec lui, j’étais partie à la conquête de l’alphabet et des premiers nombres. C’était celui qui détenait le savoir et qui était mieux à même de le transmettre. Sur ces instants, Bonne maman rappelait, sans complexe, qu’elle avait quitté l’école au niveau du cours élémentaire. De longues périodes entrecoupées par ses séjours psychiatriques à l’Hôpital Colson, séjours qui allaient quelquefois de pair avec ceux de Bonne maman à Clarac, elle-même asthmatique, souvent en proie à de violentes crises.
Ces hospitalisations répétées semblaient se chevaucher, s’entre-mêler, recouvrir le temps. Et à la sempiternelle question : « Quand est-ce qu’ils vont sortir ? » me revenait la réponse de tante L. chez qui je séjournais durant ces moments de rupture. « Ils vont vite se rétablir, ils vont sortir bientôt ».
La tante L., cousins et cousines avaient pris ancrage sur l’autre versant, auquel on accédait après « maintes grimper et descendre du morne ». J’avais conscience déjà d’un luxe relatif car il y avait là domestiques, carrelage mosaïque, ustensiles et bien d’autres choses de qualité que je ne retrouvais pas dans notre maison créole. Je n’avais alors pas compris comment cette même tante L., plus tard débarquée à Paris avait dû exercer le métier de domestique.
Elle nous avait, un jour, expliqué que venir dans la capitale, contrairement à toute attente, supposait un déplacement géographique certes, mais aussi culturel et souvent fortement social.
Du vide aux relents d’hospitalisation, la case reprenait alors vie tout en bas du morne dans le virage où s’amorçait une nouvelle descente. C’est dans ce virage où venaient s’agglutiner les enfants de madame K.

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