Sawaba
296 pages
Français

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Description

Chaque année, 600 000 jeunes femmes dans le monde, plus de 200 000 en Afrique, sont victimes de "fistule obstétricale": une infirmité qui entraîne, avec la mort de l'enfant, une incontinence permanente des urines et parfois des matières. Une horreur physiologique qui s'accompagne d'un drame social : l'exclusion ! Tirée de faits vécus, l'histoire de Sawaba retrace le parcours d'une vie de souffrance et d'humiliation d'une jeune fille africaine, excisée et "fistuleuse". Un récit poignant qui touche au problème du droit des femmes, victimes du poids de traditions surannées.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 63
EAN13 9782336275444
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296089419
EAN : 9782296089419
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Ecrire l’Afrique Du même auteur Dedicace I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV XVI XVII XVIII XIX XX XXI XXII XXIII
Sawaba

Ludovic Falandry
Ecrire l’Afrique
Collection dirigée par Denis Pryen
Dernières parutions
Jimmy LOVE, Les Émigrants, 2009.
Mamadou Dramane TRAORE, Les soupirs du baobab , 2009.
Abdoul Goudoussi DIALLO, Un Africain en Laponie, 2009.
Simplice IBOUANGA, Au pays des tyrans, 2009.
Oumar Sivory DOUMBOUYA, Chronique d’un retour en Guinée, 2009.
Yvonne OUATTARA et Jean-Luc POULIQUEN, En souvenir de L’Arbre à palabres. Lettres de France et du Burkina Faso, 2009.
Alexis KALUNGA, Mes frères, pourquoi vous me faites ça ? , 2009.
Brigitte BERTONCELLO, avec la collaboration de Thomas Samba SARR, Du Sénégal à Marseille. Migration réussie d’un gentleman rasta, 2009.
Bazoumana OUATTARA, Le sacrement constitutionnel, 2009.
Colette LANSON, Professeur Béatrice Aguessy. Une vie de femme(s), 2009.
Bertrand LEMBEZAT, Palabres en pays kirdi, 2009.
Viviane MPOZAGARA, Ghetto de riches, ghetto de pauvres, 2009.
Pascal DA POTO, Mort héroïque, 2009.
Mahmoud BEN SAÏD, La Guinée en marche. Mémoires inédits d’un changement. Volume 2, 2009.
Aboubacar Eros SISSOKO, Une enfance avec Biram au Mali, 2008.
Bellarmin MOUTSINGA, La Malédiction de la Côte, 2008.
Daniel GRODOS, Niamey post, 2008.
Kamdem SOUOP, La danse des maux , 2008.
N’do CISSE, L’équipée des toreros, 2008.
Alain FLEURY, Congo-Nil. A travers les récits des missionnaires 1929-1939, 2008.
Paul Evariste OKOURI, La Sobanga des paradoxes, 2008.
Chehem WATTA, L’éloge des voyous, 2008.
Gabriel Koum DOKODJO, Noël dans un camp de réfugiés, 2008.
Du même auteur
Les médecins militaires au service des populations civiles. In Intervenir ? Droits de la personne et raisons d’Etat (Forum International sur l’Intervention) Académie Universelle des Cultures, Grasset 1993.
Les fistules obstétricales. In Camey 1998.
« Colonisation : une œuvre médicale humanitaire. » Le Quotidien du Médecin. 2006
À toutes les centaines de milliers de femmes, rejetées, humiliées, sans voix, que la honte et la souffrance déchirent, dans le profond silence du désespoir, de la solitude et de l’indifférence . . .
I
Un vent sec et chaud soufflait au dehors, un de ces vents venus du désert qui soulèvent les sables et les emportent jusqu’aux nuages. C’était une fin d’après-midi de saison sèche, à Menassongo au bord du Niger, village reculé de la région des Dallols sur la piste qui conduit à Faramango. Le soleil achevait sa course, mais la chaleur brûlante demeurait. Les pêcheurs avaient rangé les filets au fond des pirogues, au-dessus desquelles des nuées d’insectes bourdonnaient. Au centre du village, sous les flamboyants et les fromagers aux feuillages généreux, les enfants à la peau sèche et aux visages couverts de poussière jouaient. À quelques pas, derrière une table, les femmes aux odeurs de sueur forte, les surveillaient. Elles versaient du riz dans les récipients qu’on leur présentait. Arrivés comme à l’habitude en milieu d’après-midi, trois ou quatre vieux, rarement plus, toujours les mêmes, étaient réunis un peu à l’écart, à l’ombre d’un manguier à la frondaison luxuriante. Assis là, jusqu’au soir, les visages tannés, marqués du poids des outrages des ans, ils regardaient fuir le temps monotone. Un fleuve coulait paisible, sur les terres immenses de sable, brûlées par le soleil. Vu de sa berge haute, sur laquelle était située le village, il décrivait une longue courbe, où se reflétaient des grappes de piments rouges et d’épis de maïs séchés. Charriant çà et là herbes et branches arrachées, il s’élargissait et se prélassait près du village, pour devenir un beau fleuve calme, roulant ses eaux sablonneuses, au milieu des vastes étendues de champs de mil et des collines de dunes, dont on devinait au loin les premiers reliefs. Sur la rive opposée, vers le couchant, des oies sauvages prenaient leur envol, majestueuses, dans une eau couleur safran, que les derniers rayons du soleil illuminaient. Dans un paysage uniforme de sable et d’épineux, d’ocres et de fauves, la savane semi-désertique s’étendait à l’infini. Le temps semblait se fondre et se répandre dans un instant d’éternité.
Décor statique et immuable où la mélancolie douce du crépuscule laissait seulement flotter des voix de femmes derrière les murs du village. Celles-ci revenaient sans cesse et s’évanouissaient au milieu des beuglements et bêlements, mêlées aux aboiements des chiens et autres chants de coqs, qui résonnaient de loin en loin. Une clameur soudaine s’éleva, d’abord sourde, puis de plus en plus forte, jusqu’à ressembler à des cris, dont le calme du soleil mourant semblait amplifier les sons :
— Allah k’a balo ! k’a fama mô ! k’a ké maa yé ! k’a kè mogo sèbè ye !
— Sois le bienvenu ! Que Dieu te fasse vivre ! Qu’il te fasse grandir avec ton père et ta mère ! Que tu deviennes un homme !
Un concert de voix de femmes, aux bras levés, reprenant le même refrain, pénétrait jusqu’au moindre recoin du village, où le nom de Dieu, à peine évoqué, semblait aussi étrange qu’irréel :
— Voici notre enfant ! Il est chez lui au milieu des siens et que Dieu lui donne longévité, santé, fortune !
Et même si, dans le village, il en était encore qui doutaient, la rumeur eut tôt fait de devenir nouvelle, et les commentaires de l’événement, plongés dans une joie vive, n’en finissaient plus.
— K’a fajiri jira !
— Que ce jour nous trouve en bonne santé !
Clamait-on à l’envi à ceux qui semblaient bouder le divertissement et la gaieté. La bonne nouvelle avait une odeur de fête. Dans l’une des cases au toit couvert de paille, dans l’ombre bleutée des manguiers, allongée sur une natte, aux côtés d’une femme ronde et vive, une jeune mère venait d’accoucher. Allongée
Dans l’une des cases au toit couvert de paille, dans l’ombre bleutée des manguiers, sur une natte, aux côtés d’une femme ronde et vive, une jeune mère venait d’accoucher. Allongée de côté, elle regardait son enfant encore relié à son placenta. Elle était lourde et sentait la sueur et les lochies 1 . Sa respiration était bruyante et saccadée. L’enfant était sorti sans qu’elle ne laissât échapper une plainte. À peine le nouveau-né était-il séparé de sa mère qu’on entendit ses premiers pleurs mêlés aux « you-you stridents des femmes, drapées de larges tissus noués autour de leurs hanches où s’agrippaient des enfants en bas âge. D’autres, autour d’une bassine d’eau fumante, s’employaient à le laver, avec un mélange de décoctions de plantes, accompagné de formules propitiatoires consacrées, tout en massant son petit corps, selon la coutume. Par la porte restée entrouverte, s’ouvrant sur une cour encombrée de femmes en mouvement, s’échappait une odeur forte. Elles s’étaient rendues nombreuses près de la maison et avaient formé un groupe qui applaudissait et esquissait des pas de danse avec quantité de gestes, pour répondre aux acclamations destinées à informer le village de l’heureux événement. Les enfants piaillant d’excitation gambadaient et sautaient autour, dans un vacarme de cris, de chants et de sons de balafons 2 qui montait du village. Accoudée à une chaise en bois au cannage fatigué, se dessinait la silhouette d’une femme que le travail avait usée.
Encore jeune, mais déjà sans âge, vêtue d’une blouse rose défraîchie, elle semblait rêvasser absorbée dans ses pensées. Installée devant sa case que recouvrait un flamboyant en fleurs, la matrone observait avec distance et mélancolie l’ambiance festive et bruyante des femmes. Bien qu’elle ressentît comme une langueur qui l’accablait, elle souriait d’une joie orgueilleuse et naïve.
La journée avait été épuisante. C’était son troisième accouchement. La fatigue avait commencé à se faire sentir. L

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