Sous la chicote
160 pages
Français

Sous la chicote , livre ebook

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160 pages
Français

Description

Les nouvelles réunies dans cet ouvrage témoignent de la réalité coloniale telle que Daniel Bersot l'a vue à l'oeuvre au début du XXe siècle dans l'État Indépendant du Congo (EIC). Pouvait-il imaginer qu'un siècle plus tard, les fantômes du roi Léopold hanteraient encore ce pays autant que la conscience du monde ? L'EIC a cédé la place au Congo-Belge, puis au Congo-Léopoldville, au Congo-Kinshasa, au Zaïre et enfin à la RDC ; une multitude de noms pour une seule et même réalité, celle de la violence de l'arbitraire qui prend ici sa source. Nulle main coupée pourtant dans ces récits, juste ce qu'il faut d'exactions autour de cet instrument de torture, la chicote, à la mesure de ce que fut l'oeuvre civilisatrice du roi des Belges.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mars 2019
Nombre de lectures 18
EAN13 9782140117015
Langue Français
Poids de l'ouvrage 19 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

puis au Congo-Léopoldville, au Congo-Kinshasa, au Zaïre et enIn à la
Daniel Bersot SoUS lA chicoTE NoUvEllES coNgolAiSES
Présentation de Patrice Yengo AUTREMENT MÊMEavSec la collaboration de Roger Little
SOUS LA CHICOTE
COLLECTIONAUTREMENT MÊMESconçue et dirigée par Roger LittleProfesseur émérite de Trinity College Dublin, Chevalier dans lordre national du mérite, Prix de lAcadémie française, Grand Prix de la Francophonie en Irlande etc. Cette collection présente en réédition des textes introuvables en dehors des bibliothèques spécialisées, tombés dans le domaine public et qui traitent, dans des écrits de tous genres normalement rédigés par un écrivain blanc, des Noirs ou, plus généralement, de lAutre. Exceptionnellement, avec le gracieux accord des ayants droit, elle accueille des textes protégés par copyright, voire inédits. Des textes étrangers traduits en français ne sont évidemment pas exclus. Il sagit donc de mettre à la disposition du public un volet plutôt négligé du discours postcolonial (au sens large de ce terme : celui qui recouvre la période depuis linstallation des établisse-ments doutre-mer). Le choix des textes se fait dabord selon les qualités intrinsèques et historiques de louvrage, mais tient compte aussi de limportance à lui accorder dans la perspective contem-poraine. Chaque volume est présenté par un spécialiste qui, tout en privilégiant une optique libérale, met en valeur lintérêt historique, sociologique, psychologique et littéraire du texte.« Tout se passe dedans, les autres, cest notre dedans extérieur, les autres, cest la prolongation de notre intérieur.»Sony Labou TansiTitres parus et en préparation : voir en fin de volume
Daniel BersotSOUS LA CHICOTE NOUVELLES CONGOLAISES
Présentation de Patrice Yengoavec la collaboration de Roger Little
En couverture : « La Chicote », dans René Claparéde et Hermann Christ-Socin, LÉvolution dun État philanthropique, Genève, Édition Atar, 1909
© LHarmattan, 2019 5-7, rue de lÉcole-Polytechnique, 75005 Paris www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-17232-3 EAN : 9782343172323
INTRODUCTION par Patrice Yengo
Du même auteur Identités et démocratie en Afrique et ailleurs(dir.), Paris, LHarmattan, 1997 La Guerre civile du Congo-Brazzaville 1993-2002 : « Chacun aura sa part», Paris, Karthala, « »,Hommes et sociétés/Politique 2006 Le Venin dans lencrier : les conits du Congo-Brazzaville au miroir de lécrit, préface Éditions Paari, 2009de Jean Copans, Paris, Les Mutations sorcières dans le bassin du Congo : du ventre et de sa politique, Paris, Karthala, « Hommes et sociétés », 2016 « Sony Labou Tansi : lAnté-peuple ou le peuple hanté »,Continents Manuscrits: http://, n° 4 (Dossier La matière Congo), 2015 coma.revues.org/520 «Mundele. Quand, dans le Bassin du Congo, le nom du Blanc dit la violence et la mort »,Tumultes, vol. 48, n° 1 (2017), p. 71
INTRODUCTIONSur lécran, toute seule, une chicote se dessine. Il me semble voir un de ces objets de torture, souvenirs des inquisitions, étalés dans les musées historiques pour nous apprendre à détester les époques de barbarie et doppression. Instrument de domination et de martyre, dun usage habituel, quotidien, excessif, la chicote est le symbole de la force brutale abattue sur les populations du Congo. Il nest pas un noir, dans lÉtat Indépendant, qui nen porte les cicatrices entre les reins et les épaules. Comme il y a un empire du knout, il existe un pays de la chicote, un État dont le sceptre est un outil de torture. Daniel Bersot,Sous la chicote, p. 3infra.En cette vingt-troisième année de lÉtat indépendant du Congo ou EIC (1885-1908), voilà que la chicote vient souligner, sur les corps déjà meurtris par le travail forcé, la vivante réalité des passions coloniales que le roi Léopold II avait soigneusement établie en position fortifiée avec l’aide des compagnies conces-sionnaires. La chicote que lauteur découvre sur un écran évoque, par sa forme et sa nature, cette période lointaine devenue presque abstraite de lInquisition. Elle est l’autre nom, et loin du sens figuré, de la réalité coloniale qui trouve dans la souveraineté du roi des Belges sur le territoire de lÉtat indépendant du Congo correspondant à lactuelle République démocratique du Congo, les moyens de sa réalisation. Rédigée à lapogée de lEIC,Sous la chicotenous éclaire sur ces moyens et sur la dimension catastrophique du projet colonial qui fige le verbe civilisateur dans les méandres dune répression sans cause. La symbolisation de la colonisation par la chicote permet de lire le livre de Bersot à travers lassurance civilisatrice du pouvoir « libérateur » de la colonisation. Lhomme noir nest rien moins quun animal à domestiquer. Il faut savoir le produire dans le sens de la construction dun monde qui larracherait à sa sauvagerie et à sa condition de nature. Cet arrachement a pour principal instrument la chicote. La chicote nest pas seulement cette lanière de cuir attachée à un manche et employée à faire avancer les bêtes de somme, mais cette
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« terrible cravache en peau dhippopotame, linstrument de torture le plus barbare qui se puisse trouver dans la barbare Afrique, dont le législateur lui-même prévoit quelle produit plaies et syncopes, et qui, comme notre compatriote M. Bersot la constaté sur place, peut mettre à nu les muscles du dos et les glandes rénales, marquant ainsi 1 le peuple des stigmates et des cicatrices de sa servitude » . Daniel Bersot apparaît donc au premier abord comme un témoin. Mais cette qualité ne lui confère aucun statut particulier. Ni chroniqueur, ni journaliste, il rapporte des images littéraires qui se contentent de relater de manière fictive, certes, mais à partir d’un vécu attesté, une réalité dont il cherche à extraire une substance susceptible de mobiliser intellectuellement ses compatriotes. Ne pas raconter que des histoires mais faire trace dans lHistoire en prenant position. Lécriture romanesque est ce qui lui offre daller très loin dans la critique de la situation quil décrit, pour pousser à nous questionner, à travers les cinq nouvelles qui composent cet ouvrage, sur le sens de lentreprise coloniale. Dans cette Afrique façonnée par les fantasmes de la toute-puissance occidentale, aucun ressort ne manquait à la littérature coloniale, portée quelquefois par dauthentiques romanciers (Zola, Villiers de lIsle-Adam, Jules Verne, Rosny Aîné) mais surtout par danonymes feuilletonistes, pour tenir en haleine un public en quête dexotisme, rassuré de participer avec tous ces explorateurs intrépides, ces voyageurs assiégés par des hordes de cannibales ou de meutes danimaux sauvages, à laventure de lexpansion de la civilisation européenne sur le continent noir. Mais cette littérature toute en affabulations et en stéréotypes racialistes qui servait à conforter les bonnes consciences européennes du bien-fondé de la 2 colonisation, cachait mal ce que laCongo Reform Associationavait 1  René Claparède et Dr. H. Christ-Socin,L’Évolution d’un État philanthropique. Les origines de l’État Indépendant du Congo. Le sort du Congo dans le présent et l’avenir, Genève, Édition ATAR, 1909, p. 165. 2 La Congo Reform Association, fondée en mars 1904 par Henry Grattan Guinness, Edmund Dene Morel et Roger Casement est une association dont l’objet principal était la défense des intérêts et des droits des travailleurs indigènes de l’État indépendant du Congo contre les méthodes coloniales du roi Léopold II. Y adhéreront despersonnalités célèbres comme Anatole France, Arthur Conan Doyle, Mark Twain. Ce dernier écrira en 1905 une violente satire politique intituléeKing Leopold’s Soliloquy(Le soliloque du Roi Léopold). Conan Doyle, de son côté, commettra en 1909 un pamphlet au titre hautement expliciteLe
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déjà entrevu dès 1904 ; que derrière cette expansion civili-satrice se dissimulait une réalité, non ctionnelle celle-là, dune Afrique enserrée dans des pratiques coloniales dystopiques dont la dimension dexploitation biopolitique faisait déjà penser à des songeries génocidaires. Lextermination des Hereros et des Namas en Namibie était déjà en cours.Mais qui est Bersot ?De Daniel Bersot lon ne connaît pas grand-chose. Létude, de loin la meilleure, qui lui a été consacrée par Susanne Gehrmann de luniversité Humboldt de Berlin, reste muette quant à son identité. Tout juste apprend-on quil est un auteur inconnu en Allemagne et quil «ne figure pasau catalogue de la Bibliothèque nationale suisse. Tout semble indiquer [dailleurs] que le recueil de nouvelles est l’œuvre d’un auteur doccasion réagissant à un contexte 1 spécifique» . Auteur doccasion sil en est, inconnu sous son vrai nom, il nen est pas moins cité par René Claparède et Hermann Christ-Socin, les deux grandes figures de la «Ligue suisse pour la 2 défense des indigènes dans le bassin conventionnel du Congo » 3 dans leur ouvrageLÉvolution dun État philanthropiqueparu à Genève en 1909, la même année queSous la chicote. Année décisive que cette année 1909 au cours de laquelle paraît aussi le pamphlet dArthur Conan Doyle,The Crime of the Congo.Cest dans la nouvelle «Le voyage du capitaine Bjœrnebœ»,publiée dans laSemaine littérairedes 3, 19 et 26 octobre 1908 quil
Crime du Congo. 1  Susanne Gehrmann, «Les littératures en marge du débat sur les “atrocités congolaises”: de l’engagement moral à l’horreur pittoresque »,Revue de littérature comparée2005/2, n° 314, p. 148, note 44. 2  René Claparède, homme de lettres et journaliste genevois, était président du Bureau international pour la défensedes droits des peuples et de la Liguesuisse pour la défense des indigènes dans le bassin conventionnel du Congo,pendant suisse de laLigue française pour la défense des indigènes dans le bassin conventionnel du Congo, créée en 1908 par Anatole France, Pierre Mille et Félicien Challaye. Juriste et botaniste suisse, le Dr Hermann Christ-Socin, est un philanthrope chrétien, membre du comité de la Société missionnaire de Bâle, qui a participé aux campagnes pour les droits des groupes ethniques persécutés en Afrique. 3 Claparède et Christ-Socin,op. cit.
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