Terminus et autres nouvelles
141 pages
Français

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Terminus et autres nouvelles , livre ebook

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Description

"Je revoyais défiler notre première rencontre, sur ce banc gelé de l'Université des Lettres où je me tenais transie, le sourire de Niels et notre premier café au bar du campus." L'amour, la guerre, la stupidité humaine, notre impuissance à agir parfois sur les évènements, sont autant de thèmes récurrents dans les huit nouvelles de ce recueil qui ont déjà été primées, théâtralisées et récompensées par la presse spécialisée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2006
Nombre de lectures 167
EAN13 9782336277127
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Nouvelles publiées en revues  :
« Terminus », in Le Portique , 1998
« Vacances à Capbreton, » in Nouvelle Plume , 1998
« Blanche », in Scribanne, 1998
« Le Passage », in Florilège , 1998
« Les Etudiants de Köbenhavn », in In, 1998
« Ishimure », in Le Jardin d’Essai, 1999
Nouvelles publiées en ouvrages collectifs :
« Les Nouveaux Jules Verne », Editions Coprur, Strasbourg, 1998 ISBN : 2-84208-030-0
« Nouvelles au Pluriel 98 », Editions Editinter, Paris, 1998 ISBN : 2-910892-53-0
Roman :
« Le Grand Esprit Vert », Editions l’Harmattan, Paris, 2004 ISBN : 2-7475-6250-6
Terminus et autres nouvelles

Jean Durin
www.librairieharmattan.com Harmattan1@wanadoo.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2005
9782747596800
EAN : 9782747596800
A Océane, Manon, Maxime,
Mes chers enfants.
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright Dedicace LES ETUDIANTS DE KÖBENHAVN LA CAGE LE BASSINET BRIGOUSSAIS CHIMBORAZO LA FOUINE BLANCHE LE PASSAGE ISHIMURE LOLA MONTES TERMINUS PUERTO ALDEA VACANCES A CAPBRETON DRA - EL - MIZAN JACOB ROGGEVEEN Remerciements
A Christine
« L’amour, c’est l’espace et le temps rendus sensibles au cœur ».
Marcel Proust
LES ETUDIANTS DE KÖBENHAVN
K aren RIFBJERG
à Monsieur le Directeur de la Police de Köbenhavn.
Landskrona, le 18 Juillet 2037

Monsieur le Directeur,

Lorsque vous découvrirez ces mots, je serai morte. Ce courrier que vous a fait parvenir mon notaire représente une disposition testamentaire.
Cette lettre est un aveu. Ce pourrait être la seule confession de la faute commise vis-à-vis de notre société la nuit du 5 au 6 Janvier 1998, mais, touchant à l’hiver de ma vie, je vous demande d’y voir aussi la reconnaissance de mon amour pour le seul être qui ait peuplé les 79 ans déjà parcourus dans ce pays qui m’a vue naître.
J’avais quarante ans lorsque se sont produits les faits. J’aimais alors avec une passion qui ne s’est jamais altérée mon époux : Niels ARNE. Nous nous étions connus durant nos études à Köbenhavn, en 1976. Lui était étudiant aux Beaux-Arts, j’étais étudiante en littérature. Nous avions tous deux dix-huit ans. Si j’ai certainement eu pour Niels l’attirance naturelle qu’une jeune fille peut avoir pour un jeune homme du même âge, il y avait entre nous beaucoup plus qu’une banale attirance physique. Nous appréciions chez l’autre la passion qui l’animait. Il m’est pénible en posant ces quelques mots sur le papier de me remémorer l’intensité extraordinaire du regard de Niels lorsqu’il m’entretenait de la restauration du fronton d’Egine par notre sculpteur Thorwaldsen. Je n’avais jamais vu ce monument, mais à écouter Niels discourir avec fougue sur cette commande de Louis I er de Bavière, il n’était nul besoin qu’il extirpe de ses classeurs les documents qu’il possédait sur le sujet. Ses explications suffisaient amplement. Il aimait souvent allier le geste au discours, et je revois ses mains rougies dessiner dans l’air glacé les travaux qu’il me décrivait. Nous avions coutume de discuter tout en marchant. Niels s’arrêtait parfois subitement pour disserter avec force, et la buée qu’il dégageait alors dans ces moments animés m’empêchait parfois d’apercevoir son visage. Nous en riions souvent.
Pour ma part, j’éprouvais exactement le même amour pour mes études de littérature. Niels l’avait compris, et il savait se taire pour m’écouter à son tour. Je lui expliquais le lyrisme d’Ewald Johannes et son penchant pour la dive bouteille, le réalisme social de Pontoppidan, et cela agrémentait nos journées estudiantines. Nos nuits aussi parfois. Je me souviens ainsi d’une discussion fort animée dont le point de départ avait été une poésie de Jensen tirée du « Vent du Jutland ». Niels refusait de voir la femme exprimant le symbole de vie dans ce poème.
Il y avait chez Niels et moi beaucoup plus que de l’Amour. Si j’avais à définir notre relation, je la résumerais par : « un long plaisir à partager l’autre. » Il ne suffisait pas d’être en présence de l’autre pour que la magie agisse. Nous le savions, d’instinct. Nous nous goûtions, nous nous savourions. Il ne s’agissait pas là d’un simple exercice amoureux, nous agissions naturellement ainsi. Cet apprentissage de l’autre par sa passion nous guidait chaque jour un peu plus vers la connaissance de l’autre, et la découverte de son art. Ce faisant, nous étions devenus, à notre insu, l’élève de l’autre, et son professeur. Cet échange de rôles a constitué nos vies communes durant les vingt-deux années qui ont suivi.
Niels et moi nous sommes mariés cinq ans plus tard, nous avions vingt-trois ans. A nul moment dans nos vies ne se sont altérés ce goût du mot, ce plaisir de la découverte. Jamais n’est apparue la moindre perte d’enthousiasme. Je revois l’étonnement qui était le nôtre lorsque, autour de nous, nous notions l’apparition de comportements routiniers chez les meilleurs de nos couples d’amis.
Nous n’avons jamais eu de gros besoins cependant. Devenus enseignants, nous exercions tous deux avec cette même fougue, cette foi intacte que nous avions adolescents. Le temps que nous avons passé séparés l’un de l’autre était toujours au service de ce même engagement artistique, de cet extraordinaire chant d’amour que nous nous adressions lorsque nous nous retrouvions pour échanger à nouveau nos connaissances et nos doutes sur tel ou tel sujet.
Il paraît inutile dans ces conditions de préciser que Niels et moi sommes durant ces vingt-deux années restés entièrement fidèles l’un à l’autre. Entendez-moi bien ici, Monsieur le Directeur : il ne s’agit pas là d’une croyance de vieille femme pleurant son amour disparu, il s’agit d’une certitude.
Disparu n’est d’ailleurs pas le mot. Je lui préférerais : « hors de vue ». Nos goûts évoluaient pourtant : nos premières amours sculpturales ou littéraires n’ont pas toujours été les mêmes. Durant les dernières années, Niels et moi avions tendance à quitter la recherche en ces domaines, au bénéfice d’un intérêt plus marqué pour les oeuvres classiques et majeures de notre culture. Notre regard s’est modifié au cours de nos visites rituelles dans les musées de la capitale. Entre deux concerts, nous allions sur le lac gelé au pied de la petite sirène d’Henri Laurens. Niels et moi avons toujours été frappés par la ressemblance étonnante entre le visage représenté par ce sculpteur français et le mien. Vous comprendrez mieux notre trouble, Monsieur le Directeur, lorsque vous comparerez avec la photographie que je joins à cette lettre. Elle a été prise en 1976, l’année où nous nous sommes connus. Niels me répétait souvent qu’il enviait ce sculpteur de m’avoir représentée. C’était stupide et drôle, mais j’étais moi-même troublée par une telle similitude de traits. On eût cru que ce sculpteur m’avait connue. Ma famille avait déjà remarqué ce fait, mais, hormis nous-mêmes, c’est Johannes, le frère de Niels, qui en était le plus abasourdi.
Mais peut-être devez-vous penser que je me perds dans les détails, Monsieur le Directeur. Je poursuis donc le trop bref résumé de notre (ici, Karen RIFBJERG a raturé un mot) Amour. Je dois me résoudre à écrire ce mot, je n’en connais pas d’autre.
Un après-midi de l’hiver 1998, le 4 Janvier précisément, nous étions, Niels et moi, en vacances chez sa famille, dans la région de Kronoberg. Niels a quitté la maison familiale en début d’après-midi pour se promener en bordure du lac qui jouxte Alvesta. Il n’est pas revenu. Son corps fut découvert le lendemain sous la glace. Elle avait rompu sous son poids. Niels avait quarante ans. Plus qu’un compagnon de vie, plus que l’homme que j’aimais, c’est ma vie de femme adulte, depuis mes dix-huit ans, que le lac a alors engloutie. Le cinq janvier, le lendemain, nous avons passé la journée pétrifiés, ses parents, son frère Johannes et moi, à regarder cet homme que nous avions tant aimé. Je revoyais défiler notre première rencontre, sur ce banc gelé de l’Université des Lettres où je me tenais transie, le sourire de Niels, et notre premier café au bar du campus. Puis nos discussions, nos passions confon

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