UNE DESTINEE BOHEMIENNE
145 pages
Français

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UNE DESTINEE BOHEMIENNE , livre ebook

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145 pages
Français

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Description

Comme un automate ce matin-là, j'ai repris le volume de Rimbaud qu'elle m'avait offert. Je l'imaginais loin, très loin, quelque part dans une île de l'Atlantique ou du Pacifique, Saint-Martin, Saint Barthélemy ou Bora Bora. Elle se la coulait douce peut-être avec son godelureau. Son meilleur plan à elle, c'est de ne pas avoir de but précis. Etais-je sa première ou sa dernière victime? J'ai décidé de recréer son existence et son histoire par l'imaginaire, au gré de la plume...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296465459
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une destinée bohémienne
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55206-7
EAN : 9782296552067

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Sylvestre Le Bon


Une destinée bohémienne


L’Harmattan
PREMIÈRE PARTIE
Ernest, un trentenaire ambitieux
CHAPITRE 1
Il restait tout au plus une dizaine de minutes. Quelques brèves minutes où la bonne volonté, soigneusement et intelligemment entretenue comme une relique familiale, était aux prises avec une certaine passivité. Ernest ne pouvait pourtant réprimer, et souhaitait que perdure, la sensation de légèreté que lui procurait l’appareil lorsqu’il a commencé à s’appuyer en biais sur l’immense masse grise. Entre les vasistas qu’aménageaient, de façon désordonnée et furtive, les partitions de cette masse informe, Ernest apercevait des lignes et des couleurs distinctes. Des lignes et des couleurs qui lui donnaient l’impression d’entendre, tout proche, le bruit d’un ancien manuel de géographie qu’on feuilletait et parcourait d’un œil avide.
Nulle part ailleurs, un sommet ne se présentait comme celui du Morne Brabant, plat et solennel, comme s’il avait été varlopé par une main invisible. De part et d’autre, des rigoles striaient l’étendue verdoyante, de Yemen jusqu’au point de La Louise qui, selon un poète considéré à la fois comme génial et loufoque, était le centre de cette île. Plus à l’est, des nervures sombres marbraient le paysage jusqu’aux versants abrupts du Pieter Both, pareils à des sentinelles. Les moutons léchaient rapidement l’œil du hublot qui découvrait des bassins, dont l’un devait être le réservoir de la Mare-aux-Vacoas. On apercevait les champs déployant leur tapis sucré jusqu’à Albion, Moka et Pointe d’Esny. Plus loin, on devinait le silence accueillant du jardin Balfour à Beau-Bassin et le Port-Louis grouillant des affaires.
Ernest ressentait une vague libido qui parcourait ses jambes lorsque le pilote inversa la poussée des réacteurs et que les pneus du Boeing 747 patinèrent sur la piste. Un crissement moelleux. Il resta collé à son siège, comme en léthargie, alors que les derniers passagers s’apprêtaient à sortir-de la carlingue. Il avait aussi alors l’impression que se refermait, contre son gré, son manuel de géographie de la sixième qu’il n’avait pas eu le temps de compulser. La voix d’une hôtesse glissée à son adresse le tira de sa rêverie et le fit se précipiter.
Il fut presque troublé de voir le visage d’Aurore, sa petite sœur, qui avait à peine douze ans lorsqu’il avait quitté l’île. Le fait qu’elle paraissait déjà nubile, avec ses seins qui pontaient comme des poires et son sourire qui la rendait toute mignonne, avait soudain rendu Ernest indifférent à la présence de ses parents et au décor du hall d’accueil de l’aéroport. Il se ressaisit vite et se laissa engloutir dans les bras de sa mère, Audrey, qui arrivait difficilement à contenir des larmes de joie. Ah ! c’était son fils qui lui revenait après quatre longues années d’études à Pretoria et qui ne s’était pas fait dévorer par les Zoulous.
« Alors, pas trop fatigué par le voyage ? » demanda le chef de famille pour qui cette question remplaçait d’emblée une formule de bienvenue à l’égard de son fils. Il lui tapota les épaules recouvertes par un cardigan rouge. Un type qui avait gardé son air bien rangé, le père Paul, avec ses petits yeux un tantinet malicieux, ses lunettes à monture d’écaille, ses fines lèvres, sa tonsure commune à cette classe d’hommes d’affaires bourgeois qui se faisaient respecter avant tout pour la couleur de leur peau et qui s’imposaient aux premières loges à l’hippodrome du Champ-de-Mars. Avec l’expression attentive de son visage et la coupe arrondie de sa chevelure, Audrey confirmait un assortiment respectable. Ses beaux tweeds atténuaient son âge que ses collègues du Groupe Robert avaient peine normalement à estimer. Dans quatre ans, elle pourrait encore continuer son service, et personne ne dirait qu’elle avait atteint la soixantaine et qu’elle n’était plus apte qu’à la garde des petits-enfants
« Et Thierry ? » s’enquit Ernest.
– Sous la garde de Yasmine.
– Yasmine ?
– Ah oui ! C’est la nouvelle bonne qu’on a employée et qui fait office aussi de garde-malade actuellement. Ton petit frère a contracté une rubéole, mais son état s’améliore. Quant à Eric, il bosse », fit Audrey.
« Et si nous allions prendre un verre ? » proposa Paul.
Le départ d’Ernest en Afrique du Sud avait coïncidé avec l’avènement d’un nouveau régime politique dans le milieu des années quatre-vingt-dix. Ce qui lui avait valu une remarque taquine d’un de ses collègues de la rédaction de « L’Observateur mauricien » : « Tu fuis une révolution à venir ! » Ernest avait souri, car il savait que sa décision était motivée par une réflexion mûre et sage. Il n’était pas question pour lui de transiger avec son avenir. Celui-ci, comme l’avaient claironné ces éditorialistes qui ne croyaient pas à vrai dire à ce qu’ils disaient, était réservé aux décideurs et aux entrepreneurs, aux gens qui avaient la vision et la capacité de soutenir le progrès économique de l’île face à une concurrence tous azimuts. Lui aussi, Ernest, se faisait l’écho de ce pragmatisme ambiant sous la rubrique de l’économie de cet hebdomadaire. Trois bonnes années passées à présenter les faits et les soutenir-, à glisser subrepticement sur la feuille un avis subjectif qui l’entretenait dans sa conviction de libéral progressiste. Une certaine orientation qui s’affirmait aussi, sans doute, après quelques années passées dans une faculté à Bordeaux à étudier les administrations économiques et sociales. Mais la spécialisation étant davantage un thème de mode et considérée comme une plus-value en vue des défis d’ordre personnel et professionnel, Ernest s’était résolu sans peine à poursuivre ses études dans une université anglophone. Il avait opté pour un mastère en Business Leadership, sans dispense pour les trois années de la licence. Et considérait alors son passage dans le journalisme comme une étape permettant de mieux définir son choix.
La question méritait-elle d’être posée par Aurore ? La longue absence d’Ernest s’expliquait par le fait que ses vacances universitaires devaient être employées judicieusement à l’acquisition d’outils commerciaux et à une proximité accrue avec les rouages de la gestion. Bien qu’ils ne soient pas dans tous les cas une exigence, les stages dans les entreprises devraient constituer un supplément de témoignages dans la note d’un étudiant. Esprit de travail oblige ! Protea Manor Hotel, Telkom, MTN, Gilbert Estates, Aldes Business Brokers, la liste des sociétés n’était pas longue, et elles avaient amplement suscité l’intérêt gestionnaire d’Ernest pour qu’il y sacrifie des farnientes tropicaux sur la plage de Trou-aux-Biches.
Bien sûr, il était prêt à présent à prendre sa vie en main et avait déjà dressé une liste de bonnes résolutions. Il disait souvent à Paul, avant de s’envoler pour Bordeaux, que les trente premières années de l’existence devaient être employées à toutes fins utiles afin de rendre les trente années suivantes plus agréables. Au fait, dans quelques jours, Ernest soufflerait ses trente bougies. L’âge de tout et de rien, bref. Il n’y avait pas vraiment lieu pour Audrey de s’inquiéter de la carrière qu’embrasserait son fils car un diplôme supérieur, ça ouvrait forcément bien des portes. Peut-être pas nécessairement dans la fonction publique où un certain conservatisme tendait à ce que la majorité hindoue soit affectée en surnombre. D’ailleurs, comme le fit remarquer Ernest, le secteur privé offrait dans bien des cas des perspectives plus attrayantes. Et la possibilité qu’il y trouve sa place lui était d’ores et déjà acquise.
Paul sourit à ce qui lui semblait une évidence. Car cela était entendu que le secteur privé, qui était essentiellement sous la coupe de quelques grandes familles blanches de l’île, pri

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