Une journée de canicule
68 pages
Français

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Une journée de canicule , livre ebook

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68 pages
Français

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Description

Deux femmes se rencontrent à un tournant de leur vie. Une complicité et un enrichissement mutuel, construits au fil de leurs échanges, vont leur permettre de se confronter à leurs rêves et à leurs espoirs. L'une, à la recherche de son pays natal, redécouvre son amour pour un pays seulement gardé au fond d'elle-même : le Vietnam. L'autre essaie de retrouver les odeurs d'un autre pays, un amour abandonné dans une France partagée entre nostalgie et sentiments.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2009
Nombre de lectures 51
EAN13 9782336271316
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296075962
EAN : 9782296075962
Sommaire
Page de Copyright Page de titre
Une journée de canicule

Christine Motte
C’est la fin d’une saison chaude, celle où les étoiles brillent encore dans un ciel limpide.
Il y a des saisons où le regard ne s’arrête pas, comme si la pensée était à la recherche d’horizons nouveaux. Et il y en a d’autres où le temps se fige parce que l’air a une senteur particulière, le corps est en suspens, prêt à s’évader ; à cet instant, les souvenirs submergent le conscient.
Une journée de canicule, peut-être la dernière de l’été. La brise du soir vient me rafraîchir, apportant avec elle les effluves de la mer. Septembre se traîne avec des journées chaudes, des soirées fraîches, laissant au corps le répit de l’été. C’est entre deux saisons que j’ai rencontré une Orchidée, elle s’appelle Lan. Elle est rentrée dans ma vie simplement comme une enfant qui ouvre les portes d’un univers nouveau ; je n’avais pas pris conscience que les fenêtres fermées allaient s’entrouvrir sur un autre monde. C’est ainsi que je l’ai connue, timide, hésitante, n’osant parler aux personnes qui l’entouraient. Nous nous sommes connues à travers nos regards, puis par notre attirance pour un pays qui est le nôtre, le Vietnam. Elle est semblable à une étoile brillante, me guidant dans ma langue natale ; pour moi une sensation de bonheur, l’odeur qui ramène la femme que je suis devenue vers la demeure natale.
Lan avait obtenu une bourse du gouvernement français dans le cadre de ses recherches à l’université de Cantho. Ces quelques mois passés en France lui ont ouvert des sentiers inconnus ; tout est à découvrir, les sensations nouvelles, les interprétations d’une langue aux intonations inconnues sont à assimiler, il y a tout un monde à feuilleter. Elle entrait dans un enchaînement de faits et de gestes qui allaient lui permettre de vivre un quotidien fait de mystère et de mots nouveaux.
Début octobre, un soir de fin d’été, nous étions assises sur la terrasse d’une maison du sud de la France ; face à ce paysage de verdure, nous laissons parler nos souvenirs. Je laisse couler en moi cette constante climatique qui me ramène vers des réminiscences lointaines, un arrière - goût de plénitude, l’époque où l’enfance croyait à la liberté. Soudain, nous étions des enfants courant dans les rues de Saigon, pieds nus, avec pour seul trésor nos rires, notre désir de partager nos joies ; nos jeux se mêlaient aux pas de passants. Accroupies sur les bords des trottoirs, nous jouions à lancer les graines de tamarin et avec le pouce nous essayions de les intercepter, - un jeu de dextérité - ou au jeu de la marelle, que nous appelons nhây co co ; les autres enfants du quartier se joignaient à nos jeux. Quand on a goûté à cette parcelle de joie, partagé les rires dans la simplicité de nos vies, senti l’odeur des soupes sur les marchés, fait abstraction de toute race, rien n’est perdu au fond de soi, la mémoire se charge de nous rappeler ces moments inoubliables.
Tout un passé se calque sur le présent.
Peut-on renier un passé qui se projette sur le présent ? La vision actuelle de la vie se confond avec celle de mon enfance. D’un côté, les étendues de rizières verdoyantes s’entrelacent avec les souvenirs, apportant avec elles une partie de la lumière où l’enfance s’élance vers un havre de quiétude, une aura de bonheur et alors, rien ne peut ôter le rire, l’enjouement du quotidien, le besoin de partager les jeux, comme une porte toujours ouverte sur la vie à jamais acquise. D’un autre côté, les étendues desséchées par l’ombre des fantômes agonisant à la limite du supportable, les paysages dépouillés de vie brisant l’innocence des regards. Où se trouve l’équilibre entre ces deux extrêmes ?
Malgré les risques, les drames, le chaos de la guerre, la petite fille que j’étais a pu discerner les forces de ce pays : savoir se maintenir en perpétuel équilibre entre lumière et ombre, c’est cette énergie qui se trouve au sein de ce pays, ma source de vie.
La vie s’est ouverte sur des sentiers qui mènent à des immensités verdoyantes animées par le bruissement du vent. Ces paysages ont été épargnés par le temps qui passe mais l’être maintenant partagé entre deux continents éloignés ne sait plus où poser son regard. Cette situation fait de nous des êtres à part. Nous sommes la différence, notre énergie est en perpétuelle recherche d’équilibre, notre personnalité complexe oscille entre deux mondes différenciés, nous sommes des êtres riches en substance, infatigables dans le cercle de la vie.
Les jours passent, les secondes se mélangent aux heures, les pensées se libèrent, les cœurs s’ouvrent, sa vie m’est racontée avec hésitation...
Lan est née à Cantho, la plus importante ville du Sud après Saigon, elle se situe au bord d’un des neufs bras du Mékong. Cantho est connue pour être le centre de la riziculture. La politique, l’économie et les centres universitaires font de cette ville le plus important centre du commerce et de la recherche. Elle possède un port qui reçoit de nombreux bateaux et, où la plupart des échanges de marchandises se font par le marché flottant. Elle possède aussi un jardin fruitier, un paradis au milieu du fleuve. Dans le foisonnement des gens qui transportent des marchandises à l’aide de paniers attachés chacun au bout d’un roseau et des étals de nourriture, une atmosphère typique baigne ce grand marché.
Lors de la prise de Saigon par l’infanterie nord-vietnamienne le 30 avril 1975, une partie de sa famille qui se trouvait à Saigon fut brutalisée, les vietnamiens qui avaient participé au travail des américains furent emmenés dans les camps de rééducation, beaucoup furent exécutés, les vainqueurs faisaient payer aux vietnamiens non-communistes leurs années d’opposition au régime de Hanoi. Pendant les dix années qui ont suivi la chute de Saigon, toute la population a été mise à l’écart des décisions du gouvernement du Nord. A cette époque, Lan avait 14 ans.
J’ai reçu ses confidences avec respect. Le calme et la dignité qui se dégageaient de sa personne contrastent avec les souffrances endurées par ce peuple martyrisé. Les cauchemars se succèdent aux cauchemars. Au-delà de la guerre, il y a des déchirures, des changements de mentalité, des comportements psychologiques différents, ceux-là même qui mettent à la dérive les êtres humains qui ne peuvent retrouver les rives de leur âme. Trente ans après, les séquelles sont toujours présentes, le traumatisme est latent, les souvenirs sont au seuil des mémoires. Mais aucune guerre ne peut détruire les rêves, l’histoire, les pensées d’un pays. Malgré cette période incertaine, elle me disait que la réunification a eu un point positif : les enfants sont presque en totalité scolarisés, l’enseignement est gratuit pour tous, ainsi que la santé. Durant ce temps de réconciliation qui a permis aux deux peuples, celui du Nord et celui de Sud, de mieux se connaître, Lan a pu poursuivre ses études secondaires et universitaires. Loin de ses parents, prisonniers dans les camps de rééducation, elle a retrouvé un semblant de milieu familial auprès de sa grand-mère. Elle se rappelle de son adolescence comme d’une période trouble parfois interrompue par des propagandes communistes, la population ne pouvait se déplacer sans autorisation du district, comme un manque à la liberté si bien connu à ce jour. Actuellement, l’économie est libérale, les écoles sont payantes, les soins sont un luxe. La corruption a rongé, englouti toutes les idées révolutionnaires. Ces années furent pour elle une période de souffrance où les souvenirs se perdent, les rires sont enfouis dans des abîmes obscurs, l’amour des parents brisé, l’odeur de la maison familiale a perdu la senteur des jours heureux.

Pour nous, le temps présent est rempli de confidences, de murmures, d’espiègleries, de bonheur, il est semblable au lever du soleil, à la première lueur d’un jour nouveau lorsque la lumière qui pénètre l’être est éternelle dans ses premiers rayons. Cette solitude que nous éprouvons hors de notre pays est en nous par notre

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