Cinq lettres sur la catastrophe de Quiberon
54 pages
Français

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Cinq lettres sur la catastrophe de Quiberon , livre ebook

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Description

Lamballe, le 20 septembre 1824.MONSIEUR LE COMTE, Dans quel moment, grand Dieu ! vais-je reprendre la plume et peindre de lugubres tableaux ! Où puiserai-je le courage et la force nécessaires pour retracer à mon imagination ces scènes pleines d’horreur, ces sinistres images dont ma mémoire surchargée, long-temps essaya, mais en vain, d’écarter la funeste idée ! Vingt-neuf années ont passé depuis cette époque funeste où j’ai vu périr à mes côtés un frère, un oncle, trois cousins de mon nom ; où moi-même, victime réservée à des douleurs plus poignantes, je n’échappai au fer des assassins que par miracle Que de traits sublimes ; que de noms glorieux ; que de générosité d’une part, de dévouement et de résignation de l’autre, ont échappé à ma pensée !Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346104680
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Vicomte de La Villegourio
Cinq lettres sur la catastrophe de Quiberon
PREMIÈRE LETTRE

Lamballe, le 20 septembre 1824.
MONSIEUR LE COMTE,
 
Dans quel moment, grand Dieu ! vais-je reprendre la plume et peindre de lugubres tableaux ! Où puiserai-je le courage et la force nécessaires pour retracer à mon imagination ces scènes pleines d’horreur, ces sinistres images dont ma mémoire surchargée, long-temps essaya, mais en vain, d’écarter la funeste idée ! Vingt-neuf années ont passé depuis cette époque funeste où j’ai vu périr à mes côtés un frère, un oncle, trois cousins de mon nom ; où moi-même, victime réservée à des douleurs plus poignantes, je n’échappai au fer des assassins que par miracle Que de traits sublimes ; que de noms glorieux ; que de générosité d’une part, de dévouement et de résignation de l’autre, ont échappé à ma pensée !
Hélas ! ils furent plus heureux que moi, les braves moisonnés au champ d’honneur, ou tombés victimes de la plus affreuse barbarie ! Une main réparatrice va rassembler leurs ossemens épars, et confondre dans le même tombeau les lauriers de la gloire et la palme du martyre. Ils vivront dans la mémoire des hommes, et ils ont recueilli le prix glorieux de leur héroïque fidélité ; tandis que moi, lancé de nouveau dans la carrière, j’ai parcouru tous les phases de la vie, sans pouvoir y trouver le repos... Le repos ! il n’en est point sur la terre. Après mille orages, un ciel pur et serein semblait luire pour moi ; le retour d’un Bourbon paraissait devoir m’assurer une existence au moins supportable. J’avais un fils, noble espoir de ma vieillesse ! Par goût, par sentiment, je l’avais élevé pour payer, au pied du trône de saint Louis, le tribut que vingt générations lui ont payé dans ma famille. Son cœur et son âme ne respiraient qu’après cette heureuse époque. Force, santé, courage, tout secondait mes désirs et son ardeur. Il approchait de son dix-neuvième printemps..... une maladie longue et cruelle l’a ravi à mon amour.... Je n’ai plus de fils !....
Je n’ai plus de fils ! Mon âme flétrie a perdu toute sa vigueur, toute son énergie. La solitude et les larmes, voilà l’unique aliment de ma douloureuse existence ; et la vue de ma fille n’est pour moi qu’un tourment de plus. O mon Dieu ! conserve-moi, du moins, le seul lien qui m’attache encore à la vie !
Mais vous l’exigez, et la reconnaissance me fait un devoir de chercher à vous satisfaire. Le récit de la catastrophe effroyable qui indigna l’Europe entière ne peut ajouter à mes tourmens. Dans mon cœur, qu’un coup inattendu vient de déchirer si cruellement, il n’est plus de place pour la peine, mais il en est encore pour l’indignation et la reconnaissance. En réunissant mes souvenirs, et les comparant avec tout ce qui a été écrit jusqu’à ce jour, je serai sans doute obligé de me répéter souvent, mais la vérité seule présidera aux tableaux que je mettrai sous vos yeux.
Vous le savez, Monsieur le Comte, le gouvernement anglais désirant, trop tard sans doute, appuyer de moyens efficaces les armées royales de l’intérieur, forma le projet de réunir tous les corps d’émigrés français à sa solde, d’en former même de nouveaux et de les débarquer sur le point qui lui paraîtrait le plus avantageux. A cet effet, dès le printemps de 1794, il donna à MM. les comtes d’Hector, du Dresnay, d’Hervilly et Rothalier, commission de lever des régimens de leur nom, et subséquemment il commissionna, pour le même objet, les maréchaux ducs de Broglie et de Castries, et le duc de Mortemart ; il prit à sa solde les régi mens de Béon et de Damas, auparavant à celle de la Hollande. Pour compléter plus promptement les régimens de nouvelle levée, on offrit du service aux prisonniers français, faute grave qui devint bien funeste par ses résultats, et que l’on peut dire avoir été la principale cause de la malheureuse issue de cette expédition.
L’immensité des préparatifs que fit l’Angleterre pour en assurer le succès retarda celte entreprise et la recula jusqu’au mois de juin 1795. Il paraît que le premier but avait été de débarquer sur les côtes du Poitou et de se réunir à Charrette et à Stofflet ; mais un homme dont le nom est devenu historique dans les détails de cette expédition, parvint à persuader au ministère anglais, ou que la division qui existait entre ces deux chefs de la Vendée serait un obstacle au débarquement, ou que la Bretagne offrait un point d’appui plus sûr. Je crois que M. de Puisaye raisonnait juste. En effet, toute la Bretagne, fatiguée des excès des révolutionnaires, ne demandait que des armes pour se lever en masse. Déjà depuis long-temps des rassemblemens armés, sous le nom de Chouans, inquiétaient les républicains. Boisguy, dans l’Ille-et-Vilaine, Boishardi, dans les Côtes-du-Nord, de Silz, dans le Morbihan, avaient levé dès 1793 l’étendard de la royauté. Ils s’étaient réunis aux Vendéens lorsque ces derniers traversèrent la Loire pour porter le théâtre de la guerre dans la Normandie et la Bretagne. Pui. saye, devenu, je ne sais comment, général en chef, entreprit de donner au parti royaliste de Bretagne une organisation pareille à celle de la Vendée. Je ne m’établirai point le juge de ses talens militaires, dont aucun détail ne m’est bien connu, mais on ne peut nier, malgré ses détracteurs, qu’il ne fût doué d’un caractère entreprenant et d’une grande aptitude à manier les esprits ; il en fit preuve dès le moment qu’il fut reconnu de tous les chefs de division des trois départemens. Par le moyen de Prigent, qui lui servait d’émissaire, il établit avec le ministère anglais la correspondance la plus active et la plus secrète, et dès le premier moment, il en obtint des secours d’argent. Se tenant toujours dans les environs de Rennes, occupé d’organiser les royalistes de ce département, bientôt ses partisans s’accrurent au point qu’il pensa surprendre cette capitale de la Bretagne. Ce projet, découvert par un transfuge, força Puisaye de se retirer dans le Morbihan, où il fut reçu à bras ouverts. Peu de temps après, il se réfugia dans les environs de Rhédon, où il demeura jusqu’au moment où ses nombreux émissaires lui apprirent que les rassemblemens qu’il avait ordonnés dans toute la Bretagne, se régularisaient et présenteraient sous peu une masse de résistance imposante.
Ce fut à celte époque qu’il eut connaissance du projet du gouvernement anglais de tenter un débarquement considérable sur les côtes de France, et qu’il apprit que le comte d’Artois était lui-même en Angleterre pour concourir à cette expédition. Il se décida dès-lors a passer à Londres ; il prit auparavant toutes les mesures convenables pour assurer le succès d’une insurrection générale en Bretagne. Déjà, dans le Morbihan, douze chefs de division, nommés par lui, avaient chacun sous leurs ordres deux mille hommes bien armés. Boishardi, Duval Le Gris et Villeneuve Bernard, dans les Côtes-du-Nord, en eussent rassemblé autant ; mais les armes manquaient. Le vicomte de Scépeaux fut envoyé pour diriger l’insurrection de l’Anjou ; quant à l’Ille-et-Villaine, Puisayey avait trop de partisans et d’amis pour douter un moment qu’au premier appel tous les paysans ne vinssent à son retour se ranger sous ses drapeaux. Il s’occupa en même temps de la nomination d’un conseil général de guerre et d’administration, qu’il composa des chefs qu’il crut lui être les plus dévoués. Cor-matin, l’un d’entr’eux, fut choisi pour présider ce conseil et diriger les mouvemens militaires en son absence. Puisaye crut alors p

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