Dépossession : Une histoire économique du Québec contemporain. 1- Les ressources
211 pages
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Description

À qui profitent les ressources du Québec ? Qui contrôle nos forêts, nos mines et les produits de nos terres agricoles ? Qui choisit la voie qu’empruntera notre développement hydro-électrique ? Qui décide du sort de nos réserves d’eau potable ? Si, depuis la Révolution tranquille, nous sommes vraiment «maîtres chez nous», d’où vient ce sentiment que nos ressources sont encore pillées?
Dépossession répond à ces questions persistantes, attaquant l’idée – chère à l’imaginaire québécois – selon laquelle le projet de souveraineté économique des années 1960-1970 est accompli. L’histoire ici retracée est celle d’une perversion, d’une corruption au sens propre du terme. Est-il en effet possible que la Révolution tranquille ait contenu en germes le néolibéralisme que l’on connaît aujourd’hui ?
Parcourant l’histoire de l’agriculture, de la forêt, des mines, de l’énergie et de l’eau, cet ouvrage met à nu les racines du malaise profond qui perdure depuis plus de quarante ans lorsqu’il est question de nos ressources naturelles. Il sera suivi d’un deuxième tome sur les services publics.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 février 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782895966807
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Lux Éditeur, 2015 www.luxediteur.com
Conception graphique de la couverture: David Drummond
Dépôt légal: 1 er trimestre 2015 Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN ePub: 978-2-89596-680-7
ISBN papier: 978-2-89596-187-1
ISBN PDF: 978-2-89596-880-1
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada ( FLC ) pour nos activités d’édition.
L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques ( IRIS ), un institut de recherche à but non lucratif, indépendant et progressiste, a été fondé à l’automne 2000. Sa mission est double. D’une part, l’institut produit des recherches, des brochures et des dépliants sur les grands enjeux socio-économiques de l’heure (fiscalité, pauvreté, mondialisation, privatisations, etc.) afin d’offrir un contre-discours à la perspective néolibérale. D’autre part, les chercheur-es offrent leurs services aux groupes communautaires, groupes écologistes et syndicats pour des projets de recherche spécifiques ou pour la rédaction de mémoires.
Les études et autres documents de l’ IRIS sont largement diffusés et disponibles gratuitement sur son site web, l’objectif étant de les rendre accessibles au plus grand nombre. Dans le même souci de faire connaître leurs recherches, les chercheur-es de l’ IRIS sont disponibles pour donner des conférences et animer des ateliers.
Le conseil d’administration de l’ IRIS est composé de tous et toutes les chercheur-es de l’institut.
Afin de bien couvrir son sujet, cet ouvrage a requis la ­participation de plusieurs spécialistes non membres de l’ IRIS . Certains font partie des auteur-es et sont présentés en fin d’ouvrage. D’autres ont été sollicités pour une révision scientifique des textes, afin de s’assurer de la validité des données présentées. L’équipe de l’institut remercie chaleureusement tous et toutes ces chercheur-es.
Introduction
Simon Tremblay-Pepin
D ANS UN LIVRE CÉLÈBRE sur l’Amérique du Sud, Eduardo Galeano [1] présente les richesses naturelles comme une malédiction dont les foudres auraient pris là-bas la forme de la colonisation. L’éclat de l’or et le vert des émeraudes leur faisant perdre la tête, les colonisateurs espagnols et portugais auraient voulu tout dévaliser afin de rapporter dans leurs royaumes richesses et fortune. Galeano sait bien que la véritable malédiction est la colonisation elle-même, mais, en mettant l’accent sur les particularités du sous-continent, il veut montrer qu’elle n’a pas eu les mêmes résultats dans le nord et dans le sud des Amériques.
La distinction entre colonie de peuplement et colonie comptoir est pour lui au cœur de cette différence. Bien entendu, la colonisation est d’abord une série de meurtres physiques et culturels, mais elle prend aussi la forme d’une structuration économique particulière des pays où elle s’impose. Pour les colonies comptoir, l’économie est fondée sur l’extraction de ressources dans le but de générer des profits immédiats, et sans que soit pris en compte l’avenir du territoire et du peuple qui l’habite. Le but de l’invasion est tout bonnement l’enrichissement personnel momentané. Or, une fois instillé par la dynamique colonisatrice, l’appât du gain se transmet, comme le ferait une maladie, des élites de la métropole aux potentats locaux. Le développement social et économique des colonies est donc constamment déformé et fragilisé par ces élites rapaces, ce qui a créé dans les pays latino-américains des tares économiques qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. Voilà selon Galeano la malédiction que recelaient ces grandes richesses naturelles: ceux qui ont colonisé puis développé l’Amérique latine s’en sont nourris sans modération, affamant le continent, asphyxiant sa croissance.
On le sait, le Québec, au début de son histoire, a lui aussi été une colonie comptoir. De la fondation de Québec et au moins jusqu’au gouvernement royal, la Nouvelle-France était, pour la métropole, un lieu d’approvisionnement en fourrures. Et si la colonie a tranquillement transité vers une colonie de peuplement, ce fut pour être à nouveau envahie, à peine un siècle plus tard, par les Britanniques. On se rappellera que cette deuxième vague coloniale a ramené une exploitation frénétique des ressources par des compagnies anglo-canadiennes et américaines, exploitation qui a marqué l’histoire et l’imaginaire du Québec contemporain.
Il ne s’agit pas ici de plaquer l’analyse de Galeano sur le Québec sur la seule base d’un passé colonial commun avec l’Amérique du Sud. Cependant, ses écrits donnent l’occasion de réfléchir à la relation particulière qu’entretient le Québec avec ses ressources naturelles. Serions-nous, même si autrement qu’en Amérique du Sud, frappés nous aussi par la malédiction qu’évoque Eduardo Galeano? Les immenses richesses de notre territoire et l’attrait qu’elles suscitent amèneraient-ils pour nous aussi leur lot de malheur?
Si la réponse est évidente pour les peuples qui se trouvaient ici avant l’arrivée des colons et qui se firent massacrer lors du pillage de ces ressources, elle l’est moins pour ceux et celles qui sont issus des vagues coloniales successives. En effet, si les premières nations ont bien été spoliées et meurtries de façon aussi sanglante qu’odieuse lors de la colonisation, certains affirment que le reste de la population du Québec profite d’une situation plutôt enviable économiquement. Dans ces circonstances, la référence à Galeano n’est-elle pas un peu déraisonnable? N’est-ce pas exagéré que de parler de «dépossession» au sujet du Québec? Nous tenterons ici de démontrer que ce terme est non seulement approprié, mais qu’il ouvre la possibilité d’une autre approche de l’histoire contemporaine du Québec, une approche qui permettra d’en penser les rapports sociaux à nouveaux frais.
* * *
Nous empruntons le terme «dépossession» au géographe David Harvey et à son expression «accumulation par dépossession [2] ». Reprenant les écrits de Rosa Luxembourg, il présente deux modes d’accumulation au sein de l’économie capitaliste: l’expansion et la dépossession. L’expansion, c’est le cours normal des choses: l’exploitation du travail salarié, dans le cadre fixé par les lois et dans une relative paix sociale. Cours normal qui fait que, pour vivre, certains doivent vendre leur travail à d’autres qui, eux, l’achètent pour s’enrichir. C’est un air connu.
L’accumulation par dépossession, elle, est un moment exceptionnel, brutal, violent et qui se produit souvent hors du cadre légal normal. Il advient quand on fait passer dans le monde capitaliste quelque chose qui n’y était pas encore. La colonisation est la forme de dépossession qui vient tout de suite à l’esprit: on débarque en terra incognita et on annonce, comme les Yankees de la chanson de Desjardins: «tout désormais nous appartient». Voilà comment un nouveau territoire, de nouvelles personnes et des sociétés entières entrent dans l’univers économique normal, celui de l’expansion: on les y force. Les humains deviennent des salariés ; la nature, une ressource ; et l’exploitation, la normalité.
Marx, dont s’inspire Harvey, avait appelé ce moment l’accumulation primitive. Il raconte avec force détails, dans les derniers chapitres du Capital, comment la campagne anglaise a été transformée par l’élévation de clôtures autour des terres communales ; comment la volonté de transformer ce qui était un lieu commun en une exploitation privée a donné son impulsion de départ au capitalisme. Ce que David Harvey apporte d’intéressant, c’est la compréhension de ce moment du capitalisme qui doit sans cesse être répété. Il ne s’agit plus d’un pillage ancien qui serait le moteur premier de l’exploitation. L’expansion et la dépossession sont pour lui les deux mouvements essentiels de notre système économique.
La dépossession prend une forme qui dépasse la violence coloniale, elle englobe tout ce qui réduit des humains ou des parties de la nature au statut de ressources exploitables. Privatiser un service public gratuit, précariser l’emploi des travailleurs et tra

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