L affaire du dragon
210 pages
Français

L'affaire du dragon , livre ebook

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210 pages
Français

Description

Jean-Pierre Tardieu rapporte ici comment l'expédition organisée en 1792 sur ordre du gouverneur des territoires français de l'océan Indien, pour rapporter depuis Montevideo plus de 10 000 quintaux de blé et ainsi faire face à la disette qui menaçait l'Île Maurice (dite alors Île de France), éveilla dans la ville portuaire du Río de la Plata des sentiments divers – peur du ferment révolutionnaire français et appétits commerciaux – et comment cette expédition se solda par un échec.

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Publié par
Date de parution 15 février 2016
Nombre de lectures 11
EAN13 9782140001284
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mozambique. Expéditions qui s’intensiIeront au début du
forteresse de Montevideo où furent enfermés les ofIciers du
Jean-Pierre Tardieu
L’AFFAIRE DUDRAGON(1792-1799)
L e s i n c i d e n c e s a u R í o d e l a P l a t a d ’ u n e m e n a c e d e f a m i n e à l ’ î l e M a u r i c e
R E C H E RC H E S A M É R I Q U E S L A T I N E S
L’affaire duDragon(1792-1799) Les incidences au Río de la Plata d’une menace de famine à l’île Maurice
Recherches Amériques latines Collection dirigée par Denis Rolland et Joëlle Chassin La collectionRecherches Amériques latinespublie des travaux de recherche de toutes disciplines scientifiques sur cet espace qui s’étend du Mexique et des Caraïbes à l’Argentine et au Chili. Dernières parutions Beyla Esther FELLOUS,La nature juridique des accords entre l’Union européenne, le Chili et le Mexique, 2015. Arnaud MARTIN,La laïcité en Amérique latine, 2015. Bernard GRUNBERG,A la recherche du Caraïbe perdu. Les populations amérindiennes des Petites Antilles de l’époque précolombienne à la période coloniale, 2015. Bruno MUXAGATO,Le leadership du Brésil en Amérique du Sud. De la contestation à l’émergence d’une hégémonie consensuelle, 2015. Françoise et Roland LABARRE,De la Castille médiévale à l’Amérique latine contemporaine. Seize études d’histoire et de littérature, 2015. Christophe BELAUBRE,Eglise et Lumières au Guatemala. La dimension atlantique (1779-1808), 2015. Bruno MUXAGATO,La politique étrangère du Brésil au e XXI siècle. L’action autonomiste et universaliste d’une puissance mondialisée, 2015. Simon LANGELIER,Le démantèlement du budget participatif de Porto Alegre. Démocratie participative et communauté politique, 2015. La liste complète des parutions, avec une courte présentationdu contenu des ouvrages, peut être consultéesur le site www.harmattan.fr
Jean-Pierre TARDIEU L’affaire duDragon(1792-1799)
Les incidences au Río de la Plata d’une menace de famine à l’île Maurice
MAQUETTE: Sabine TANGAPRIGANIN, Marie-Pierre RIVIÈRE Bureau Transversal des Colloques, de la Recherche et des Publications PHOTO DE COUVERTURE: Restes de la porte principale de la forteresse de Montevideo où furent enfermés les officiers du Dragonet entreposées les marchandises du navire. ©Fotolia ©Réalisation : Bureau Transversal des Colloques, de la Recherche et des Publications Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
Université de la réunion, 2014 Campus universitaire du Moufia 15, avenue René Cassin CS 92003 97744 Saint-Denis cedex 9 PHONE: 02 62 938585COPIE: 02 62 938500 SITE WEB :http://www.univ-reunion.fr© L’HARMATTAN, 2016 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-07230-2 EAN : 9782343072302
Introduction
Avant d’exposer dans tous ses détails la surprenante affaire de la frégateLe Dragon, il convient d’en déterminer le contexte à la fois économique et politique. Comment, pour faire face à une menace de disette, le gouverneur des territoires français de l’océan Indien envoya-t-il un navire militaire solliciter de l’aide à Montevideo ? La lointaine vice-royauté du Río de la Plata n’était pas méconnue des responsables de l’Île-de-France. À l’époque qui nous intéressera ici, les négociants négriers de Buenos Aires et de Montevideo montaient des expéditions vers l’Afrique orientale, en particulier vers l’île de Mozambique. Elles s’intensifièrent jusque dans les e premières années du XIX siècle, donnant lieu à une 1 véritable globalisation de la traite au niveau mondial . Le Port-Louis devint le relais nécessaire à l’achat des navires ou à leur transformation en bateaux négriers, et à la vente des produits indispensables pour le calfatage, fournis par les provinces espagnoles d’outre-Atlantique. Nous n’y reviendrons pas, si ce n’est pour traiter des missions du Mascarinet de l’Osterley, arrivés respectivement en 1774 et 1781 à Montevideo, centre légal de ces activités, et pour évoquer l’établissement des relations particulières entre ces deux territoires. Pour faire face à la menace de famine de 1792, le gouverneur Malartic fit appel, sous la pression de l’Assemblée coloniale, à deux frères, marins de grande expérience malgré leur jeunesse : Alexandre Jean Duclos-Guyot, l’aîné, et Jean Auguste Duclos-Guyot, le cadet.
1 Jean-Pierre Tardieu,La traite des Noirs entre l’océan Indien et e e Montevideo (Uruguay). Fin du XVIII siècle et début du XIX, Paris, L’Harmattan, 2010.
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Tous deux, formés par leur père Pierre Nicolas Duclos-Guyot, avaient sillonné les mers aux côtés des plus grands navigateurs de l’époque. Leurs voyages leur avaient permis de bien connaître Montevideo. Dans sa demande, Malartic passa sous silence les événements de son pays, mais il ne pouvait prévoir l’exécution de Louis XVI, qui mit un terme à la bienveillance des administrateurs du Río de la Plata. Ses deux envoyés, reçus d’abord avec une réticence polie par les autorités locales, furent perçus par la suite comme des révolutionnaires, voire comme des régicides, et finirent, sous l’effet de l’étrange dénonciation d’un esclave, par être soupçonnés de fomenter une invasion française. Les riches commerçants, dont certains négriers, virent là une belle occasion pour s’approprier à moindres frais leur bâtiment,Le Dragon, en une époque conflictuelle où l’armement des navires n’était pas chose aisée. Ils profitèrent de la naïveté des fonctionnaires royaux, obnubilés par la crainte des complots. Ces pseudo-émissaires, sous prétexte d’obtenir de l’aide, durent-ils leur faire savoir, n’essaieraient-ils pas de susciter une intervention française au Río de la Plata, à l’instar de celle effectuée une trentaine d’années auparavant dans les treize colonies anglaises d’Amérique du Nord ? Les relations commerciales avec les États-Unis, déjà bien établies, ne permettaient pas d’oublier ces faits, d’autant que, cette fois, la France et l’Angleterre étaient ouvertement en guerre. L’attitude des responsables espagnols fut donc à la mesure de leur psychose. Une justice tatillonne s’évertua, par des procédés rédhibitoires mais assez courants pour l’époque, à faire avouer l’impossible à ces deux marins. Le supplice moral dura trois ans, sans mettre à mal leur sens de l’honneur. Alexandre Duclos-Guyot, en chef d’expédition responsable, établit un système de défense
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d’une exceptionnelle ampleur, croisant patiemment les influences de ses protecteurs français et des 2 «afrancesados» de la péninsule . Malgré tous ses déboires, il n’en voulut pas aux habitants de cette colonie espagnole. Il s’était même si bien acclimaté qu’il songeait à s’y installer avec sa famille, à l’exemple de quelques aristocrates de l’Île-de-France. Il y revint, avec l’intention de jouer un rôle dans les relations entre son pays et sa terre d’élection, mais la guerre entre l’Espagne et l’Angleterre l’empêcha de concrétiser ses espoirs.
2 Ricardo R. R. Caillet-Bois présenta un résumé de l’affaire du Dragon dansEnsayo sobre el Río de la Plata y la Revolución Francesa, Buenos Aires, Imprenta de la Universidad, 1929, p. 61-67.
Chapitre 1 Les relations entre l’Île-de-France et Montevideo
L’Île-de-France et Bourbon, les deux îles sœurs, n’étaient pas des terres inconnues pour les premières expéditions vers les rivages de l’océan Indien : on trouve très tôt des esclaves « mozambiques » et « macuas » dans 3 les Indes Occidentales espagnoles . Leurs navires avaient pu faire escale dans ces territoires tardivement peuplés. e Mais ce ne fut que dans la seconde moitié du XVIII siècle que les négociants du Río de la Plata, avec la promulgation des cédules royales sur la liberté du commerce (12 octobre 1778) et de la traite des Noirs 4 (28 février 1789, 23 février et 24 novembre 1791) , commencèrent à structurer leurs activités, de façon à réduire les pertes dues à la navigation dans les parages du Cap de Bonne-Espérance et aux effets très contrastés du climat durant un aussi long trajet. Leur intérêt pour l’Île-de-France, qui jouissait de la franchise fiscale, afin de préparer leurs navires, eut comme corollaire celui des Français de l’île pour le port de destination, Montevideo. Et cela parfois pour de simples raisons de survie : ces derniers tentaient de tirer profit d’une route, certes dangereuse, mais bien établie et plus directe que celle de la métropole. Nous allons le voir, ils tablaient ainsi sur un échange de bons procédés, ce qui n’allait pourtant pas de
3 Jean-Pierre Tardieu, « Les "mozambiques" dans les Amériques espagnoles. Esclaves diaboliques ou esclaves paisibles ? »,inRegards sur l’Afrique et l’océan Indien. Textes réunis par Sudel Fuma, Paris, Le Publieur, 2005, p. 113-137. 4 Jean-Pierre Tardieu,La traite des Noirs entre l’océan Indien et Montevideo …, op. cit., p. 11-12.
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