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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 16 juillet 2020 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9782336904979 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Couverture
4e de couverture
Historiques
Dirigée par Vincent Laniol
avec Bruno Péquignot et Denis Rolland
La collection « Historiques » a pour vocation de présenter les recherches les plus récentes en sciences historiques. La collection est ouverte à la diversité des thèmes d’étude et des périodes historiques.
Elle comprend trois séries : la première s’intitulant « travaux » est ouverte aux études respectant une démarche scientifique (l’accent est particulièrement mis sur la recherche universitaire) tandis que la deuxième intitulée « sources » a pour objectif d’éditer des témoignages de contemporains relatifs à des événements d’ampleur historique ou de publier tout texte dont la diffusion enrichira le corpus documentaire de l’historien ; enfin, la troisième, « essais », accueille des textes ayant une forte dimension historique sans pour autant relever d’une démarche académique.
Série Essais
Georges BENOIT, Essai sur la prospérité des communautés de rescapés. Histoire des peuples résilients. Tome 1 – VI e -XVI e siècle , 2012.
Georges BENOIT, Essai sur les origines communautaires du capitalisme. Histoire des peuples résilients. Tome 2 – XVI e -XXI e siècle , 2012.
Titre
Gérard Buttoud
La Méduse
1816 – 1824
Chronique d’une affaire d’État
Copyright
Du même auteur chez le même éditeur
Sur les premiers établissements français dans l’océan Indien :
Il s’appelait Poivre ;
un chasseur d’épices dans la mer des Indes (1750-1773) , 2016.
La colonisation française des Seychelles (1742-1811) , 2017.
L’échec des premières colonies françaises à Madagascar 1631-1831) , 2017.
Mahé de La Bourdonnais (1699-1753) ; biographie politique d’un héros des Indes , 2018.
Les îles françaises de la mer des Indes de 1640 à 1810 , 2018.
Sur les premiers établissements français en Afrique :
Les rois de l’estuaire ; aux origines de la colonisation française du Gabon (1831-1862), 2019.
La guerre d’Arguin 1678-1728 ; premiers pas français sur la côte des Maures , collection « Histoire-Textes-Société », 2020.
© L’Harmattan, 2020
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-90497-9
Un naufrage pas tout à fait ordinaire
Le 2 juillet 1816, la frégate du roi la Méduse s’échouait en milieu d’après-midi sur l’accore du banc d’Arguin, à une vingtaine de miles marins des côtes de l’actuelle Mauritanie, avec près de 400 personnes à bord. L’évacuation de l’épave se soldait par la mort ou la disparition de plus de 160 de ces naufragés.
Fait divers ordinaire, pour ne pas dire banal à l’époque.
Sauf que…
Sauf que la Méduse n’était pas n’importe quel bâtiment. C’était la « frégate commandante » d’une expédition du gouvernement chargée de reprendre possession de la colonie du Sénégal. Elle ne transportait pas n’importe qui.
Sauf qu’elle était l’un des fleurons de la flotte militaire française, peut-être son élément le plus achevé. Parfaite voilière, de surcroît fine et racée, elle faisait l’admiration de tous. C’est bien simple, même les Anglais nous l’enviaient.
Sauf que son échouement, par beau temps et à marée haute, de même que la pagaille indescriptible de l’évacuation, mettaient en lumière l’incompétence du commandement, vite assimilée à une incurie du gouvernement. Pour beaucoup et par extension, ce naufrage était celui de la France même, celui en tout cas de la Restauration.
Sauf que pour survivre, les passagers du radeau abandonné à la dérive portant quelque 150 de ces naufragés en avaient été réduits à manger de la chair humaine, et à éliminer de manière systématique les blessés afin d’économiser au bénéfice des seuls valides le peu de vin restant. Une transgression caractérisée de la morale et de ses valeurs.
Sauf que ce qui se disait, ou se cachait, du fait divers donnait de quoi raviver les conflits politiques du moment, de quoi opposer plus qu’il n’était déjà le cas bonapartistes et royalistes, conservateurs et libéraux, de quoi donner du grain à moudre aux défenseurs des libertés publiques, donc à celle de la presse. Plus que le fait lui-même, c’était ce que chacun et tous écrivaient qui créait l’évènement, et ce faisant les journaux, comme ils nous en habitueraient, parlaient autant d’eux-mêmes que de l’accident.
Sauf que la gestion publique de la crise, aussi malhabile que malhonnête, empêtrait le gouvernement dont elle soulignait la faiblesse et pour certains la culpabilité. Si les chefs s’en tiraient aussi mal pour expliquer la catastrophe, c’est peut-être bien parce qu’ils en étaient quelque part les vrais responsables.
Sauf que, pour l’une des premières fois à une telle échelle, l’image donnée de l’évènement, celle peinte par Géricault sur l’immense toile accrochée bientôt au Louvre, en accentuait encore le caractère public, prenant à partie l’opinion jusqu’à la provoquer. Au poids des mots, s’ajoutait le choc du tableau.
Plus qu’un fait divers, l’échouement de la Méduse était bien d’abord un fait politique.
Une affaire d’Etat.
En analyser les tenants et les aboutissants implique dès lors qu’on procède différemment de ce que l’analyse historique classique nous a habitués à lire.
En comprenant d’abord cette histoire comme formant un tout construit et cohérent d’images, de perceptions, de mentalités, d’imaginaires même.
Car le naufrage de la Méduse , c’est à la fois le fait réel – c’est-à-dire l’échouement de la frégate – mais aussi le débat sur ce fait – en gros ce qu’en racontent les journaux – et enfin l’image – au sens propre comme au sens figuré – que le public a été convié à retenir de l’évènement, évènement qui de fait s’est trouvé construit par imbrication logique et progressive de ces trois éléments.
Ce qui s’est dit et s’est montré de l’histoire n’est donc pas une simple série de discours séparés, c’est justement – et au contraire – le corpus même qui a contribué à forger ce que représentait le fait aux yeux des contemporains.
En se racontant autant que faire se peut, ensuite, l’histoire en partant de ce qui a été sur le coup perçu, compris et même imaginé par ces mêmes contemporains, au fur et à mesure de ce qu’alors ils en apprenaient. Et pas de la reconstruire à partir de ce qu’on en sait aujourd’hui, maintenant qu’on en connaît tous les détails.
Car si l’on sait pour l’essentiel la vérité sur ce qui s’est réellement passé, c’est après recoupement de rapports contemporains de l’accident qui sont d’abord restés confidentiels, et de témoignages dont certains n’ont été dévoilés que bien plus tard. Sur le coup, les acteurs du moment n’ont retenu de l’histoire que ce que les premiers à en parler ont bien voulu leur en dire.
A l’époque, deux connaissances de l’histoire se juxtaposent et, d’un certain point de vue, s’affrontent. D’un côté, les lecteurs des journaux, de cette presse enfin débridée, qui connaît alors un essor considérable, retiennent de l’accident des éléments qu’on leur propose d’interpréter selon leurs convictions politiques. De l’autre, à côté et même en face, l’amirauté et le ministère en savent, eux, beaucoup plus, même si la stratégie qu’ils adoptent n’est visiblement pas de tout dire de ce qui s’est vraiment passé.
Et chacun s’est forgé sa propre vérité. Celle la plus commode à accepter, celle que chacun voulait voir retenir par les autres. Tous ont alors affirmé, défendu, vendu la leur. Pour se couvrir. Pour justifier leurs idées, leurs combats. Pour cacher aussi leurs faiblesses. Et finalement pour cacher la vérité, justement.
Tout compté, c’est cette connaissance aussi partiale que partielle, celle née du décalage entre différents types et sp