Les Adieux du Spectateur français au monde politique et littéraire
60 pages
Français

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Les Adieux du Spectateur français au monde politique et littéraire , livre ebook

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Description

IL y a des préjugés si impérieux, si dominans, que tenter de les déraciner par des discours de morale, ce seroit prétendre adoucir avec le son de sa voix la fureur des tempêtes. Tel est parmi nous le délire des duels. Heureusement il en est plusieurs qui n’ont d’autre résultat que du bruit et de la fumée. C’est beaucoup aux yeux de la foule, que d’avoir prouvé qu’on tenoit moins à la vie qu’à ce qu’on appelle honneur ; mais aussi n’est-ce pas démontrer qu’on s’inquiétoit peu d’être homicide, de conserver jusqu’à son dernier soupir le regret d’avoir enlevé la vie à son semblable et plongé dans le deuil une famille qui n’entendra prononcer votre nom qu’en frémissant de rage et appelant sur votre tête la vengeance de Dieu et des hommes.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346124787
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.

Jacques-Vincent Delacroix
Les Adieux du Spectateur français au monde politique et littéraire
DISCOURS PRÉLIMINAIRE
L’ACCUEIL qu’on a fait aux Méditations et Souvenirs du Spectateur français, et à ses Etrennes morales, m’enhardit à donner le jour à cette production, qui a le même objet. Je n’ai pas la prétention de rivaliser avec les moralistes célèbres qui m’ont précédé. Je fixe mes pensées telles qu’elles me sont survenues dans mes promenades solitaires ou dans ma retraite. Peu m’importe qu’elles paroissent saillantes, originales ; mon seul désir est qu’elles soient avouées par la raison.
Le dirai-je ! Mécontent du passé, peu satisfait du présent, et n’osant m’enfoncer dans l’avenir, je ne trouve plus de bonheur que dans les illusions. Une de celles qui me charment le plus, c’est cette ingénieuse fiction des champs élysées ; mon imagination se plaît à les parcourir. Un jour, entraîné, par l’effet de mes égaremens, au milieu des ombres qui les habitent, je crus y retrouver quelques-uns des philosophes du siècle dernier, qui s’entretenoient librement devant moi, parce qu’ils ne craignoient pas que je révélasse leurs doutes et leurs systèmes ; plusieurs d’entre eux sembloient se repentir d’avoir laissé échapper de leur imagination ardente des pensées qu’ils reconnoissoient pour fausses ou téméraires.
A la légèreté de sa marche, à la rapidité de ses détours, il ne me fut pas difficile de voir qu’une ombre qui sembloit voltiger étoit celle de Voltaire. Il s’étoit introduit dans les champs élysées en se parant de sa Henriade, de quelques belles tragédies et de ses hommages sublimes à l’Eternel.
Une ombre triste et silencieuse s’offrit à ma vue : c’étoit celle du citoyen de Genève, auquel on avoit long-temps refusé l’honneur d’habiter le séjour du repos. Le sévère gardien de l’entrée se laissa loucher par l’éloquente prière du jeune Emile, et les tendres supplications de la charmante Julie, en exigeant qu’il cachât son Contrat social et déchirât la plus grande partie de ses Confessions.
A son air grave et majestueux je crus reconnoître l’ombre du chancelier D’Aguesseau, qui gémissoit sur les erreurs d’une Cour qu’il avoit long-temps éclairée de ses lumières. On eût dit qu’elle lui reprochoit avec emportement l’énorme faute qu’elle a commise, en opposant une opiniâtre résistance à la volonté d’un bon Roi, et surtout en invoquant ces états généraux qui furent la cause première de tous nos troubles.
Bientôt je découvre l’ombre du lumineux Montesquieu, qui s’indigne de ce qu’on a si peu profité de son Esprit des Lois, en proclamant une république au sein de la France, lorsqu’il avoit si clairement démontré la nécessité d’un gouvernement monarchique dans les grands empires, et le danger de tomber dans l’anarchie, qui recule épouvantée devant le glaive du despotisme.
A quelques pas de lui reposoit tranquille une grande ombre, dont le front paroissoit sillonné de rides ; elle sourioit à la fureur de Montesquieu, lui présentoit ses deux mains fermées et paroissoit lui dire : « Voilà le résultat de votre imprudence ; vous avez laissé échapper des vérités devant des hommes dont la vue est trop foible pour en soutenir l’éclat. »
Je ne doutois plus alors que ce ne fût Fontenelle que je venois d’entendre.
Après avoir passé en revue les ombres du dernier siècle, j’arrivai à celle de Louis-le-Grand. Je fus d’abord frappé de la majesté du monarque qui répandit sur son règne un lustre que ses ennemis ne parviendront pas à ternir. La foule des ombres se tenoit à une grande distance de cette ombre auguste qui sembloit encore régner sur elles ; je crus entendre sortir de sa bouche ces paroles : « Approchez, Fénélon ; mon esprit, qu’on trompa sur vos intentions, s’est depuis éclairé. Je veux que vous me répétiez quelques chants de votre Télémaque. Si nous étions sur la terre, vous seriez mon premier ministre, et votre superbe adversaire, devenu votre ami, seroit mon grand aumônier. Mais je crois apercevoir à votre suite l’éloquent Bourdaloue ; qu’il s’approche de moi : je l’ai toujours estimé, parce qu’il n’eut d’autre ambition que celle de faire triompher la religion : bien différent en cela de celui qui m’a imprudemment armé contre ceux de mes sujets qui n’avoient d’autre tort que de différer sur quelques points de sa croyance. »
Une ombre très-élevée m’apparut, et j’aurois ignoré le personnage qu’elle figuroit si la voix du monarque ne m’eût appris que c’étoit celle de Turenne. « Maréchal, lui dit-il, si une seule foiblesse de l’amour ne vous eût fait trahir le secret de l’Etat, vous auriez été trop au-dessus de l’humanité ! »
Une ombre qui s’avançoit d’un pas timide, paroissoit désirer que le prince, dont il avoit perdu la faveur, ne l’eût pas tout-à-fait oublié. Le monarque le reconnut et lui dit de l’air le plus affable : « Les rois, environnés de flatteurs, qui les trompent en les adulant, ne peuvent s’habituer à entendre de tristes vérités ; vous ne deviez donc pas être étonné que je fusse irrité à la lecture du Mémoire dans lequel vous peignîtes avec tant de force et d’éloquence la détresse et les malheurs de mon peuple. Maintenant que je vous ai rendu toute mon amitié, je vous enjoins d’aller dire à Corneille que si j’ai tardé à verser sur lui mes bienfaits, c’est parce que je l’ai cru si riche de sa gloire, que je ne voyois rien qui fût digne d’être offert à sa grande ame. Déclarez à Boileau que je ne lui pardonne pas de m’avoir laissé ignorer le mérite et les besoins du bon La Fontaine.
Votre Majesté, répondit Racine, n’auroit-elle rien à faire dire à Molière qu’elle a si sagement protégé contre ses ennemis ?  — Ah ! reprit le monarque, je craignois, après l’affront qu’on a fait à ses mânes, qu’il ne lui fût pas permis de descendre au milieu de nous. Je suis charmé que le poète qui a fait tant d’honneur à la scène française, ait trouvé, après sa mort, la justice qui lui a été refusée de son vivant. »
Une ombre dont la pâleur annonçoit qu’elle étoit pénétrée de regrets, ne tarda pas à paroître devant le monarque, qui s’efforça de la consoler par ces paroles : « Chancelier Séguier, je devine le sujet de votre affliction. L’académie française n’exige plus de ceux qu’elle admet dans son sein qu’ils paient un tribut d’éloges à la mémoire de son bienfaiteur. La cause de ce silence est si belle qu’elle devroit vous enorgueillir, loin de vous affliger. Un de vos descendans, doué d’une éloquence supérieure à la vôtre, s’est attiré la haine des académiciens, parce qu’il a préféré de demeurer l’organe impassible de la loi, à la honte de devenir l’égide d’une philosophie perverse. »
Après avoir achevé ces mots, je vis l’ombre auguste s’asseoir sur une touffe de gazon, ornée de fleurs. Il invita deux ombres à se placer à ses côtés ; elles me parurent toutes deux d’une nature différente des autres. Celle qui étoit à sa droite avoit un maintien sévère : on remarquoit sur son visage quelques traces d’une beauté effacée. Je ne doutai pas qu’elle ne fût cette favorite dont l’ambition n’eut plus qu’une couronne à désirer. Il ne me fut pas difficile de

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