Mémoires, cultures et espace public en Méditerranée
238 pages
Français

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Mémoires, cultures et espace public en Méditerranée , livre ebook

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Description

Ce livre est la dernière partie d'une trilogie composée également de Le spectre de la mémoire de Pascal Paoli et Les batailles du patrimoine en Corse. Il s'agit d'un recueil d'articles. Le sens des lignes qui vont suivre ? Elles ne parlent a priori que de secteurs très circonscrits d'une société insulaire, bref de faits..., de faits marginaux. Mais en fait, ce livre peut être compris comme une proposition au lecteur d'une méthode de réalisation, sur un territoire donné, d'un bilan de l'état de santé de la belle invention méditerranéenne qu'est la démocratie.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 février 2016
Nombre de lectures 9
EAN13 9782140001444
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pierre BERTONCINI
Mémoires, cultures et espace public en Méditerranée
Études de cas en Corse
nthropologie du onde ccidental
MEMOIRES, CULTURES ET ESPACE PUBLIC EN MEDITERRANEE
Anthropologie du Monde Occidental Collection dirigée par Denis Laborde Déjà parus Pierre BERTONCINI,Mémoires, cultures et espace public en Méditerranée, Etudes de cas en Corse, 2016 Boris PETRIC et Elena FILIPPOVA (sous la dir.),Panorama de l’anthropologie russe contemporaine, 2011. Nicole BELMONT,Mythe, conte et enfance. Les écritures d'Orphée et de Cendrillon, 2010. Thomas PIERRE,Controverses institutionnellesen Pays Basque de France, 2010 Denis LABORDE (dir.),Désirs d’histoire. Politique, mémoire, identité, 2009. H. E. BÖDEKER, P. FRIEDEMANN,Gabriel Bonnot de Mably, textes politiques 1751-1783, 2007. Anthony PECQUEUX,Voix du rap. Essai de sociologie de l’action musicale, 2007. Jean-Louis FABIANI,Beautés du Sud, 2005. Serge MARTIN,Langage et relation, 2005. Benoît CARTERON (sous la dir.),L’engouement associatif pour l’histoire locale. Le cas du Maine-et-Loire, 2005. Denis LABORDE (éd.),Six études sur la société basque, 2004. Eguzki URTEAGA,Les journalistes locaux, fragilisation d’une profession, 2004. Jacques CHEYRONNAUD, Musique, politique, religion. De quelques menus objets de culture,2002. Marie-Claire LATRY,Le fil du rêve : des couturières entre les vivants et les morts, 2002. Fotini TSIBIRIDOU,Les Pomack dans la Thrace grecque. Discours ethnique et pratiques socioculturelles,2000. ème Alf LÜDTKE,Des ouvriers au quotidien dans l’Allemagne du XX siècle,le quotidien des dictatures, 2000. Louis QUERE,La sociologie à l’épreuve de l’herméneutique. Essai d’épistémologie des sciences sociales,1999. Jean-Michel LARRASQUET, L’Entreprise à l’épreuve du complexe, 1999. Jean-Michel LARRASQUET,Management à l’épreuve du Le complexe, 1999. Denis LABORDE,De Jean-Sébastien Bach à Glenn Gould. Magie des sons et spectacle de la passion, 1997. Hubert JAPPELLE,les Enjeux de l’interprétation théâtrale,1997.
Pierre BERTONCINI MEMOIRES, CULTURES ET ESPACE PUBLIC EN MEDITERRANEE ETUDES DE CAS EN CORSE
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-07874-8 EAN : 978-2-343-07874-8
Avant-propos Une mémoire flottante en Méditerranée Ce livre est la dernière partie d’une trilogie composée également deLe spectre de la mémoire de Pascal PaolietLes batailles du patrimoine en Corse. Il s’agit d’un recueil d’articles publiés dans des revues scientifiques ou de communications présentées lors de rencontres universitaires. Les onze pièces ici proposées ont été écrites principalement de 2010 à 2012. Une nouvelle fois, le terme « mémoire » apparait dans le titre. On peut l’accompagner de l’adjectif qualificatif « flottante », c’est à mettre en relation avec « l’attention flottante » qui est demandée aux psychanalystes afin de pouvoir à un moment donné détecter un propos particulier dans une masse de paroles. Cette technique a depuis été transposée à l’anthropologie. La mémoire flottante peut aussi être comprise comme le phénomène qui fait qu’un territoire donné a une dimension de capteur des mémoires, collectives et individuelles, qui circulent dans son environnement. Dans les études de cas présentées, de même que ses reliefs arrêtent les nuages et font qu’elle est un château d’eau dans un milieu où règne la sécheresse, l’île arrête la mémoire. L’accumulation produit des phénomènes ici soumis à investigation. L’espace principal d’origine des mémoires observées est la Méditerranée. Rappelons que dans un livre écrit simultanément aux articles ici présentés, Philippe Joutard affirme que « l’espace où la densité de 1 « sociétés-mémoire » est la plus forte est le monde méditerranéen » . C’est en interrogeant cet univers de circulation que l’on verra comment, de la guerre d’Algérie au Printemps arabe, la société insulaire qui demeure encadrée par l’Etat centralisateur français est travaillée par des courants dont une part jusqu’ici peu mesurée provient du Maghreb. Lors d’un colloque portant sur les ambiances méditerranéennes et l’espace public auquel j’ai participé à Tunis, après la présentation du MuCEM par Anissa Bouyaed, je me suis exprimé spontanément en remarquant à quel point le musée marseillais tel que je l’ai entendu alors décrire, à la construction duquel j’ai modestement participé une année en qualité de chercheur post-doctorant quand il était encore à l’état de projet, aurait pu s’appeler le musée Jean-Claude Izzo. C’était une matérialisation muséale de l’univers deTotal 1 Joutard Philippe,Histoire et mémoires, conflits et alliances, Paris, La découverte, 2012, p. 97.
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2 Khéopsque dépeignait en effet la commissaire associée de l’expositionLe bleu 3 et le noir, un rêve méditerranéen. Depuis, je me suis rendu au MuCEM. Il a été construit sur l’ancien Quai de la Joliette, lieu qui accueillit des générations de migrants, les rapatriés de 1962, ainsi que moi-même débarquant en 1989 pour m’inscrire comme étudiant à l’Université de Provence. J’ai pu noter que des livres d’Izzo étaient bien dans les rayons de la librairie du site. Mais dans l’exposition permanente les langues de présentation sont le français, l’anglais et l’espagnol. L’absence de l’arabe est significative en elle-même. Tandis que des efforts louables sont faits pour présenter des documents en braille, la langue arabe, quant à elle, demeure invisible dans le musée dont les réserves se trouvent dans la Caserne… Bugeaud. Alors, je me souviens que, le 15 août 2009, j’observais la messe donnée à Notre-Dame d’Afrique à Carnoux-en-Provence. Au début de la cérémonie donnée en souvenir « des cloches d’Alger », où paradoxalement fut entonné « l’hymne national » corse, dans un bâtiment sans place libre, le prêtre salua la présence du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, qui était entré en même temps qu’un groupe de porte-drapeaux d’anciens combattants, en insistant bien, quelques mois avant les élections régionales, sur le fait que l’élu, en 1962, était sur le Quai de la Joliette pour accueillir les rapatriés. Dans ce contexte politique, on comprend que ce n’est pas un hasard si l’institution muséale ne s’appelle pas Jean-Claude Izzo. Ces connexions mémorielles contrariées s’observent également en Corse. C’est un guide méthodologique d’identification de ces empêchements à la circulation des mémoires dans l’espace public qui est proposé ici. 4 En 1967, Jacques Gregori signait laNouvelle histoire de la Corse. Il osait y affirmer en l’écrivant noir sur blanc en titre de chapitre : « Nos ancêtres qui n’étaient pas des Gaulois ». Sa relecture minutieuse permet de constater un fait moins caricatural mais tout aussi engagé : la guerre de 1914-1918 était très peu présente dans ce livre qui annonce la contestation de l’ordre culturel qui allait fleurir la décennie suivante. Il avait fallu oublier 1914, ses anciens combattants et le son du clairon pour écrire cet appel à porter un autre regard sur l’histoire de l’île. Depuis, Jacques Gregori, dont la lecture à 22 ans m’avait motivé pour revenir dans mon île, a été oublié au point de ne pas figurer dans leDictionnaire 5 historique de la Corse. Dans une ambiance d’union sacrée, l’année 2014 a été présentée en Corse comme l’année du centenaire de la Grande guerre. Cela est apparu comme une évidence. On verra dans les pages qui suivent comment la commémoration est décidément le résultat de choix politiques complexes. Je
2 Izzo Jean-Claude,Total Khéops, Paris, Gallimard, 1995. 3  Bouyaed Anissa, Fabre Thierry (sous la dir.),Le noir et le bleu, un rêve méditerranéen, Paris, Textuel, 2013. 4 Gregori Jacques,Nouvelle histoire de la Corse, Paris, Jérôme Martineau, 1967. 5  Serpentini Antoine-Laurent (sous la dir.),Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006.
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proposerai ainsi ici une évocation des non-commémorations de la guerre d’Algérie et de Mai 68 qu’a connues la Corse. Car je pense qu’elles en disent autant sur la société qui les organise que les cérémonies clinquantes telles que 6 celles de 2014. Alors, prenant la suite de Jules Supervielle qui décrit comment le meurtre crapuleux du marchand ambulant « turc » Ali Ben Salem est gardé en 7 mémoire par un chien dont l’auteur scrute le regard , je montrerai ici comment les traces du passé se donnent à voir de façon parfois romanesque dans le plus banal de notre quotidien.
Une ambiance immaculée ? L’ouvrage commence par deux textes réunis sous le titre « Une ambiance immaculée ? ». En 2012, une série de cérémonies a été organisée afin de fêter les 30 ans de l’Université de Corse. En 2002, les 20 ans de l’Université de Corse avaient été un fiasco. Des étudiants indépendantistes avaient interrompu une cérémonie où les autorités politiques de l’île avaient été formellement invitées. Lors de la nouvelle commémoration, la Corse n’était pas plus indépendante qu’en 2002 mais nul conflit ne devait semble-t-il apparaître. Cette année-là, des élections pour la présidence de l’université étaient programmées. Une présentation élogieuse du bilan de la majorité sortante a donc été l’objet des soins des organisateurs des festivités de 2012. Dans le cadre de la préparation de ma thèse de doctorat, j’avais collecté et analysé du matériel lié à l’histoire graffitique de l’université. J’avais proposé une contribution à la commémoration en mettant en forme ces analyses alors validées par le jury de soutenance de thèse. Ma proposition ne fut pas suivie de faits. Il semble que les écrits de la contestation n’avaient pas leur place dans le contexte d’avant élection. Et pourtant, lors de la période commémorative, des graffitis furent bombés sur le campus même! Alors, une des premières décisions de la présidence nouvellement élue fut de programmer la destruction de la totalité des graffitis visibles sur les bâtiments universitaires ! L’université allait devenir immaculée ! J’ai rédigé un article faisant le point sur les relations riches entre Université de Corse et moyen d’expression graffitaire depuis l’aube de l’institution chargée par la société de la transmission de la connaissance et de la recherche. Je l’ai présenté pour la première fois à Paris, dans le séminaire « Peinture murale » organisé alors à l’Ecole des Hautes études en sciences 89 sociales avant qu’il ne soit publié dans la revueVestighe. On y voit comment l’université de Corse fut à l’origine… un graffiti.
6 Et de Philippe Joutard (op. cit., p. 13) qui présente une autre référence à ce poète. 7 Supervielle Jules,L’enfant de la haute mer, Paris, Gallimard, 1986, p. 158. 8  « Graffiti bombé, université et Corse. Le point sur 30 ans de relation ».Groupe de travail Peintures murales- Enjeu et perspectives, Laboratoire IIAC-Anthropologie de l’écriture-EHESS, Paris, avril 2012.
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