Ombres et lumières de Costebelle
167 pages
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Ombres et lumières de Costebelle , livre ebook

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Description

En 1943, alors que l'issue de la guerre est encore incertaine, le baron Guilhaume de la Roque, aristocrate autoritaire et froid, règne en maître inflexible sur son domaine viticole de Costebelle et trafique avec l'occupant. Mais son attitude envers ses métayers, Théophile et Valérie Cambon, va exacerber sa mésentente avec son épouse Isabelle et avoir des conséquences imprévues qui vont bouleverser sa vie jusqu'à l'entraîner dans la Résistance.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 30
EAN13 9782812917325
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

René Barralent de ses professeursest un autodidacte qui a su retenir de l’enseignem d’antan la curiosité d’esprit et la soif d’apprendr e. À la retraite et après deux années d’études de lettres à l’université, il prend la plu me pour dépeindre avec ferveur et générosité son amour des Cévennes. Il a déjà publié sept romans aux Éditions De Borée, dont plusieurs ont été récompensés par des p rix littéraires.
La Colère des drailles Le Miracle de Combesèque Les Soleils de l’hiver Un été cévenol
Copyright
Du même auteur
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. ©De Borée, 2011
Titre
RENÉBARRAL OMBRES ET LUMIÈRES DECOSTEBELLE
J’aime les paysans parce qu’ils ne sont pas assez savants pour commettre des erreurs.
MONTESQUIEU
À mon épouse, Anne-Marie.
I
U SORTIR DES GORGES de l’Hérault, le vent se ruait dans la plaine en m euglant A comme un taureau furieux, balayant furieusement les vignobles, sautant par-dessus le moutonnement des collines avant de se pré cipiter vers la Séranne dont les hauteurs blafardes bordaient l’horizon. Son souffle possédait la force de l’ouragan et on eût dit que la campagne tremblait de rage et de dés espoir. Assourdi par cette musique prodigieuse, le baron Gu ilhaume de LaRoque engagea 1l ajardinièresur le pont gothique en dos d’âne qui enjambait les rives sauvages de l’Hérault. Mécontent, il s’en revenait de la tourné e de ses vignes d’En-Rivière où il avait constaté que la taille n’était pas achevée. Par mom ents, il jurait entre ses dents en songeant que cela allait entraîner un décalage dans les travaux: il restait de nombreux trous à creuser pour planter les ceps à remplacer e t les labours d’hiver seraient tardifs. Le cheval connaissait le chemin par cœur ce qui per mettait au baron de réfléchir sans se préoccuper de la route. Il hocha la tête et prit la décision d’aller à Ganges le vendredi, jour du marché, pour y embaucher des jour naliers afin d’accélérer la besogne. Il prendrait également des femmes pour ram asser les sarments. Ainsi, on gagnerait du temps ce qui permettrait de planter en mars, afin de ne pas retarder le greffage. Depuis quelques mois, les malheurs de son fermier perturbaient le labeur du domaine et il trouvait cela insupportable. «Oh! Vermouth, Oh!…» Docile, le cheval s’arrêta. Le baron se trouvait à l’embranchement des deux routes qui menaient sur la droite vers Saint-Jean-de-Buège s et, à gauche, vers le Causse de la Selle. Guilhaume de LaRoque, maître du domaine, aimait faire halte à cet endroit pour admirer le paysage. Brusquement, il oublia ses soucis et se sentit soul evé de bonheur et de fierté. Costebelle! Face à lui, le château, au crépi ocre e t coiffé d’ardoises grises, avec ses doubles génoises et son balcon monumental, dressait fièrement ses quatre tours de briques rouges dans son écrin de chênes verts. Les communs, le pigeonnier, l’immense bergerie donnaient une impression de puis sance considérable dont il tirait grand orgueil. De l’autre côté du pont, l’église de Saint-Étienne-d’Issensac, ancienne étape des pèlerins sur la route de Saint-Jacques-de -Compostelle, surplombait majestueusement les gorges calcaires de la rivière qui étirait nonchalamment son eau ridée par la tempête. À mi-montagne, dans le lointa in, la vierge du Suc dominait de sa haute silhouette les solitudes boisées de la Sérann e dont elle semblait l’immuable gardienne. Mais ce qui intéressait surtout le baron, c’était s a vigne du Puech, la plus belle, celle qui produisait le meilleur vin et qui s’étirait dan s la vallée jusqu’aux premiers contreforts 2de la montagne. À perte de vue, des lignes de ceps taillés engobelets’étendaient jusqu’aux coteaux qui longeaient le vallon, les che vauchant parfois. Des chemins de terre rougeâtre, assez larges pour l aisser passer des attelages, quadrillaient le terrain. Par endroits, de grandes cuves servaient de points d’eau pour l’échaudage et le sulfatage. Il se dégageait de ce lieu un tel souci du travail soigné, rigoureusement organisé, que c’était un réel plaisi r des yeux de l’admirer. «Ça, c’est une vigne! murmura le baron amoureusement. Allez, Vermouth…» Il tourna la bride en direction de Saint-Jean-de-Bu èges à la recherche de ses
domestiques. Bientôt, le terrain s’éleva rapidement en vallonnem ents successifs et des deux côtés de la route, ce n’étaient que vignobles; sur les fl ancs des hauteurs, en écharpe, en bandoulière. Certaines vignes poussaient même une p ointe en direction des bois. C’est dans un de ces renfoncements que les hommes travail laient. Le baron arrêta son cheval, descendit de la jardinière et embrassa la v igne du regard. Avec la tempête, des feuilles volaient en tous sens et les ceps trapus s emblaient battre l’air de leurs moignons fraîchement taillés pour garder l’équilibr e, quand la rafale les prenait à revers. Quatre hommes, cisaille en mains, se tenaie nt courbés sur les souches, avançant lentement. À l’arrivée du maître, ils levè rent à peine la tête pour se remettre aussitôt à leur besogne. Apparemment insensible au froid, le baron s’engagea lentement dans la vigne de sa démarche d’une raideur toute aristocratique, vérifi ant au passage le travail effectué. Guilhaume de LaRoque était un homme grand et mince, au nez fin et courbe, aux traits aigus et aux yeux très clairs. Un chapeau noir à la rges bords cachait ses cheveux gris. Il portait des bottes de cuir qui montaient jusqu’a ux genoux et un pantalon bouffant de cavalier. Sous la grosse veste de velours, une fine chaîne de montre en or brillait sur le gilet de couleur sombre. Il se pencha sur une souch e et maugréa: un sarment avait été mal taillé… «Cambon!» appela-t-il. Un homme d’environ quarante ans, trapu, avec des br as puissants se releva et vint à sa rencontre. Il avait le teint mat et son visage massif était barré d’une épaisse moustache noire à la gauloise. Une casquette le pro tégeait du froid, mais au front haut 3et large, on devinait qu’il était chauve. C’était l epaïredu baron. Tout en travaillant lui-45 même, il organisait le travail des domestiques que sa femme, lamaïre, nourrissait. Cambon fronça les sourcils. Il s’arrêta devant le b aron qu’il fixa de son regard droit et net. «Oui, monsieur le baron. Là, regardez ce courson, il est resté un œil de tro p!» Sans un mot, le païre se pencha et rectifia la tail le. Le baron le toisa sévèrement et lâcha: «Alors! Vous ne pouvez pas surveiller vos hommes? C e n’est pas parce que le travail est en retard qu’il faut le saboter. Vous s avez bien, pourtant, que la taille engage l’avenir de la souche. Qui a fait cette rangée?» Théophile Cambon se tenait sur ses gardes. Ces dern iers mois, il avait eu de graves problèmes personnels et son travail s’en ressentait . À cause de cela, il se rendait compte que le baron lui cherchait querelle à la moi ndre occasion. Il se tourna vers les trois hommes courbés en deux qui, un peu plus loin, semblaient très appliqués à leur besogne. Évitant de lever la tête et faisant à nouv eau face au baron, il dit tranquillement: «tif.C’est un accident, je ferai des remontrances au fau » Le maître dévisageait le païre de ses petits yeux p erçants: «Je vous ai demandé un nom.» Cambon se crispa légèrement et répéta: «Soyez sans crainte, monsieur le baron. Après ma jo urnée, je repasserai dans la vigne pour… Vous refusez de me donner ce nom! Bref, je ne peux plus compter sur vous… Je
viens d’En-Rivière; le travail est en retard d’au m oins quinze jours à cause de vos absences répétées et aujourd’hui, vous ne surveille z pas correctement vos hommes tout en voulant les protéger!» Hautain et glacial, le baron avait haussé le ton. «Vous savez bien pourquoi j’ai été absent… Je le sais! N’empêche que maintenant, je vais être obligé d’embaucher des saisonniers pour rattraper le temps perdu…» Cambon courba la tête: «uver à mon travail…Les jours que j’ai manqués, j’aurais préféré me tro » Le baron s’agita et dit d’une voix grinçante: «Je veux bien l’admettre, mais je dois veiller au bo n fonctionnement du domaine.» Guilhaume de LaRoque hésita un peu: «Je me demande… Je me demande ce qui me retient de changer de païre…» ajouta-t-il. Cambon était devenu d’une pâleur extrême. «Vous n’avez pas le droit! Surtout maintenant…» Le baron le toisa: «J’ai tous les droits en ce qui vous concerne, puis que c’est moi qui vous loge et qui vous paye, votre famille et vous-même. Alors, si je ne suis pas satisfait de vos services…» Il ajouta, l’air exaspéré: «Bon, la discussion est terminée, vous pouvez retourner à votre travail.» Cambon ne bougea pas. Une sourde colère enflait en lui, le submergeait et son souffle devenait court. Il avait envie d’étrangler ce maître qui venait de l’humilier devant les domestiques et qui le traitait comme un esclave alors qu’il se trouvait dans une situation dramatique. Pris d’un vertige soudain, il avança d’un pas: «Cambon!» Le nom avait claqué tandis que le baron fixait son païre d’un regard dur. Inquiets, les domestiques avaient cessé le travail pour se rappro cher, prêts à intervenir. Les deux hommes se défièrent du regard pendant d’interminabl es secondes, mais Théophile songea à Valérie, sa femme, à ses enfants, à Noémie surtout, en train de lutter dans son lit contre une terrible maladie. Il respira pro fondément pour calmer les battements de son cœur, fit demi-tour et se dirigea vers les d omestiques. «Théophile, Théophile!» Ils se tournèrent tous vers la route. Vincent, un g arçon d’une vingtaine d’années, arrivait à vélo, pédalant à toute vitesse. C’était le fils de Marie, la cuisinière du château. Normalement, il travaillait avec les ouvriers mais, ce jour-là, la baronne lui avait demandé de rester au domaine pour rentrer le bois q u’elle s’était fait livrer. Il avait abandonné sa bicyclette contre un chêne et accourai t à toutes jambes. «Théophile, Théophile…» Tétanisé, Cambon fixait Vincent qui s’approchait. «Valérie vous réclame… Noémie ne va pas bien… Elle m’a dit de venir vous prévenir avant d’aller chercher le docteur à Saint-Bauzille…» Il avait parlé d’un trait, sans reprendre son souff le, les joues rougies par le froid et la course qu’il venait de faire. Cambon respirait mal, tenaillé par l’angoisse. Il semblait ne pas avoir entendu. «Théophile, Valérie…» murmura-t-il.
Soudain il cria, à l’adresse du garçon: «Va, et pédale fort!…» Cambon avait enfin réagi et courait déjà à travers les rangées. Le baron eut un mouvement d’humeur. Il s’approcha des domestiques q ui s’étaient remis à leur besogne. «Portalier, dit-il d’une voix cassante, vous ferez une heure de plus, ce soir. Il faut compenser…» Un homme entre deux âges, lourd et massif, se redre ssa à peine et dit, en hochant la tête: «Bien, monsieur le baron.» Guilhaume de LaRoque ne l’entendit pas. Gesticulant , il s’éloignait rapidement de sa démarche saccadée vers la jardinière sous le reg ard des hommes. Dès qu’il se fut suffisamment éloigné, Portalier lâcha hargneusement: «Martin, si ce salaud renvoie Théophile, j’irai mou charder aux maquisards qu’il vend son vin aux Allemands. S’ils viennent le noyer dans un foudre, il l’aura bien mérité. Je t’assure que je le ferai, Martin!» Comme perdu dans ses pensées, son compagnon restait silencieux, continuant son travail. Portalier s’emporta: «Alors! Tu fais le muet, comme d’habitude. Tu t’en fous?» Martin arrêta de tailler et fixa son compagnon. Il dit gravement, en hochant la tête: «Si tu fais ça, il l’aura bien mérité! Mais je pens ais à la baronne. Tu sais que je lui dois tout. Si ça ne m’embêtait pas pour elle, je t’ accompagnerais volontiers…» Puis il se pencha sur sa souche et reprit son trava il.
1.Jardinière: régionalisme, voiture à cheval légère et à deux places. 2.Gobelet: taille à quatre bras qui a pour but de limiter la végétation de la souche. Elle est liée à l’aridité du sol et à la sécheresse du climat. 3.Païre: fermier, responsable des domestiques et qui travaillait comme eux. 4.2.Les domestiques de culture étaient les employés de maison au service d’un cultivateur, qu’il fut propriétaire, métayer ou fermier. En Languedoc, on les appelait les baylets, c’est-à-dire les valets, personne au service d’un maître. C’étaient des gens des villages ou des alentours, sans bien personnel, souvent illettrés, ou encore enfants de l’assistance publique. Ils étaient donc prolétaires au sens étymologique du terme: qui n’a que sa descendance pour seul bien. 5.sa femme. Un contrat lui donnait l’obligation, contre une rémunération négociée, Maïre: d’assurer la nourriture et la lessive des domestiques.
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