Or Méduse médite...
251 pages
Français

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Description

Vingt-huit siècles que Méduse anime mythes et arts, puis la biologie, enfin la psychanalyse. Pourquoi l'intelligence de Méduse n'a-t-elle pas été étudiée ? L'enquête tombe sur de nombreux cadavres de femmes plus ou moins camouflés. On découvre Athéna en monstre stérile et assassin, serve et complice de son père-frère Zeus, instaurant son règne sur une série de matricides… les mathématiques, la littérature et la psychanalyse sont convoquées pour commencer d'ouvrir le mythe de Méduse.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2013
Nombre de lectures 79
EAN13 9782336662107
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright

© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-66210-7
Titre
Michèle Bompard-Porte Daniel Bennequin Christian Michel
Or Méduse médite…
Vagabondages parmi la mythologie grecque
Les femmes – L’intelligence – Les monstres
E SPACES THÉORIQUES
Collection dirigée par Michèle Bertrand
Partout où le réel est donné à penser, les sciences de l’homme et de la société affûtent inlassablement outils méthodologiques et modèles théoriques. Pas de savoir sans construction qui l’organise, pas de construction qui n’ait sans cesse à mettre à l’épreuve sa validité. La réflexion théorique est ainsi un moment nécessaire à chacun de ces savoirs. Mais par ailleurs, leur spécialisation croissante les rend de plus en plus étrangers les uns aux autres. Or certaines questions se situent au confluent de plusieurs d’entre eux. Ces questions ne sauraient être traitées par simple juxtaposition d’études relevant de champs théoriques distincts, mais par une articulation rigoureuse et argumentée, ce qui implique la pratique accomplie, chez un auteur, de deux ou plusieurs disciplines. La collection Espaces théoriques a donc une orientation épistémologique. Elle propose des ouvrages qui renouvellent le champ d’un savoir en y mettant à l’épreuve des modèles validés dans d’autres disciplines, parfois éloignées, aussi bien dans le domaine des SHS, que dans celui de la biologie, des mathématiques, ou de la philosophie.
Déjà parus
Valérie BOUCHERAT-HUE , Handicap psychique et handicap somatopsychique, 2012.
Monique DECHAUX-FERBUS , La psychothérapie psychanalytique corporelle, 2011.
Michèle BOMPARD-PORTE, Si je t’oublie, ô Babylone…, 2009.
Christian JOUVENOT , La folie de Marguerite. Marguerite Duras et sa mère, 2008.
Claude de TYCHEY (sous la dir.), La prévention des dépressions, 2004.
Pierre Loïc PACAUT, Un culte d’exhumation des morts à Madagascar : le Famadihana. Anthropologie psychanalytique, 2003.
Michèle PORTE (sous la direction de), Les Traumas psychiques, 2003.
Introduction
Par hasard, mais le hasard a peut-être bon dos, l’auteur a rencontré un jour cette détermination de Méduse, dans le dictionnaire Robert historique.
Le nom de Medousa est le participe présent féminin de medein « songer, être préoccupé » qui se rattache à la racine indoeuropéenne ° med (-> médecin, méditer, mode, etc.). Elle est donc proprement « celle qui médite »[…].
En pays psychanalytique, on n’est pas sans connaître Méduse. Freud lui a consacré une note en 1922, publiée après sa mort, qui jouit d’une certaine notoriété. Il interprète en effet la tête de Méduse comme la figuration de l’épouvante éprouvée par un jeune garçon lorsque ce dernier voit le sexe d’une femme, fondamentalement celui de sa mère, et qu’il se met à croire à la réalité de la castration. Freud interprète aussi le regard de Méduse qui pétrifie. Mais, de méditation, point.
Ainsi, l’auteur partit en quête de traces de la méditation de Méduse. Rien ! absolument rien. Ni chez les psychanalystes, ni chez les hellénistes, ni dans la littérature générale 1 .
Seuls certains peintres et sculpteurs semblaient avoir entendu que Méduse méditait. L’auteur se rappelait la splendeur de la Méduse du Bernin, à Rome ; moins nettement, l’élégance du Persée, de Cellini, et le puissant vert entourant la Tête deMéduse du Caravage, à Florence. Un travail de Jean Clair 2 fournit d’autres représentations, dont un visage féminin sublimement méditatif, une pâte de verre datée 1 er -2 e siècle ap. J.-C 3 . Une recherche iconographique plus poussée permit de constater que la diversité avait régné dans la représentation de Méduse et des Gorgones. Même si la méditation était une attitude rarissime, les peintres sur vases et autres créateurs de gorgonéions s’étaient d’emblée interrogés sur le statut de ces héroïnes 4 .
Pourquoi, alors, le silence de celles et ceux qui ont pris la plume ? D’ailleurs, pourquoi couper la tête d’une femme qui médite ? Et qu’est-ce que cette vulve méditative ? A défaut qu’un travail ait eu lieu, et vu l’étendue de l’influence grecque dans notre culture – n’appelons-nous pas « méduses » ces animaux marins peu appréciés d’ordinaire, dont le nom est emprunté à la figure légendaire ? – il était loisible d’imaginer, du point de vue psychanalytique, que l’on continuait de couper des têtes de femmes méditatives, de nos jours comme dans les vieux mythes, sans même le savoir, ni s’en rendre compte – Femmes savantes, « bas-bleus » et autres épisodes de la vie personnelle venaient à l’esprit.
Tel fut le point de départ.
Mais, comment travailler ? devant un mur de refoulement et/ ou déni et/ou rejet – impossible de décider à première vue quelles défenses opéraient. Au reste, nulle demande, sauf la nôtre. Publier un bref article, susciter peut-être réactions et travaux semblaient une voie raisonnable dans laquelle on crut avancer.
Or, non seulement Méduse médite, mais elle insiste. Sitôt le travail entrepris, il apparut qu’en Méduse s’emmêlaient un grand nombre de mythes, outre les serpents de sa chevelure. Ainsi, le bref article s’accroissait, comme par une nécessité interne, au fur et à mesure que de nouveaux liens se découvraient. Non que l’on cherchât l’érudition, au contraire. Par principe, il s’agissait d’utiliser les sources le plus communes et usuelles, puisque Méduse importait en tant qu’elle opérait encore dans notre culture 5 . D’où l’emploi systématique d’usuels de bonne réputation, outre les dictionnaires classiques de français et de grec, les dictionnaires étymologiques, les ouvrages ou articles aisément accessibles d’hellénistes reconnus, et les grands classiques, Homère, Hésiode, Ovide, pour l’essentiel.
Plus on avançait, plus la situation s’obscurcissait. Par exemple, les motifs de Persée décapitant Méduse demeuraient énigmatiques, autant que le provisoire rétablissement du bon ordre parmi les cités d’Argolide, après cet exploit.
Il fallut élargir l’espace des investigations. Cela prit des allures de cure analytique, en un sens. Systèmes lignagers à construire ; cadavres à retrouver, bien camouflés, comme les Danaïdes, ou exposés façon « lettre volée » comme Métis avalée par Zeus et l’Égide. Cela tournait roman policier ! Quelle répétition entre ravalement de Métis par Zeus et la décapitation de Méduse par Persée ? L’une est l’intelligence déifiée, l’autre celle qui médite ; toutes deux de lignage océanien, c’est-à-dire pré-olympien.
Quelques lueurs ont point. Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant avaient dès longtemps montré que les attributs majeurs de la souveraineté, selon la mythologie olympienne classique, étaient l’intelligence – la métis –, et la fulgurance du regard 6 . Si la souveraineté était l’apanage de Zeus, encore fallait-il que les autres détenteurs des attributs souverains eussent disparu ou fussent soumis. Et parmi ces détenteurs, les détentrices.
Un semblant d’intelligibilité a paru. Dans la multitude des strates extraordinairement enchevêtrées que les mythes grecs classiques présentent, des façons d’orientation se dessinèrent, entre autres, par comparaison avec la mythologie mésopotamienne 7 . L’existence d’un dieu souverain incontesté, Zeus, c’est-à-dire, du point de vue de la psychologie collective, une dynamique horde prévalente dans la mythologie, résultait sans doute de processus de désymbolisation 8 , comme l’apparition du dieu souverain Marduk, dans l’univers des mythes mésopotamiens. Pareille dégringolade symbolique implique que l’altérité des sexes ne soit plus reconnue. Dans la mythologie mésopotamienne, il était aisé de suivre les transformations progressives, depuis une communauté de dieux poliades des deux sexes dont les échanges étaient égalitaires, jusqu’à l’apparition du dieu souverain, corrélative de la complète disparition des déesses. La mymologie grecque était plus compliquée, néanmoins, il conv

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