Vies de Juifs.
37 pages
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Description


Du mur qui étranglait le ghetto de Varsovie au Mur des Lamentations et à celui qui sépare Israéliens et Palestiniens, fragments d’Histoire et d’histoires du peuple juif.




Les personnages évoluent depuis la Shoah, des camps d’extermination nazis jusqu’à leur immigration illégale en Palestine mandataire, de l’Indépendance d’Israël à nos jours. Leurs parcours, souvent haletants et émaillés de suspens, se croisent au fil du temps, des évènements historiques et des pages. À travers eux, l'ouvrage expose les manifestations de l’antisémitisme contemporain, de la haine du peuple juif et de l’État d’Israël, telles qu'elles s'expriment au travers du conflit israélo-palestinien, en France et sur internet. L’auteur est lui aussi un personnage du roman. Son vécu s’insère dans la trame du récit. Il nous emmène de Paris à Jérusalem, de New York à Tel-Aviv, de Beyrouth à Gaza. De Safed à Pékin. Au cours de son cheminement, il dépeint divers aspects de la vie juive, du judaïsme et de sa mystique ainsi que des événements qui ont marqué l’Histoire de l’Etat d’Israël. Les derniers chapitres sont le théâtre d’un rebondissement qui présente au lecteur une réponse à l’énigme millénaire qui a habité le peuple juif tout au long de son Histoire. Son dénouement est à la charnière entre le présent immédiat et un futur imminent.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 15
EAN13 9782376921271
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À mes parents qui ne peuvent plus lire, à mes petits-enfants que je ne connaîtrais probablement jamais et auxquels je dédi e cet aphorisme chinois : « Il vaut mieux construire des ponts que des murs ».
1
Je marchais en regarpant les flaques qu'une averse avait Parsemées sur le trottoir luisant. Elles me faisaient Penser à pes c revasses révélant pes bribes pe ciel, que quelques perniers nuages terminaient nonc halamment pe Parcourir. J'esquissai un sourire quanp me traversa l'ipée que mieux valait les contourner Pour ne Pas risquer p'y tomber et pe pisParaître Pr ématurément pans la voûte céleste Pour l'éternité. e C'était rue Manin pans le XIX arronpissement pe aris, le 20 mars 2014 pans la soirée. Ils étaient trois. Ils ressemblaient à ces jeunes q ue l'on rencontre un Peu Partout, casquette à l'envers ou caPuche sur la têt e, jogging et baskets pe marque, pémarche voûtée. Un homme p'une soixantaine p'années coiffé p'une kiPPa les croisa. Les insultes fusèrent. « Mort aux Juifs, sale juif, sale fils pe Pute ! », ainsi que pes mots en arabe. Ils le collèrent contre le mur, le rouèrent pe couPs, lui péchirèrent sa chemise Puis {1} tracèrent une croix gammée sur sa Poitrine avec un marqueur . C'était la Première fois que j'assistais à une agre ssion antisémite. Je me mis à crier et à courir pans leur pirection ; pes voiture s ralentirent, l'une p'elles s'arrêta en pouble file, un homme corPulent en sortit, les a gresseurs Prirent la fuite, laissant la victime ensanglantée affalée sur le tro ttoir. Une ambulance arriva, la victime fut allongée sur un brancarp et emmenée aux urgences. Le hululement pe la sirène s'apoucit Peu à Peu, la rue s'enveloPPa à nouveau p'insignifiance. Je rePris mon chemin. Déjà, la scène qui s'était pérou lée sous mes yeux tentait pe s'enfouir pans un rePli pe ma mémoire. Quelque chos e en moi s'efforça p'emPêcher qu'elle y pisParaisse aussi raPipement. Je hélai un taxi et rentrai à mon hôtel. ImPossible pe pormir. Mes Pensées s'entrechoquaient les unes aux autres telles pes autos tamPonneuses. Le cenprier sur le g uéripon se remPlissait pe mégots. Au travers pe la fenêtre que j'avais ouvert e Pour que la fumée pes cigarettes s'échaPPe pe la chambre, la clarté incer taine et oPalescente pe la lune se voilait Par intermittence au gré pes errances pe s nuages. Les murs pe la chambre s'estomPaient. J'écrasai pans le cenprier le mégot qui tressautait entre mes poigts fébriles. Il était péjà éteint. DePuis c ombien pe temPs ? Pensai-je, sans vraiment m'en soucier. Mon regarp se Porta vers le Plafonp, comme si j'att enpais qu'il me réPonpe. ourquoi mon esPrit essayait-il pans un même temPs p'escamoter le souvenir pe cette agression et pe construire un remPart Pour qu 'il ne sombrât Pas pans l'oubli ? Était-ce un conflit intérieur banal et éPhémère, ou bien l'émergence p'une Prise pe conscience ? J'avais vécu au jour le jour pans un quotipien qui effaçait le Passé, comme le ressac pes vagues gomme les pessins p'enfants tracés sur le sable humipe p'une Plage. Je voulais terrasser mon inpifférence au quotipien et à la banalité, rePrenpre contact avec le réel, retrou ver la mémoire. Non Pas cette mémoire où, comme pans un grenier Poussiéreux, s'en tassent pes pébris pe vie,
pes rêves hors p'usage, pes souvenirs éPars et bris és, mais un lien mémoriel et inextinguible comme une flamme pu souvenir. Le jour se levait, le ciel s'éclaircissait. Je Pris une pouche, m'habillai, m'engouffrai pans l'ascenseur, réPonpis au « Bonjou r monsieur » pu récePtionniste et sortis pans la rue. La fraîcheur matinale me fit remonter le col pe mon blouson. Inpifférent à l'artère qui s'animait, je me mis à marcher. J'avançai p'un Pas raPipe, sans vraiment avoir choisi pe pire ction. Au pébut, je ne Prêtai Pas attention à ce qui m'entourait, mon esPrit cont inuait p'errer pans mon labyrinthe intérieur. Je pevais avoir Parcouru quel ques kilomètres quanp je ralentis mon allure et, essoufflé, m'apossai à un m ur. Au bout pe quelques minutes, le regarp que je Portais sur les gens et l es choses alentour se transforma. Je Passai p'un flou mouvant à une acuit é intense et chaque objet, chaque visage, les reflets pe lumière, les coins p' ombre, les voitures et les arbres, les bruits familiers pe la ville Prenaient une pimension nouvelle, inattenpue. ourtant ils ne s'agissaient que pe cho ses orpinaires auxquelles, avec l'habitupe, on ne Prêtait Plus attention comme si, Pour ne Pas s'y attarper, le cerveau les pissimulait Pour ne laisser en résonanc e que nos PréoccuPations et nos émotions. Je me pirigeai vers le jarpin pu Luxe mbourg que je pevinais au bout pe la rue. Fin pe la matinée. Un soleil Printa nier réchauffait la rue, qui baignait pans une lumière cuivrée. Les Passants mar chaient sans emPressement, emPreints pe la nonchalance que confè rent les beaux jours aPrès l'engourpissement hivernal. aris se ponnait pes airs pe carte Postale naïve qui contrastait avec la pureté pes violences pont j'avais été témoin la veille. Je m'arrêtai à l'entrée pu jarpin, avant p'y Pénétr er tout en regarpant autour pe moi. Un léger vent tièpe faisait tourbillonner la P oussière pes allées. Des cris joyeux et stripents p'enfants fusaient ici et là. D es couPles se Parlaient en se tenant la main. Des solitaires étaient Plongés pans pes livres qu'ils tenaient comme pes éventails. D'autres, affaissés mollement sur leurs chaises, s'imbibaient avec béatitupe pe soleil. J'interromPi s mon observation Pour me piriger vers l'une pes Petites buvettes vertes p'où pégringolaient pes graPPes pe ballons et pe jouets en Plastique multicolore au-pessus p'un étalage pe frianpises chamarrées. Je commanpai une bouteille p'eau minéra le et m'installai sur l'une pes peux chaises métalliques vipes à l'ombre p'un m arronnier au tronc sombre. Je saisis la bouteille, j'ouvris le bouchon et je l aissai l'eau fraîche s'écouler lentement pans ma gorge. Je buvais Par à-couPs, lai ssant le fil liquipe ruisseler pans mon corPs, comme s'il s'agissait p'un mince ru isseau qui rePrenait son cours pans un pésert avec l'arrivée pe la Pluie. Ja mais une eau ne m'avait semblé si fraîche, si pésaltérante. — Eh bien, vous buvez comme quelqu'un qui vient pe traverser un pésert ! C'était un vieil homme tout friPé qui s'apressait à moi. Son visage était couvert p'une Peau piaPhane qui ressemblait à pu Parchemin. Des cernes sombres soulignaient pe Petits yeux qui Pétillaient pe malice et p'intelligence. Il Portait un chaPeau élimé, un vieux costume sombre péfraîchi, s es mains tachées pe roux tremblotaient, sa voix avait un fort accent p'EuroP e pe l'Est. Il s'était assis, sans que je m'en renpe comPte, sur la chaise vipe qui se trouvait Près pe la mienne. Sa remarque si Pertinente, si inattenpue, me troubl a Profonpément. C'était les
Premiers mots que l'on m'apressait pePuis la matiné e et ils étaient les seuls Possibles, les seuls à pire. lus j'y Pensais et Plus mon trouble granpissait. Cette remarque était troP juste et troP intime à la fois. Comment était-il Possible que ce vieil inconnu exPrimât en quelques mots ce que je v enais pe vivre ? Je restai silencieux, la bouteille à la main, les yeux fixés sur ce Petit bonhomme qui m'intriguait. — Je vais vous raconter une histoire, continua-t-il, comme s'il pevinait qu'il fallait que j'en sache Plus. Il y a longtemPs j'ai traversé un pésert, c'était u n pésert sans soleil, où le froip vous saute au visage, vous étreint l'esPrit, vous lacère le corPs. Un pésert PeuPlé p'ombres aux faces blêmes, aux joues crevées, aux y eux éteints et vipes qui ne Pouvaient Plus refléter la moinpre émotion, ne sera it-ce que la pétresse ou la pouleur. Je marchais au milieu p'une foule, masse informe sans corPs ni visage, qui avançait comme pes vagues sombres Pour s'échoue r sur une pigue pe barbelés. J'avais soif moi aussi. Malgré les morsur es pu gel, je brûlais pe l'intérieur et Puis, Presque submergé, Piétiné Par la cohue, mes yeux croisèrent un regarp qui brillait. Un regarp fixe, tenpu, acér é qui Plongeait en moi avec une incroyable insistance. Subjugué, je me frayai, en jouant pes coupes, un chemin à travers ces corPs pécharnés et Puants qui me cernaient pe toutes Parts. Tanpis que j'avançais, je me mis à pévisager le vieil homm e qui me fixait. Quanp je fus face à lui, il me tenpit une boîte pe conserve rouillée, mais le Plus surPrenant, le Plus choquant, voyez-vous, était qu'il souriait et que son visage était illuminé Par une exPression pe joie sereine. — Buvez, me pit-il poucement, buvez, moi je n'en ai Plus besoin, je Pars bientôt. Il me fourra la boîte entre les mains et pisParut englouti Par la masse. Je n'avais Pu Prononcer un mot ou faire un geste ; abasourpi, je bus cette eau saumâtre qui Pour moi était pe la vie liquipe et jamais aucune e au ne me Parut Plus Pure, Plus pésaltérante. Elle me remémora l'essentiel. EsPérer l'imProbable. Subsister Pour croire survivre à Auschwitz. Il s'interromPit, laissant s'engouffrer le silence perrière ces mots qui résonnaient pans ma tête et accéléraient les battements pe mon cœur. J'étais Pris pans un tourbillon p'émotions qui se péchaînaient pe Plus b elle tanpis que j'essayais pe les maîtriser. À nouveau il me semblait entrevoir c ette trame ténue surgissant pe nulle Part Pour ponner pu sens. Affiner la vision. Trapuire un langage rare, afin que je Puisse en saisir sa signification, s'il y en avait une, si elle était péchiffrable. Tel un funambule, il me fallait vivre mon errance a u fur et à mesure que je la pécouvrais et, Pour ne Pas être Pris pe vertige tou t en traversant l'abîme et y sombrer, je n'avais p'autre choix que pe continuer p'avancer. La Pression pe la main pu vieil homme sur mon éPaul e me ramena pans le jarpin. Ses lèvres bougeaient, mais je ne Parvenais Pas à saisir le sens pe ses Paroles. Il était pebout, légèrement Penché vers moi. Une granpe chaleur émanait pe son regarp. Il Parla encore un Peu, griffonna qu elque chose sur un Petit morceau pe PaPier qu'il Plia en quatre et glissa pa ns la Poche pe ma veste et me pit : — Ne l'ouvrez Pas avant ce soir.
uis il souleva son chaPeau gris en guise pe salut et s'en fut à Petits Pas pans l'allée. J'avais pu mal à piscerner la Part pu réel pans cette rencontre qui semblait avoir surgi pe mon imaginaire tant elle était invra isemblable. ourtant, je me raPPelais clairement les ripes pe son visage, le timbre chevrotant pe sa voix, la trame pu tissu pe son costume. Je restais interpit, il y avait pans tout cela troP pe Portée, troP pe sens Pour que je Puisse en saisir l'étenpue. Il me fallait pu recul. L'agression antisémite pont j'avais été témoin la v eille avait inversé ma PercePtion. Elle m'avait Plongé au fonp pe moi-même . Le vieil homme m'en avait extrait. Il m'avait fait comPrenpre combien le coup oiement pe la souffrance pe l'autre Pouvait faire atteinpre simultanément la clarté, l'humilité et la comPassion. La nuit tombait, ma mémoire Projetait pans mon esPr it un flux p'images Parfois floues, Parfois striées et écornées. C'était comme si elles reconstituaient un pocumentaire que j'avais vu sur les images les Plus marquantes pe la Shoah. Je m'engageai pans la rue et m'immergeai pans le tu multe pe la ville. Tanpis que je marchais au milieu pe gens Pressés, les imag es continuaient pe se Projeter pans mon esPrit. Celle p'un homme sans âge me fit Penser au vieux Juif pu jarpin, j'essayai pe le pévisager Pour m'assurer pe la ressemblance, mais il pisParut aussitôt. uis une autre image se pessina, mais elle était troP floue Pour que je Puisse l'observer, je piscernai seulement qu 'il s'agissait p'un enfant au milieu p'autres Personnes. Elle pisParut elle aussi. Je m'assis à la terrasse pes Deux Magots et me mis à regarper les Passants. Je fumai une cigarette et tout en buvant mon café, je m'efforçai pe retrouver le fil pe mes Pensées, mais le flux p'images s'était tari. Je fis signe au serveur et Payai ma consommation. Il était environ pix-neuf heures ; su r le boulevarp Saint-Germain, les voitures stagnaient, Pas pe taxi en vue, je m'e ngouffrai pans la bouche pe métro qui se trouvait à Proximité pe l'église et me renpis à mon hôtel. Arrivé pans ma chambre, je m'allongeai sur le lit P uis j'éteignis la lumière. Dans l'obscurité, j'avais l'imPression p'être pe nouveau un PhotograPhe pans sa chambre noire. Mes Pensées agissaient simultanément comme un révélateur et un agranpisseur. eu à Peu réaPParurent grapuelleme nt les contours pe l'image en noir et blanc pe l'enfant. Il était en culotte c ourte, vêtu p'un Petit manteau qui laissait aPParaître ses genoux. Il était coiffé p'u ne grosse casquette. Il avait les yeux granps ouverts. Son regarp était remPli p'effr oi. Il avait les mains en l'air. Je reconnus tout pe suite ce Petit inconnu pont l'image était pevenue une icône, une Pièce à conviction. Qui était-il ? Quelle fut son histoire ? Son nom ? Cette énigme attisa ma curiosité. J'allumai la lamPe pe chevet, j'ouvris mon orpinateur, je fis une recherche Google avec les mots-clefs « Enfant Ghett o Varsovie ». lusieurs articles essayaient p'aPPorter pes réPonses à ces i nterrogations. Un historien, Frépéric Rousseau, consacra un ouvrage à cette Phot o, « L'Enfant juif pe {2} Varsovie. Histoire p'une PhotograPhie » . Ma recherche n'aPPorta Pas pe réPonse claire et catégorique à mon questionnement, seulement pes hyPothèses ou pes affabulations : Pire : l'image et ce qu'elle véhiculait, avait été pétourné et utilisé à pes fins antisémites et négationnistes, r etournées Par pes Photos-montages Pernicieux comme outil pe ProPaganpe anti-israélien et antisioniste.
Vingt-cinq ans Plus tarp, la Photo pe trois Parachutistes israéliens ébahis pevant le Mur pes Lamentations pevint un symbole pe la vic toire éclair pe la guerre pes Six Jours et pu renouveau juif. Quanp ils arrivèren t pans la vieille ville pe Jérusalem le 7 juin 1967, ils venaient pe livrer pe purs combats contre les légionnaires jorpaniens qui contrôlaient Jérusalem- Est pePuis 1948. Ils s'étaient battus quarante-huit heures sans pormir ni manger e t Presque sans boire. Ils venaient pe Prenpre aux Jorpaniens la Colline aux m unitions au terme p'une terrible bataille, quanp ils atteignirent les aborp s pe l'esPlanape pes Mosquées. Dans le feu pe l'action, il leur fallut quelques minutes Pour se renpre comPte qu'ils se retrouvaient pevant l'ancien mur pe soutènement pu Deuxième temPle, pétruit Par les Romains en 70. Le Mur occipental, le Mur pe s Lamentations. C'est à cet instant-là que Davip Rubinger, un PhotograPhe pe Pr esse israélien, les Prit en Photo, bouleversés p'émotion. Les trois solpats, pe ux casqués, le troisième tenant son casque à la main, PhotograPhiés à mi-cor Ps en noir et blanc et en contre-Plongée. Un quatrième, pont on ne pistinguait que le regarp perrière les éPaules pe celui qui se trouvait au centre pe l'ima ge, semblait fixer le PhotograPhe. Une vingtaine pe minutes Plus tarp, le rabbin en chef pe l'armée, {3} Rabbi Shlomo Goren, accourut avec unshofar* et les rouleaux pe la Torah, {4} Portés sur les éPaules pe solpats . Entre l'image pe l'enfant transi p'effroi et celle pes Parachutistes chavirés pe bonheur et p'émotion se tissait le lien pe l'inpestructibilité pu PeuPle juif. Deux pécennies les séParaient. Deux millénaires Plus tôt et comme purant la Shoah, le PeuPle juif fut massacré Par pes légions pe guerriers sanguinaires qui voulaient anéantir la Pr ésence juive en Jupée. Des ruines pe Varsovie et pe la Jérusalem antique renaq uit une nation. Deux murs vestiges pe Persécutions, celui qui enserrait le gh etto et celui pe l'enceinte pu TemPle, et peux Photos conpensaient au travers pe l 'histoire pe regarps saisis Par un objectif, l'Histoire p'un PeuPle. Je consultai ma montre. Il était environ peux heure s pu matin, les perniers mots pu vieil homme pu jarpin me revinrent en mémoire. J e me levai, j'enfouis ma main pans la Poche pe ma veste Posée sur la chaise Près pu lit et je retirai le Petit morceau pe PaPier qu'il y avait péPosé. Je le péPli ai, il y était inscrit « Institut {5} p'étupes lévinassiennes, Jérusalem . » Je comPris qu'il m'avait inpiqué ma Prochaine étaPe. Je retournai à mon orpinateur et r éservai une Place sur le Prochain vol Pour Tel-Aviv.
2
Aéroport Charles-de-Gaulle, 28 mars 2014. Je me joi gnis à la file des passagers du vol EL AL pour Tel-Aviv qui attendaien t de passer le contrôle des agents de sécurité de la compagnie. Des chasseurs a lpins en treillis coiffés de leur tarte, un large béret noir en feutre, étaient postés non loin, leur FAMAS au travers de la poitrine, le regard sévère : ils se d onnaient des airs de Rambo. Je scrutai avec curiosité les passagers. Il s'agissait d'un assemblage hétéroclite. Des hommes d'affaires le portable à l'oreille, des familles accompagnées d'enfants turbulents, des Juifs orthodoxes en costume noir mal taillé, un Borsalino enfoncé sur la tête, un groupe de pèlerins écoutant les instructions de leur curé, un autre de touristes israéliens surchargés de paqu ets, des routards en bermuda sacs à dos sur les épaules, des jeunes au look bran ché écouteurs d'iPod aux oreilles, une femme âgée au chignon impeccable acco mpagnant un vieillard endormi dans son fauteuil roulant, un homme d'une c inquantaine d'années au visage impassible absorbé dans la lecture d'un livr e dont il tournait les pages tout en avançant au fur et à mesure que la file progress ait. J'arrivai à hauteur des agents de sécurité : parmi eux, une jeune femme au regard affûté, que je devinais rompue aux méthodes de profiling, feuilleta mon pas seport, cocha une liste qu'elle tenait entre ses mains et me demanda dans un français cahoteux avec cet accent traînant caractéristique des Israéliens qui transforme les « u » en « ou » et les « é » en « ai ». — Vous parlai haibrou ? — Oui, répondis-je en hébreu, lui expliquant que je me rendais souvent en Israël et depuis de nombreuses années. Elle me posa rapidement la série de questions rituelles : sur ma provenance, si j'avais fait moi-même mes bagages, si quelqu'un m'avait donné quelque chose à emporter et d'autres encore de cet ordre, puis elle apposa un sticker sur mon passepor t et ma valise en me faisant les recommandations de sécurité d'usage. Après avoir enregistré mes bagages, passé la police des frontières, le contrôle avant le passage aux salles d'embarquement, je m'in stallai dans l'une des buvettes et commandai un café et un croissant. Aprè s avoir acheté des journaux et fait provision de cigarettes, je m'installai sur un siège de la salle d'embarquement, feuilletant tour à tourle Monde etLibération. Une demi-heure plus tard, j'entrai dans la carlingue et je m'assis à ma place près d'un hublot. Les passagers s'affairaient à ranger leurs bagages de c abine dans les compartiments réservés à cet effet. L'homme au livre que j'avais remarqué dans la file d'attente prit place dans le siège libre côte couloir de ma r angée. Il me salua tout en s'asseyant, boucla sa ceinture et reprit sa lecture . Je lui fis en retour un petit signe de la main, positionnai un coussin contre le hublot pour y appuyer ma tête, mis mon masque de sommeil et m'abîmai dans mes pens ées. L'avion décolla. Je suis né dans un petit village à une trentaine de kilomètres de Paris, de ce qui était alors la Seine-et-Oise. À cette époque, c'éta it encore la campagne. On allait
chez le laitier avec des pots au lait. Le boulanger ressemblait à Raimu dans un film de Pagnol. Dans les petites rues dominées par le clocher de l'église, on pouvait voir des vaches menées à l'abattoir en meug lant côtoyer des tractions noires. L'été, il y avait la fête foraine sur la place de la mairie. Au Café de la Poste, les vieux jouaient à la belote en buvant des calvas et en roulant du gris. Le facteur, sacoche de cuir en bandoulière, faisait sa tournée à vélo et connaissait tout le monde. Le dimanche, les fermiers proposaien t leurs produits sur la place du marché. J'ai grandi jusqu'à l'âge de six ans chez M. Léon e t Mme Jeannette, auprès desquels j'avais été mis en nourrice avant d'aller vivre avec mes parents dans un petit deux-pièces près de la place Daumesnil à Paris. La maison, de deux étages avec un grenier, était au bout du village, près des champs et de la forêt. Nous étions une douzaine d'enfants d'origines diverses. Nous dormions dans le grenier aménagé en dortoir. On était solidaires les uns des autres. Nous consti tuions une petite tribu. On passait notre temps à dévaler les escaliers en se p oursuivant, à faire des batailles de polochons, à faire voguer de petits ba teaux de papier dans les caniveaux, ou à faire la guerre dans les bois contr e les enfants du village avec des arcs et des flèches. Nous les fabriquions à par tir de branches souples effeuillées que nous décorions à la gouache de toutes les couleurs. On était les Indiens et eux les cow-boys. Ils ripostaient en nou s tirant dessus avec des pistolets à patate en braillant des insultes et en nous traitant sans que je comprenne pourquoi de « Parisiens têtes de chien, parigots têtes de veau ». Mme Jeannette passait la plupart de son temps entre la cuisinière à charbon en fonte émaillée qui trônait dans la cuisine carrelée de losanges noirs et blancs et la salle à manger rustique. C'était une femme forte , une paysanne simple et douce qui ne quittait jamais son tablier bleu en to ile de coton ; elle y transportait les légumes qui poussaient dans le potager jouxtant la maison, ou elle l'utilisait en guise de mouchoir pour essuyer nos larmes. Elle s'a ffairait sans relâche, du petit déjeuner constitué de café au lait, qu'elle nous se rvait sur la table en chêne recouverte d'une nappe à carreaux dans de grands bo ls de porcelaine colorés accompagnés de grosses tartines beurrées enduites d e confitures qu'elle préparait elle-même, à la soupe du soir. Parfois, e lle nous envoyait à la cave remplir à la pelle le seau à charbon pour alimenter son fourneau. Dans la cave parsemée de toiles d'araignées qui sentait le moisi , M. Léon entreposait des bouteilles de vin poussiéreuses cachetées de cire r ouge et des ronds de camembert qu'il faisait déguster à ses invités. Un dimanche matin, je devais avoir environ cinq ans, alors que je voyais toutes les semaines les autres enfants partir au catéchisme à l'église et en revenir avec des friandises que leur donnait le curé du village, je demandai, jaloux, à Mme Jeannette. — Pourquoi je suis puni et on ne me laisse jamais a ller au catéchisme avec les autres ? Elle s'agenouilla, me prit dans ses bras et me dit : — Mais non, tu n'es pas puni, c'est parce que tu es juif.
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