Kigali-sur-Seine
268 pages
Français
268 pages
Français

Description

Janvier 2014. Une jeune prostituée d'origine rwandaise, Manta, est retrouvée dans son studio du 8e arrondissement parisien. Parallèlement, un jeune reporter, Jadot, enquête sur cette mort tragique dans la région des Grands Lacs africains, entre l'Ouganda et le Rwanda. Thriller haletant, Kigali-sur-Seine est aussi une satire des milieux humanitaires et médiatiques qui gravitent sur le continent africain, et un pamphlet contre la guerre de basse intensité que mène la France en Afrique depuis les indépendances.

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Date de parution 02 février 2016
Nombre de lectures 36
EAN13 9782140000614
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Bernard Gervais
Kigali-sur-Seine Roman
Roman
Kigali-sur-Seine
Jean-Bernard GERVAIS
Kigali-sur-Seine
Roman
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-08089-5 EAN : 9782343080895
15 janvier 2014, 10h00, Paris 8e Son corps avait été découvert dans le studio qui lui servait de lupanar, au 7e étage du 31, rue de Suresnes, Paris 8e, en cet hiver moite. Elle était habillée d'une nuisette en soie rose, que zébrait une longue traînée de sang, laquelle prenait racine à sa carotide, et s'épanchait le long de son corps tout entier, entre ses deux seins rehaussés d'implants mammaires, sur son nombril, pour se jeter en son sexe, ouvert comme une rose des sables, tel le Nil se jetant dans son delta. À première vue, elle avait à peine 30 ans ; mais il était difficile pour les policiers français d'estimer avec certitude l'âge de cette Africaine, métissea priori, sur la peau orangée de laquelle le temps semblait glisser comme la pluie sur les plumes d'un palmipède. Elle était allongée sur son futon, la tête pendant nonchalamment à quelques centimètres de la moquette de laine couleur neige. Sous sa nuisette, elle était nue. L'œil scrutateur des policiers pouvait entr'apercevoir entre ses cuisses ouvertes, son sexe, aux grandes lèvres étonnamment longues, au clitoris allongé, tel le pénis d'un jeune garçon, prépubère. Sur la moquette, une inscription, en lettres de sang, tracée semble-t-il par la victime, avec son index : un « 9 », un « 4 », et un mot inachevé, « Rwa ». Sur la table basse qui jouxtait le lit, une bouteille de champagne Heidsieck, à moitié pleine, dans son seau. À ses côtés, deux coupes, dont l'une était renversée. Les rideaux, en taffetas noir, étaient tirés, seule une lampe halogène signée Mathali Crasset diffusait une lumière tamisée, érotique, dans ce studio minuscule, où le mobilier de grand luxe donnait une impression de vastitude. Le miroir Kimball & Young, le sac de voyage Chambon de chez Chanel, la 7
paire de ballerines Louboutin, tout respirait le fric stylé, la féminité de haut vol. Le repaire d'une pute, en somme, réservée aux CSP ++. Les flics avaient été appelés par la voisine de palier de la défunte, elle aussi “escort-girl”. Dans la profession, qui ne s'embarrassait plus de Julot casse-croûte, les filles travaillaient en binôme, afin que chacune assure la sécurité de son alter ego. C'est ainsi que Mamie Mbembé, la voisine, avait entendu Manta Karahamwe, à deux heures, crier à l'aide. Tout embarrassée par un client qui entreprenait de la sodomiser en levrette, elle n'avait pu répondre sur-le-champ aux appels à l'aide de son amie terrorisée. Ce n'est que cinq minutes après avoir entendu les premiers cris, racontait-elle aux policiers dans sonpidgin camerounais, typique des gens de Douala, qu'elle s'était dégagée de l'étreinte de son “papa” pour accourir, trop tard, dans la chambre de sa comparse. Elle vivait encore, au bord de l'agonie, lorsque Mamie s'était penchée sur son visage. Elle respirait fort, comme un asthmatique atteint d'une crise, et, entre deux quintes, Mamie avait cru entendre : “C'est lui, encore lui... ”
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15 janvier 2014, 11h30 Le lieutenant Gabriel Foiret longtemps avait hésité entre la police et le monde de la mode. L'Ordre l'attirait, les froufrous le rendaient fou. À quinze ans, il passait autant de temps dans le dressing de sa mère, à humer ses tenues de soirée, qu'à jouer au foot, ailier droit, un poste en vue, parce que toutes les “meufs” de la classe l'admiraient tacler l'adversaire pour marquer le but qui allait sauver son équipe, l'Association sportive de Bondy, des redoutables OC de Clichy-sous-Bois. Lui, s'il aimait tant le foot, ce n'était certainement pas tant pour ces pouffiasses qui se pavanaient sur les bancs du stade, sous le crachin d'automne ou le soleil boueux du printemps, que pour ses camarades de jeux, cette amitié virile, ces corps-à-corps brutaux sur le terrain, ces douches sensuelles après l'effort. Dans les vestiaires, avant le match, frais et batailleur, après, crotté, qu'il perde ou qu'il gagne, il éprouvait secrètement, pour ses amis, cet émoi qu'il savait interdit, et que personne n'aurait pu lui faire avouer. Le lieutenant Gabriel Foiret était un inverti, non pas honteux, mais bien trop conscient que son inclination naturelle pour le sexe fort n'était pas compatible avec la profession de flic, qu'il aimait par-dessus tout. Il n'en parlait pas, vivait maritalement avec une belle savoyarde, blonde et callipyge, prénommée Julie, qui lui avait fait deux fils, bagarreurs, Tom et Mathieu, huit et treize ans. À quarante-trois ans, Foiret était considéré comme un homme heureux, conforme à ce que l'on pouvait attendre d'un mâle, blanc, gardien de l'ordre établi.
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