L assassin habite au 12
19 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description


L'assassin habite au 12

Stéphane Mauduit, inspecteur de police, demande l'avis de son ancien patron, le commissaire Langsamer, sur une étrange affaire. La baronne Dufaure de Listrac a été retrouvée morte dans son salon, gisant sur un superbe tapis persan... Un meurtre en chambre close digne d'Agatha Christie !





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 mars 2013
Nombre de lectures 16
EAN13 9782823806922
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couverture
Jean-François Pré

L’assassin habite au 12

images

Depuis qu’il était à la retraite, Georges Langsamer vivait à contre-courant. La semaine à Deauville, son lieu de résidence, et le week-end à Paris où il avait gardé un pied-à-terre – une garçonnière, pour faire jeune – du côté de La Muette. L’occasion de se plonger dans ce jacuzzi culturel, désinhibant, des consciences provinciales, tout en échappant aux désagréments du « XXIe arrondissement »… quand la cité normande troquait son exquise coquetterie contre le fard clinquant d’un parisianisme décomplexé.

Ce vendredi soir, à peine eut-il le temps de poser ses pénates que le téléphone sonna.

– Salut Georges, c’est Stéphane.

– Si c’est pour une invitation à dîner, grogna Langsamer, la réponse est oui. Je suis libre ce soir.

Il y eut un blanc sur la ligne, puis Stéphane reprit.

– En fait, euh… ce n’était pas vraiment une invitation à dîner, mais rien ne s’oppose à ce que nous discutions de l’affaire autour d’une bonne bouteille.

– Quelle affaire ?

– Je vous expliquerai à table. 20 heures chez Géraud, ça vous va ?

Stéphane Mauduit avait usé ses fonds d’uniforme au commissariat de Deauville quand Langsamer en était le patron. Pygmalion grincheux mais tendre, celui-ci l’avait poussé vers le diplôme d’inspecteur, puis vers la capitale où l’ascenseur social s’arrêtait à tous les étages.

Géraud sentait bon le terroir, jusque dans les habitudes de ses hôtes. À 20 heures, la salle était déjà comble. On y servait de « l’anti-Champs-Élysées » dans la rue calme d’un quartier astiqué à la bonne conscience judéo-chrétienne. La France qui pense juste, qui se tait et qui mange bien ! Langsamer commanda un lièvre à la Royale, direct.

– Même en saison, le vrai lièvre à la Royale est devenu introuvable ! Oui, mon ami, c’est bien le plus beau plat de la gastronomie gauloise…

– Le plus cher aussi.

– Je m’en fous, c’est toi qui régale, ricana Langsamer. J’ai cru comprendre que ton invitation n’était pas désintéressée… j’en profite !

– Et vous avez raison, approuva Mauduit en le resservant d’un de ces beaujolais de fond de barrique qui n’ont pas le même goût ailleurs. Finissez votre lièvre et nous parlerons boutique !

Langsamer souleva ses lourdes paupières et fixa son vis-à-vis.

– Tu sais quand même, articula-t-il en mâchonnant un bout de râble, que je suis ici en week-end. Normalement, demain après-midi, je fais l’expo Hopper au Grand Palais, demain soir, on joue Cyrano au Français – je ne manquerai ça sous aucun prétexte, même si je connais la tirade du nez par cœur –, et dimanche, je suis invité aux courses à Auteuil.

– Vous avez dit… normalement ?

– À moins que tu aies mieux à me proposer…

– Peut-être que oui.

– Je t’écoute, dit Langsamer en épongeant une larme de chiroubles à la commissure des lèvres.

– Que diriez-vous d’un bon vieux crime, digne de notre mère à tous, cette chère Agatha ?

– J’en dirais que, lundi matin, il faut IM-PÉ-RA-TI-VE-MENT que je sois rentré à Deauville pour ma partie de golf. La partie du lundi, c’est sacré !

– Ça nous laisse quarante-huit heures pour en résoudre l’énigme… c’est plus qu’il n’en faut à un détective de votre classe.

– Détective… j’t’en foutrais du détective… c’est bon pour les Amerloques, ça ! Chez nous, on dit poulet et ça ne se bouffe pas à la Royale. On ne fait pas des tours de magie dans les manoirs écossais en buvant du thé à l’arsenic, mais bon… si t’as besoin d’un coup de main, je suis là. Simplement, dimanche soir, Papy Georgie repart à la retraite !

Mauduit hocha la tête, enveloppant Langsamer d’un regard amusé.

– Georges, vous n’êtes guère convaincant dans le rôle du vieux retraité. D’accord, vous jouez au golf, c’est plus sexy que la pêche à la ligne et plus classy que la pétanque… mais au fond, je vous connais, vous avez toujours les neurones sur le feu.

Mauduit prit un air faussement grave.

– Franchement, Georges, il ne vous met pas un peu l’eau à la bouche, mon p’tit crime façon Agatha ?…

– L’eau à la bouche, sûrement pas, dit Langsamer en vidant la bouteille de Chiroubles.

*

En sortant du restaurant, ils prirent l’avenue Paul-Doumer jusqu’au Trocadéro, puis le tout début de l’avenue Georges-Mandel. Ils se garèrent devant le n° 12. Face au mur imposant du cimetière de Passy.

– Nous voici sur la scène du crime, dit Mauduit en claquant la porte de sa voiture de service. Je vous explique…

Tout en invitant son ancien boss à s’engager sous le porche d’un luxueux immeuble haussmannien, l’inspecteur raconta :

– La baronne Dufaure de Listrac a été trouvée morte hier matin, dans son salon. C’est le gardien qui a découvert le corps, en lui apportant le courrier. Comme chaque jour, à la même heure.

Il salua le concierge en question, devant la porte vitrée de sa loge, et poursuivit :

– Sans l’ombre d’un doute, il s’agit d’un homicide. Coup de poignard bien ciblé sous l’omoplate gauche, mort instantanée. Nous irons ensuite à la morgue où vous pourrez examiner le corps et voir le légiste. Je lui ai demandé de nous attendre. Mais pour l’heure, je voudrais vous montrer l’appartement et la pièce où elle a été tuée.

Dans l’ascenseur, Langsamer apprit que l’immeuble tout entier appartenait à la baronne et qu’elle y vivait seule. Avec le concierge, trois étages plus bas, qui cumulait les rôles de gardien, secrétaire, cuisinier, garçon de courses et homme de ménage. Car la baronne avait banni toute domesticité, même si elle avait largement la place et les moyens de la loger sans empiéter sur son espace vital. Ce n’était pas une question matérielle – Églantine Dufaure de Listrac étant une femme fortunée –, mais plutôt la hantise de savoir une présence étrangère à l’intérieur de son bocal… de se sentir épiée. À cet égard, les quatre appartements inhabités qui encadraient le sien (deux dessous, deux dessus) jouaient parfaitement leur rôle de no man’s land.

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