La rose de verre
59 pages
Français

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Description

Une marquise espagnole a été assassinée, un soir, dans son hôtel particulier, à coups de dague. L’assassin n’a emporté qu’une chose : une rose de verre, gage d’amour du marquis pour sa femme.


Le commissaire MARCASSIN, chargé au départ de l’enquête, ne peut se résoudre à ce que le coupable ne soit toujours pas démasqué. Rares sont pourtant les personnes ayant pu commettre le meurtre et toutes sont à compter dans les proches de la victime.


Mais quand un petit souteneur, sur son lit de mort, s’accuse du crime de la notable, au lieu de penser que l’affaire est close, le policier est désormais assuré qu’elle ne fait que commencer et que la rose de verre en est l’élément primordial. Il lance alors son ami, le détective Gordon PERIWINKLE alias OLD JEEP, sur la piste du bijou...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 7
EAN13 9782373474206
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

OLDJEEP et MARCASSIN - 3 -
LA ROS EDE VERRE
De Marcel PRIOLLET
I
Derrière la caisse qui prolongeait le comptoir où s 'affairaient les serveurs, Tonton-la-Rogne surveillait son monde. Il le survei llait à la façon satisfaite du fermier qui voit sa basse-cour nombreuse et prospère.
Ce soir, en effet, grosse affluence, aubal de la Comète...
C'était, du côté de la Bastille, un bal-musette moins autorisé que toléré et qui réunissait chaque nuit, jusqu'à l'aube, d'authentiq ues représentants de la pègre parisienne. La salle, rectangulaire, était vaste, m ais comme écrasée par un plafond poutre où s'accrochaient des guirlandes mul ticolores.
Une atmosphère d'étuve. Au-dehors, le ciel de juin était lourd d'une menace d'orage. Les couples, pressés les uns contre les au tres, houlaient et se déhanchaient aux sons d'un orchestre composé d'un n ègre trépidant, tour à tour saxophone, flûte ou trompette, d'un timbalier en sm oking jadis blanc et aux contorsions d'épileptique, et d'un jeune accordéoni ste souffreteux qui eût été mieux à sa place dans un sanatorium.
Le patron — ce Tonton-la-Rogne attentif et stupidem ent hilare — était une sorte de molosse humain, tout en bouffissures et gr aisse. Le mégot au coin de sa lippe, la casquette sur l'oreille, débraillé, il exhibait une échancrure de poitrine tatouée et des bras velus, terminés par des poings massifs dont il savait faire usage, à l'occasion.
Il se chargeait des jeux de lumière. Sous son geste , toutes les lampes venaient de s'éteindre, à l'exception de quelques a mpoules couleur de sang qui créaient l'ambiance d'un tango.
À ce moment, deux nouveaux clients entrèrent.
Le premier était un homme d'une bonne cinquantaine d'années, trapu et de taille moyenne, sans aucune élégance particulière. Il avait une petite moustache mal taillée, d'un gris jaunâtre, et portait un chap eau mou au bord rabattu sur les yeux.
Son compagnon était autrement remarquable et séduis ant. Grand, bâti comme un athlète qui eût conservé la taille fine, i l offrait des traits bien modelés, avec un épiderme rose, des yeux clairs, des cheveux bruns et soignés. On eût pu le désigner pour un sportif, à son allure dégagé e et à la coupe de son complet en tweed beige.
Tandis qu'il s'arrêtait près de la porte, intéressé par le spectacle qu'il découvrait, l'autre se glissait jusqu'à la caisse e t touchait du doigt l'épaule du patron.
— bonsoir, vieille frappe !
Tonton-la-Rogne, ainsi exclamation :
interpellé, dévisagea l'arri vant. Il amorça une
— Ah ! monsieur le comm...
— Chut !... Je suis ici en visiteur, en client. Je pilote un ami qui, comme les grands ducs d'autrefois, veut connaître les bas-fon ds de la capitale. Tu as eu le trac, je parie ?
— J'ai cru que vous filochiez quelqu'un...
— Non, rassure-toi. Chaque chose en son temps. Mais ce n'est que partie remise... À ce que je vois, les affaires ne vont pa s trop mal ?
— Je ne me plains pas. Mais je vais vous trouver un e table, monsieur le comm...
— T'occupe pas de nous !
Le commissaire Marcassin — c'était lui — rejoignit son ami, et tous deux gagnèrent, dans un angle reculé, l'une des rares ta bles qui fussent encore libres. Le serveur se présenta :
— Pour ces messieurs ?
— Deux diabolos menthe !
Le tango était terminé. La salle s'illuminait à nou veau. Danseurs et danseuses ne bougeaient guère. Ils attendaient, sur place, que l'orchestre leur dispensât quelque java, swing ou autre slow-fox.
— Belle faune, n'est-ce pas ? glissa Marcassin. Les voici, ces mauvais garçons et ces filles que vous brûliez du désir de voir de près. Il y a aussi quelques midinettes égarées, des bonniches en ruptu re de tablier et des bourgeoises camouflées, qui viennent chercher des s ensations, en s'imaginant qu'elles courent les plus grands dangers. Misère !
— Et des « clients » à vous, commissaire ?
— Peut-être... Mais ce que je ne voudrais pas que v ous croyiez, c'est que ce bouge représente le visage du Paris nocturne. C'est une lèpre sur un corps sain, une pièce de musée et comme qui dirait un coin de p êche pour la police. Quand on veut jeter le filet, on le ramène plein. Menu fr etin et gros poissons... Lorsque vous en aurez assez, vous le direz !
— Patience, commissaire. Nous ne faisons qu'arriver...
— Ne m'appelez pas commissaire. Vous voyez bien que j'évite, moi, de vous appeler Old Jeep.
Old Jeep !... Ce nom, s'il eût été prononcé à haute Voix, eût pu attirer l'attention de quelques-uns des habitués du bal. No mbreux étaient les Parisiens qui n'ignoraient pas la présence dans la cité d'un des plus célèbres parmi lesG-Men américains. gé de s'initier auxOn savait aussi que le détective, char méthodes de la police française, avait été pris en charge par le commissaire Marcassin, de la P. J., dont il était par surcroît l'ami.
Ce soir, les deux policiers avaient dîné ensemble a u restaurant, dans une de ces petites boîtes que connaissait Marcassin, fin g astronome. Ils avaient passé la soirée au théâtre. Et c'est à la sortie du spect acle que Gordon Periwinkle — Old Jeep n'étant qu'un surnom — avait manifesté l'e nvie de connaître les gens du milieu.
D'un œil attentif, il détaillait maintenant les êtr es qui, dans cette espèce de creuset porté à ébullition, composaient une foule d isparate, aux masques de déchéance et aux relents de vice.
Le commissaire, lui, tirant sur son éternelle cigar ette, avait l'air désabusé de quelqu'un qui n'a plus rien à apprendre.
Il avala bientôt son diabolo menthe, fit une grimac e, tant il trouvait cela mauvais, et proposa :
— On file ?
— Pas encore...
— Alors, cher ami, je vous laisse tomber. Vous êtes assez grand pour retrouver tout seul le chemin de votre hôtel. N'oub liez pas qu'il faut que je sois debout à six heures, moi...
— Au fait, vous ne m'avez pas dit les raisons de ce réveil matinal ?
— Une formalité. Je vous raconterai l'histoire un a utre jour. Amusez-vous bien... Et pas de blagues, hein ?
Après avoir serré la main de Gordon Periwinkle, le commissaire s'éloigna. Il ne se dirigea pas tout de suite vers la sortie. Il rejoignit Tonton-la-Rogne, toujours affalé derrière sa caisse, un peu pareil à ces animaux de concours agricole, si gras qu'ils n'ont plus la force de qui tter leur litière.
— Écoute-moi bien, grosse panse... Je me trotte, ma is je te laisse mon copain. Veille sur lui. Je te rends responsable. C'est un étranger...
— Anglais ?
— Ça ne le regarde pas. Tout ce que je le demande, c'est d'avoir l'œil. Et retiens bien ceci : s'il lui arrivait de tiquer sur une des poules qui sont ici, arrange-toi pour qu'il choisisse Florence.
— La Génisse ?
— Oui. Je suis renseigné sur elle. Ce n'est pas une mauvaise fille. Compris ?... Florence et pas une autre ! Et même, pour plus de sûreté, conseille donc à la rouquine de prendre les devants et d'aller se fa ire offrir un verre. Mon ami est généreux. Elle ne perdra pas son temps.
— Sans doute, mais...
— Mais quoi ? réclama brusquement Marcassin.
— La Génisse n'est guère en forme pour la riboule.. . Elle m'a dit comme ça qu'elle avait le noir, rapport à son homme qui vien t de claquer...
— Son homme ? répéta le commissaire, comme machinal ement.
— Ritou... Ritou Châsses-en-soie... Il est mort la nuit dernière, à l'Hôtel-Dieu, d'une « pneumonie ». Drôle de fin, pas vrai, pour u n mec qu'était pas le dernier dans les coups durs. Il se serait fait buter, c'éta it régulier. Mais clamser à l'hosto, comme tout le monde, c'est pas reluisant pour un Ri tou. Et Florence a du chagrin, du vrai !
— Fais ce que je te demande ! trancha le commissair e. Autrement, on boucle ta boîte. Je n'aurais qu'un mot à dire, tu s ais ?...
Marcassin parlait avec autorité. Il le pouvait. Si le tenancier du bal-musette lui avait rendu parfois service, à l'occasion de re cherches dont il avait été chargé, lui-même l'avait couvert d'une certaine ind ulgence. Donnant, donnant...
Dans la rue, avant de se mettre en route — car à ce tte heure indue il n'avait plus aucun moyen de transport à sa disposition — Ma rcassin lampa l'air à pleins poumons et prit le temps de rouler une cigarette. L a cigarette allumée, il partit de son pas régulier, un peu pesant. Comme asservi à un e idée fixe, il grommelait :
— Il faut qu'il s'intéresse à Florence, il le faut !...
Puis un sourire détendit ses traits, un de ces sour ires que ses familiers lui connaissaient bien et qui suffisaient à illuminer s on masque, d'ordinaire assez rébarbatif.
La place de la Bastille traversée, le policier prit par le boulevard Henri IV, le pont Sully et la rue Saint-Louis-en-l'Isle.
C'est là qu'il habitait, depuis bien longtemps. Res té célibataire, il se contentait d'un modeste appartement, de même qu'il se satisfaisait des services d'une vieille bonne, un peu tyrannique : Noémie.
Il monta les étages, pénétra chez lui et trouva, da ns la salle à manger, le couvert qui l'avait vainement attendu.
— Bigre ! fit-il en se grattant la tête. J'ai tout à fait oublié de prévenir cette pauvre Noémie. Ça me promet une jolie musique pour demain...
La soirée avec Old Jeep, en effet, avait été improv isée. Le commissaire se
trouvait dans son bureau du quai des Orfèvres, quan d l'Américain était venu lui dire un petit bonjour, en passant.
— Vous tombez bien, Old Jeep !
Pourquoi avait-il dit qu'Old Jeep tombait bien ? Il ne s'était pas expliqué là-dessus, mais, de lui-même, avait proposé le restaur ant et le théâtre. Peut-être aussi avait-il voulu provoquer chez Gordon Periwink le le désir de s'encanailler, car, pendant les entractes, il lui avait longuement parlé de cet envers du décor parisien.
Quant à la preuve du mécontentement de Noémie, Marc assin la découvrait, aveuglante. Là, sur son assiette, reposait un petit papier où la servante avait crayonné ces mots :
J'en ai assé d'attandre et de tenir le dîné au chô. Je vai me couché. Si môssieu se mait à faire des frasques, à son âge...
Le commissaire ne sourit pas. Il connaissait de lon gue date les humeurs et l'orthographe de sa gouvernante. Il en avait un peu peur. C'était même le seul être au monde qui lui inspirât pareille crainte. Ma is si brave, si dévouée, cette Noémie !
Dans sa chambre, Marcassin s'accouda à la fenêtre e ntrouverte. Il faisait vraiment bon. Le silence était reposant. La brise d 'été apportait de la Seine un parfum d'eau et de bateaux fraîchement goudronnés. Personne dans l'étroite rue. Pas un chat, au sens propre du mot. Les chats ? Ils pullulaient, autrefois, dans ce quartier. La guerre, avec ses restrictions alimentaires, les avait sans doute voués à de mystérieux destins.
C'était l'heure où Marcassin, quand il lui arrivait de s'attarder, réfléchissait de la façon la plus profitable. Jamais il ne se sentai t si lucide, si apte à confronter les données des problèmes que posait chaque affaire nouvelle.
L'horloge de l'église voisine l'arracha à sa médita tion.
— Trois heures ! constata-t-il.
Il regarda son lit, qui semblait lui faire signe. M ais, après un rapide calcul, il murmura :
— Ça ne vaut plus le coup.
Il alluma la lampe de sa table de travail, s'instal la, ouvrit un dossier qu'il venait de tirer d'une serviette de cuir et ne bouge a plus que pour rouler et fumer cigarette après cigarette.
... Encore une chose que Noémie...
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