Le sosie du bandit
46 pages
Français

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Description

Mademoiselle Marcelle Jaubert a tout pour être heureuse. Elle est fortunée et, surtout, elle est aimée par Raymond Danaut avec qui elle doit se marier, prochainement.


Mais le bonheur sera de courte durée quand la route du couple va croiser celle d’Eugène, un fainéant notoire, criblé de dettes, et dont la ressemblance avec le fiancé de Marcelle est à peine croyable.


Voyant en cette similitude de traits une possibilité de s’enrichir rapidement, Eugène va désormais tout faire pour prendre la place de Raymond Danaut auprès de Mademoiselle Joubert pour le plus grand malheur des deux amoureux...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 16
EAN13 9782373472158
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

LE SOSIE DU BANDIT

Roman policier

 

par René SCHWAEBLÉ

CHAPITRE PREMIER

SOSIE !

 

Mlle Marcelle Jaubert pouvait se dire la jeune fille la plus heureuse. Elle était, il est vrai, orpheline, mais depuis si longtemps qu’elle n’avait jamais goûté les joies de l’amour maternel, et qu’ainsi elle ne s’en était point trouvée privée. Au reste, elle avait été élevée par une tante qui l’aimait comme sa fille, et qui, loin de toucher à la belle fortune laissée par ses parents, l’avait fait fructifier. Se refusant, même, à prélever les frais de l’entretien de l’enfant. Et celle-ci, bientôt, l’avait aimée comme sa mère, et elle ne l’appelait que « maman ».

À la majorité de la jeune fille, la tante avait dit :

— Mon enfant, je vais te rendre mes comptes. Ne proteste pas : la loi l’exige.

Et, à la stupéfaction de Marcelle, elle les avait étalés, et avait résumé ainsi la situation :

— Tes parents t'ont laissé treize cent mille francs : aujourd’hui, tu en possèdes dix-huit cent mille.

Malheureusement, l’excellente dame s’était éteinte quelque temps après.

Ç’avait été un cruel chagrin pour Marcelle. Mais celle-ci avait vingt et un ans, et, à cet âge, il est un sentiment qui domine et étouffe tous les autres : l'amour.

Or, Marcelle aimait, elle aimait d’un amour digne d’elle et du milieu dans lequel elle avait été élevée, elle aimait Raymond Danaut, jeune ingénieur, de grand avenir, selon la formule classique, mais, pour l'instant, sans le sou. Qu’importait ? Marcelle était suffisamment riche ! Ils ne voyaient qu'une chose : la joie immense qu'ils éprouvaient dans la communion de leurs âmes, dans leur confiance mutuelle, dans leurs serments, et aussi — pourquoi pas ? Ils allaient se marier ! — dans leurs baisers...

Raymond Danaut habitait une petite villa à Nogent-sur-Marne, sur les bords de la rivière, et, l’été, elle était charmante, enveloppée de glycines, de roses grimpantes et de lierre, elle ressemblait à un nid. « Oui, un vrai nid d’amoureux ! » proclamait la jeune fille qui aimait à venir s’y blottir contre le bien-aimé. Le soir, surtout, c’était exquis, lorsque, le soleil couché dans l’apothéose ensanglantée, la lune, montant insensiblement dans le ciel, versait sa poussière d’argent sur les choses et que les étoiles scintillaient. Parmi le vaste silence, ils entendaient leurs cœurs battre à l'unisson, et, sans parler, sans se regarder, ils comprenaient leurs pensées, goûtant la félicité la plus pure...

... C’était ainsi que Raymond se trouvait, un jour, dans le magasin du Bon Marché, au rayon de la lingerie, attendant sa fiancée ; ils devaient choisir draps, serviettes, nappes, etc. Naturellement, il était un peu en avance ; pourtant, déjà, il s’impatientait, redoutant quelque accident, allant et venant nerveusement.

Non moins fiévreusement, passait là un autre homme qui, soudain, s’arrêta, ahuri, pétrifié : dans la grande glace qui fermait la galerie, il se voyait, distinctement, en chair et en os, mais avec d’autres vêtements ! Cela tenait du prodige ! Rêvait-il ? était-il la proie d'une hallucination ? Il se frotta les yeux, l’image ne se frotta pas les yeux ; bien mieux, tandis qu’il demeurait immobile, elle continuait d’avancer !

Il se tourna vers celui qui lui ressemblait si étrangement, et, tout à coup, une idée infernale traversant son cerveau, il se cacha derrière une haute étagère.

— Inutile de me faire remarquer, pensa-t-il. Cette similitude de traits, de taille, d’allure, doit servir à quelque chose ! Je dois savoir en profiter ! Eugène, mon ami, fais appel à tes lumières ! Tu as grand besoin d’argent, tu en dois à tout le monde, ton propriétaire va te mettre à la porte, et, comme tu préfères ne pas travailler, il te faut commettre des indélicatesses. Une occasion se présente, ne la laisse pas échapper !

Il demeura derrière l’étagère, avançant, de temps en temps, la tête pour voir ce que faisait son sosie : il le vit, bientôt, saluer une jeune fille, et s’asseoir, cependant qu’un commis leur montrait des nappes. Cela dura assez longtemps, mais Eugène n'était pas homme à s'impatienter lorsqu’il flairait une affaire. Quand il les vit se lever, il les suivit discrètement, se glissant, pour plus de précaution, entre les colonnes, et, finalement, comme le jeune homme donnait son nom et son adresse à la caisse, il s’approcha vivement, et, cachant sa figure sous une main, il écouta.

— J'ai ce qu'il me faut ! pensa-t-il. Je tiens le nom et l’adresse ! Et, maintenant, à l'œuvre !

Le soir même, s’étant soigneusement camouflé, il se rendait à Nogent. Le hasard le servit : Raymond n'était pas rentré, la villa était déserte. Ouvrir la grille et la porte sans effraction ni trace n’était qu’un jeu pour le gredin : il en avait l'habitude ! constamment muni d’un passe-partout, d’une pince, d’un masque, d’une lampe électrique, de gants de caoutchouc ne laissant pas d'empreintes, et de semelles de liège de pointure supérieure à la sienne. Au reste, en venant, il avait soigneusement préparé son plan, et son premier soin fut de visiter la garde-robe, et d’examiner attentivement les chapeaux, les vestons, les gilets, les pantalons, les chemises, les cravates, les bottines : il en nota, même, les particularités sur un calepin, relevant les noms des fournisseurs, les couleurs des étoffes, inscrivit que les vestons s’ornaient du ruban de la croix de guerre. Puis, ayant remarqué, dans une coupe, une épingle de cravate, il la mit tranquillement dans sa poche, pensant :

— Ce sera plus simple, je n’aurai pas besoin de faire faire la pareille.

Il revint, le lendemain. Cette fois, il apportait un appareil à photographie et une petite lampe à magnésium. Pourquoi se gêner ? Et il photographia l'antichambre et le cabinet de travail sous toutes leurs faces, notant, ensuite, les couleurs, et il ne partit que sûr de son affaire.

Le matin et l’après-midi, il n’avait pas perdu son temps : en auto, il avait visité une partie de la banlieue, et il avait déniché, à Suresnes, sur le bord de la Seine, une petite villa à louer qui ressemblait singulièrement à celle de Nogent : même grille, même jardinet, même perron ! Il espérait rencontrer une maisonnette à peu près analogue, mais il n’aurait osé la rêver si parfaite ! il en demeura stupéfait, et, l’ayant visitée, il n’hésita pas à la louer — même un peu cher. Les deux premières pièces présentaient la même disposition et le même aspect que celles de la maison de Nogent !

Le hasard servait le bandit ! le bandit ne serait pas ingrat vis-à-vis du hasard !

En quelques jours, les deux pièces furent meublées et tapissées — le tout à crédit, naturellement. Photographies en main, il disposa les bibelots à leurs places, rectifia les plis des rideaux, avança une chaise, recula une table.

Puis, il alluma une cigarette, et dit tranquillement :

— Maintenant, à nous deux, mademoiselle Marcelle !

CHAPITRE II

MARCELLE S'ÉTONNE

 

— Ce que c'est, tout de même, fit Eugène, de ne pas être bête et d'avoir de l'instruction ! Chez mon frère Raymond (je peux bien le traiter de frère, nous nous ressemblons comme deux frères !) j'ai pris quelques lettres que lui avait écrites sa fiancée ; j'ai pris, également, quelques carnets couverts de l'écriture de ce vieux frère. Voilà à quoi sert l'intelligence. Voici, maintenant, à quoi sert l'instinct : j'ai parfaitement imité leurs écritures, et sur un papier à lettres, absolument semblable à celui dont ils se servent, j'ai envoyé un mot à l'une pour lui fixer un rendez-vous demain, et j'ai signé « Raymond », et un mot à l'autre pour lui dire de ne se déranger ni demain ni après-demain, et j'ai signé « Marcelle ». Évidemment, ils s'apercevront de ces petites indélicatesses : mais, quand ils s'en apercevront, il sera trop tard, le coup sera fait ! Dire que si j'avais de l'argent, je serais honnête ! Enfin, je le deviendrai peut-être... quand j'en aurai beaucoup... quand j'aurai beaucoup volé...

... La jeune fille se trouva au rendez-vous que lui avait fixé le pseudo-Raymond dans le Jardin des Tuileries, « au même endroit que l'autre jour », avait-il écrit, endroit qu'il avait trouvé désigné dans un brouillon de lettre de Raymond.

Quand, de loin, il la vit arriver si jolie, si élégante, il pensa :

— Je ferais peut-être mieux d'agir autrement... Mon coup, comme il est combiné, ne me rapportera pas lourd, en somme. Tandis que... Oui, c'est une idée ! Non... Si ! Le Raymond supprimé, moi, je suis Raymond, je prends ses papiers, et... sa place partout, devant M. le maire et devant M. le curé, j'ai la femme et l'argent, et, si l'argent est bougrement utile, la femme est bougrement gentille ! Seulement... voilà... il faudrait, pour cela, pouvoir attendre : or, je n'ai pas le sou. Se faire...

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