Les millions du borgne
68 pages
Français

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Description

Toute chose a une fin !


GORDON PERIWINKLE alias OLD JEEP a reçu l’ordre de regagner les États-Unis.


Alors que le commissaire MARCASSIN l’accompagne, en voiture, à Saint-Nazaire, où le détective américain doit prendre l’avion pour rentrer chez lui, un accident contraint les deux amis à faire une halte dans un petit village, le temps des réparations.


Les policiers sont alors chaudement accueillis par les habitants du bourg, ceux-ci étant persuadés qu’ils sont là pour résoudre « l’affaire » qui met ici tout le monde en émoi depuis longue date...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782373474343
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

OLDJEEP et MARCASSIN - 10 -
LESMIL L IONSDUBORGNE
De Marcel PRIOLLET
I
C'est aux environs du kilomètre 370, sur la nationa le 23, entre Ancenis et Nantes, que l'accident se produisit.
La route, pourtant, était droite, sans aucun obstac le. L'aiguille du compteur effleurait le quatre-vingt-dix. Le moteur ronronnai t régulièrement. Rien, vraiment rien, n'avait laissé prévoir cette formidable embar dée, qui promena la voiture d'un talus à l'autre et lui fit achever sa course f olle dans un fossé où elle se renversa sur le côté, comme une bête à bout de souffle.
C'était une grosse Chrysler, de teinte claire. C'ét ait aussi, semblait-il, la fin du voyage...
Des gens, paysans et ouvriers, témoins plus ou moin s proches, accoururent. Ils s'attendaient à ne découvrir que des cadavres. Mais les premiers qui surgirent auprès de l'automobile eurent la surprise de voir s'ouvrir une portière qui libéra deux hommes, sains et saufs.
C'était là leur seul trait, commun. L'un, très gran d, assez jeune et fort élégant, ne témoignait d'aucune émotion particulièr e. Il souriait même. L'autre, plus âgé, de taille moyenne, trapu et le sourcil en bataille, se montrait furieux. Et ce fut aussitôt l'algarade, entre les deux rescapés .
— Rien de cassé ! Vous avouerez que c'est une chanc e...
— Vous n'êtes pas difficile ! Je vous conseille, mo i, d'aller prendre des leçons de conduite.
— Je sais conduire...
— Comme un fou !
— Permettez, ami Marcassin...
— À l'école, Old Jeep, à l'école !
C'est ainsi qu'on apprit que les occupants de la Ch rysler étaient le célèbre commissaire de la brigade criminelle et le non moin s célèbre G-man de la police fédérale.
Cela fit sensation. Rares étaient ceux, en effet, q ui n'avaient jamais entendu parler des deux « as », de leurs prouesses, de leur amitié. On savait que celle-ci datait du jour où Gordon Periwinkle, plus communéme nt appelé Old Jeep, avait reçu pour mission de venir s'initier aux méthodes p olicières françaises. Le détective avait été adopté, en quelque sorte, par l e commissaire Marcassin. Ils avaient travaillé ensemble. Ensemble, ils avaient m ené pas mal d'enquêtes et
débrouillé des affaires dont le retentissement brui ssait encore.
Que faisaient-ils, tous deux, sur la route de Nante s, aux approches du soir, en ce 20 mars, premier jour du printemps ?
Le printemps ? On n'eût jamais cru qu'il fût déjà l à. Le ciel était encore hivernal, d'un gris d'argent, lourd d'une menace de neige que soulignait une bise aigre soufflant de la vallée.
Marcassin, le col du pardessus relevé, venait d'en faire la remarque. Il était d'une humeur de dogue.
— Cigarette ? offrit Old Jeep.
— Gardez ! Je ne les aime que quand je les roule mo i-même.
— Alors, roulez...
— J'ai trop froid aux mains.
— Extraordinaire !
— Quoi ? Qu'est-ce qui est extraordinaire ?
— Vous, commissaire ! Si quelqu'un a le droit de se montrer mécontent, c'est moi. Ce n'est pas votre voiture qui est dans le fossé ? Ce n'est pas vous qui risquez de manquer le départ de l'avion ? Ce n'est pas vous qui...
L'Américain fut interrompu par un homme qui, se dét achant du groupe de curieux, se présenta en ces termes :
— Je suis le maire de Villesabré, le village que vo us apercevez à quelque trois cents mètres d'ici. Soyez les bienvenus dans notre commune, messieurs.
Aucune ironie dans cet accueil. Le maire de Villesa bré, épais et rougeaud, semblait être fier de la présence, sur son sol, des deux illustres policiers. Il enchaîna :
— Sans doute Villesabré était-il le but de votre vo yage ? Vous venez, vous aussi, pour« l'affaire »e, ce ? C'était à prévoir. Je le disais encore à ma femm matin. Les inspecteurs qu'on nous avait envoyés de Nantes sont repartis comme ils étaient venus. Rien d'étonnant à ce qu'on nous envoie de Paris d'autres policiers, plus compétents. Tout le monde s'en réjo uira. Tout le monde, sauf le coupable...
Old Jeep et Marcassin se regardèrent. De quelle aff aire leur parlait-on ? En quittant la capitale, ils ignoraient totalement ce village de Villesabré, dont ils venaient d'entendre le nom pour la première fois. À plus forte raison ne savaient-ils pas ce qui avait pu s'y passer.
Visiblement, le maire était tout disposé à leur fou rnir des éclaircissements. Ils n'en avaient nul besoin, surtout pour l'instant . Chacun d'eux fit part de sa
préoccupation dominante :
— Existe-t-il un garagiste, dans le pays ? demanda le détective.
— Où peut-on se réchauffer ? s'informa le commissai re.
Leur interlocuteur s'offrit à les conduire jusqu'à la maison d'un de ses administrés, moitié charron moitié mécanicien, qui pourrait s'occuper de la voiture. Il mit en outre sa propre demeure à la dis position de ces messieurs, tout le temps qu'ils resteraient à Villesabré.
— O. K. ! fit Gordon Periwinkle.
Avant d'abandonner la Chrysler, il l'examina par lu i-même et put révéler à son confrère que l'accident qui les immobilisait ic i était dû à la rupture fortuite de la barre d'accouplement des roues avant.
— Je m'en fiche éperdument ! proclama Marcassin.
Ils se mirent en route, guidés par l'obligeant maire.
Ils s'avisaient maintenant de remarquer qu'autour d 'eux c'était un paysage de désolation. Il y avait des maisons en ruines, de s terrains bouleversés où l'herbe repoussait à peine et, dressés sur l'horizo n, les vestiges d'une grande usine qui n'était plus que carcasses convulsées, po utrelles tordues, pans de murs calcinés. Ils furent bientôt renseignés.
— C'est dans la nuit du 15 au 16 juin 44, une dizai ne de jours après le débarquement en Normandie, que nous avons été arros és de bombes. C'était fatal ! Tout le monde s'y attendait. Songez que l'u sine Montmeyan, dont vous voyez tout ce qui reste, travaillait pour l'ennemi, à plein. On y fabriquait des cordages de marine. À plusieurs reprises, des avion s alliés étaient venus en reconnaissance. Ils avaient jeté des papiers, pour avertir la population et les ouvriers. Comme de juste, on avait pris ses précaut ions. La nuit dont je vous parle, une nuit d'enfer, il y eut donc de la casse, mais pas trop de pertes de vies humaines. Un seul abri fut touché par une bombe, du côté du domaine... le domaine de la Berlaudière, la résidence du propriét aire de l'usine. Maintenant, comme vous le constatez, on déblaie. On commencera bientôt à reconstruire. C'est long ! Ça tient peut-être à ce que l'entrepre neur et son contremaître sont de drôles de gens...
Les deux policiers n'avaient que faire de tous ces détails. Par ailleurs, ils pénétraient dans le village, miraculeusement épargn é — ce qui prouvait que le bombardement avait été concentré et précis.
Après s'être entendus avec le charron-mécanicien, q ui assura qu'il allait faire le nécessaire, nos gens, négligeant l'invitation du maire, entrèrent dans l'unique hôtel de Villesabré. C'était plus exactement une au berge. Ils la trouvèrent assez sympathique et reçurent le meilleur accueil du père Radouet, le tenancier, qui savait déjà à qui il avait affaire, lui aussi. Et c e Radouet, comme tout le monde,
imaginait que les nouveaux venus étaient ici pour« l'affaire ».
— Mais enfin... quelle affaire ? s'enquit Marcassin qui, après avoir commandé une bouteille de Muscadet, aspirait volupt ueusement sur la cigarette qu'il venait de rouler.
Il estimait, en effet, — et Old Jeep l'estimait tou t autant que lui — qu'ils avaient maintenant tout loisir d'entendre des confi dences, dussent-ils s'apercevoir qu'elles s'apparentaient tout bonnemen t à des ragots de village.
En mettant les choses au mieux, plusieurs heures s' écouleraient avant que leur voilure fût en état de reprendre la route. Qui sait même s'ils ne seraient pas obligés de passer la nuit à Villesabré ?
Cette seconde perspective bousculait tous leurs pla ns, surtout ceux de Gordon Periwinkle qui, quelques jours auparavant, a vait reçu l'ordre de regagner les États-Unis. Il en avait informé son ami Marcass in.
— Ma mission s'achève. On a besoin de moi de l'autr e côté de l'Atlantique, où, ainsi qu'on le remarque après toutes les guerre s, se manifeste une recrudescence de la criminalité. J'emporterai de mo n séjour en France le meilleur souvenir...
Marcassin n'était pas l'homme des démonstrations. I l avait cependant mal dissimulé son émotion. Il lui en coûtait de voir re partir ce grand garçon, ouvert et sympathique, avec qui il s'était souvent chamaillé, mais dont il appréciait le caractère et les façons.
— Quand me laissez-vous tomber, Old Jeep ?
— On me signale qu'une occasion s'offre à moi de prendre place à bord d'un Douglas de bombardement, qui rallie la base de Long -Island. L'avion doit décoller du terrain de Saint-Nazaire le 21 mars, à l'aube.
— Je vous accompagnerai, vieux Jeep.
— Jusqu'à Long-Island ?
— Non ! Jusqu'à Saint-Nazaire...
Voilà pourquoi les deux policiers s'étaient trouvés aujourd'hui 20 mars sur la nationale 23, bien persuadés qu'ils coucheraient ce soir à Saint-Nazaire. Mais il y avait eu cette maudite barre d'accouplement, qui en avait décidé autrement...
L'aubergiste, invité à partager la bouteille de mus cadet avec ses clients, s'était assis à leur table.
— La première lettre anonyme, racontait-il, a été c omme de juste pour le procureur de la République, à Nantes. On a su ça pa r la suite, lorsque les journaux locaux ont parlé de l'histoire. Mais des l ettres comme ça, les magistrats en reçoivent tous les jours et n'y attachent guère d'importance. Ici, à Villesabré,
c'est le maire qui a ouvert la série. Il a trouvé l a lettre dans son courrier, un matin, voilà de ça trois mois, environ. Après lui, il y a eu son adjoint, puis monsieur le curé, puis le boucher qui ont reçu la c urieuse missive. C'étaient toujours les mêmes mots, la même accusation. Ça a c ommencé à faire du bruit dans le village, vous le pensez bien ! Et moi-même, un beau jour, voilà que le facteur me remet une enveloppe qui renfermait le fa meux billet. Là-dessus, coup de Trafalgar ! Ça devait arriver. Mettez-vous à la place de Martial Montmeyan...
Le moins qu'on pût dire du récit du père Radouet, c 'est, qu'il manquait de clarté. Marcassin n'attendit pas la suite pour inte rrompre :
— Que disaient-elles donc, ces lettres anonymes ?
— Toujours la même chose.
— Mais encore ?
— Attendez, monsieur le commissaire. J'ai conservé la mienne. Je vais vous la montrer...
L'aubergiste alla jusqu'à sa caisse, ouvrit un tiro ir et revint en tendant un papier.
Marcassin et Old Jeep purent prendre connaissance d e ces lignes, tapées à la machine :
On croit que Clotilde Montmeyan a été tuée accident ellement au cours du bombardement du 15 juin. C'est faux ! La pauvre petite dame a été assassinée par son mari qui, de la sorte, va pouvoi r épouser la Grecque. Qu'on se renseigne !
— Et comme vous le voyez, messieurs, observa Radoue t, il n'y a aucune signature...
— C'est même là le propre des lettres anonymes ! fi t l'Américain, très pince-sans-rire.
Marcassin, pour sa part, examinait attentivement le papier où s'étalait la dénonciation. C'était une feuille d'un format et d' un modèle courants. Le texte, mal centré et émaillé de fautes, ne semblait guère faire honneur aux connaissances dactylographiques de l'auteur. Celui- ci, néanmoins, avait pris d'indispensables précautions. C'est ainsi que, même par transparence, on ne relevait aucune empreinte, aucune trace digitale.
— Vous avez l'enveloppe ? réclama le commissaire.
— La voici...
Celte enveloppe, de papier bulle, très banale elle aussi, était dûment timbrée et portait le cachet du bureau de poste d'Ancenis. La même machine à écrire avait servi à composer le nom et l'adresse du desti nataire. Mettant fin à son
examen, Marcassin rappela :
— Vous parliez d'un coup de Trafalgar, monsieur Rad ouet. En quoi consista-t-il ?
— C'est venu de Martial Montmeyan, le propriétaire de l'usine en ruines...
—...
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