Madame la baronne est servie
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Madame la baronne est servie , livre ebook

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Description



MADAME LA BARONNE EST SERVIE


Dans la chambre N° 4 de l’hôtel Claridge, le corps d’un inconnu est retrouvé poignardé dans le lit d’une comtesse hollandaise.


Le Commissaire Odilon QUENTIN, chargé de l’enquête, ne tarde pas à constater qu’en plus d’un meurtre, les lieux ont été témoins d’un cambriolage discret et minutieux.


Quand il apprend que le mort n’était autre qu’une vulgaire canaille, incapable de la finesse avec laquelle a été commis le vol, il suppose qu’un cambrioleur bien plus talentueux est mêlé, d’une façon ou d’une autre, à l’affaire. Les artistes de cette trempe ne courent pas les rues, mais encore faut-il les identifier pour espérer leur mettre la main dessus...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 8
EAN13 9782373472288
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Odilon QUENTIN

* 22 *
MADAME LA BARONNE EST SERVIE
Roman policier

par Charles RICHEBOURG
CHAPITRE PREMIER

Il existe à Paris un nombre considérable de restaurants « chics » où l'on sert, à une clientèle de métèques, de rastaquouères ou de snobs, une cuisine tarabiscotée.
À côté de ces établissements dont seule une réclame tapageuse peut asseoir la renommée éphémère, il y a également quelques « temples de la gueule » connus des seuls initiés, où se perpétuent les grandes traditions gastronomiques françaises, telles que nous les ont transmises un Ali Bab ou un Curnonski, fidèles aux leçons de mesure et de dosage léguées par leurs illustres devanciers.
La cuisine est le violon d'Ingres de diverses corporations spécifiquement intellectuelles ; chimistes, médecins, hommes de loi s'en sont occupés sans crainte de se graisser les doigts. N'oublions pas que le disert de Pomiane est docteur en médecine, et qu'avant lui, Brillat-Savarin, l'auteur délicat de la « Physiologie du goût », était conseiller à la Cour de Cassation.
Les enseignements de tels maîtres restent évidemment lettre morte pour de quelconques gargotiers, mais d'autres en ont fait leur profit, et grâce à eux, la tradition du « bien manger » a traversé les orages des guerres et les tempêtes des révolutions pour arriver jusqu'à nous, intacte, souveraine, toute puissante... et combien délectable.
Le « Petit Prieuré » était l'un de ces cénacles de la bonne chère : huit tables seulement, mais un mobilier d'époque ; une cristallerie éblouissante ; de la vaisselle armoriée ; et une argenterie lourde, massive, dont les poinçons étaient authentiques.
Un chef célèbre donnait des ordres sans appel devant les fourneaux, assisté d'un « saucier » réputé ; et un caviste, dont l'ivrognerie distinguée confirmait la compétence, régnait sur le peuple silencieux des flacons.
Ceux-là, nul ne les voyait ; mais ils étaient en contact constant avec la clientèle grâce à l'intermédiaire d'Ernest Delpierre, maître d'hôtel à l'accueil souriant et aux allures d'ambassadeur blanchi sous le harnais ; de Firmin Grandjean, sommelier à la trogne de moine échappé d'un Gargantua illustré par Gustave Doré ; et de toute une escouade de chefs de rang, de garçons et de commis, adroits comme des écuyers, tranchants et sérieux comme des papes.
On ne « mangeait » pas au « Petit Prieuré », on y « officiait » ; et la clientèle de cet établissement éminemment sélect se soumettait de bon gré aux ukases suggérés par le personnel, en humant religieusement les mets et les crus, avant de les déguster avec un plaisir qui tenait de la béatitude.
Précisément en ce moment, Ernest Delpierre esquissait les grandes lignes de la politique de la maison, au bénéfice de Victor Sabatier, un nouveau venu engagé le matin même sur la foi de références de premier ordre.
Évidemment, nous sommes chers, très chers ! concédait le maître d'hôtel confit de dignité. C'est l'un des titres de gloire du restaurant et il nous permet d'éliminer les indésirables. Mais en revanche, nous traitons nos hôtes avec la distinction à laquelle ils ont droit ; car, pour être admis ici, il faut montrer patte blanche !
Refuseriez-vous de servir des clients que vous ne connaissez pas ?
Pas ouvertement, bien sûr ! Mais lorsqu'un parvenu ou un croquant essaye de s'introduire dans nos salons, la consigne est formelle : il ne reste que des œufs à la coque ; et s'il s'obstine à en commander, il suffit de lui glisser à l'oreille qu'on les facture cinq mille francs la pièce. Il est fort rare qu'il ne déguerpisse, complètement dégoûté ; en tous cas, on est certain de ne jamais plus le revoir !
Je m'étonne qu'une affaire commerciale saine puisse tenir le coup en appliquant de tels principes...
C'est ce qui vous trompe ! La mauvaise clientèle chasse la bonne ; n'oubliez pas cette maxime, dont de grands économistes ont souligné la pertinence.
Si je comprends bien, seuls, de fidèles habitués fréquentent le « Petit Prieuré » ?
Certes, mais ils nous recommandent à leurs amis, et cela fait boule de neige. Ainsi, si vous désirez un exemple, je vous citerai celui du Baron Alain de Villers-Plancenoit. Il s'est présenté ici il y a quelque quinze jours ; personne ne le connaissait ; mais il s'est targué de la recommandation du marquis d'Estissac de Peyresourde dont il a produit la carte. Vous pensez que nous ne sommes pas restés indifférents à une telle introduction !
« Depuis, Alain de Villers-Plancenoit nous honore chaque soir de sa présence, accompagné de sa toute charmante épouse, la baronne Lily-Anne. La table où vous voyez une orchidée dans le soliflore leur est destinée. Comme vous serez attaché à leur service, ce soir, aussitôt que M. le Baron aura déposé, vide, le second verre de Jerez de son apéritif, ne manquez pas de vous incliner profondément en murmurant avec respect : « Madame la Baronne est servie ».
Je n'oublierai pas cette recommandation. Et la table voisine, avec des œillets rouge sang ?...
Elle est réservée à la comtesse Wilhelmine Van der Noord, vieille noblesse frisonne. Cette grande dame dînera ce soir avec le Jonkheer Harincksma van Leeuwaarden, premier Conseiller à l'Ambassade de S.M. la Reine des Pays-Bas.
C'était plaisir d'entendre avec quelle onctueuse dévotion Delpierre parlait des grands de la terre. Il se gargarisait de leurs particules et de leurs noms à charnières, hochant sa belle tête couronnée de cheveux d'argent, tandis que dans le secret de son cœur il supputait les pourboires fastueux qui constitueraient le salaire de ses courbettes de larbin obséquieux.
Alain de Villers-Plancenoit et la baronne Lily-Anne arrivèrent les premiers, vers huit heures et demie. Ils avaient atteint la quarantaine l'un et l'autre, mais en ses débuts. Lui très mince, avec de longues mains fines, aristocratiques, aux ongles soignés ; elle, plutôt petite, légèrement boulotte. On la devinait pourtant souple et sportive rien qu'à la manière dont elle fit glisser son manteau de ses épaules rondes.
Une élégance très sobre ; aucun luxe agressif ; presque pas de bijoux : Lily-Anne portait une alliance en brillants, son mari, une lourde chevalière en or, où étaient gravées profondément les détails d'un blason compliqué, surmonté d'un cimier empanaché. C'est tout.
En un mot, des gens très bien, qui s'en remettaient à la science d'Ernest pour composer leurs menus, et à celle du sommelier pour en fournir l'accompagnement liquide adéquat.
Nous disions donc : des Zéelandaises quintuple zéro ; consommé madrilène ; quenelles de brochet à la Nantua ; puis bécasse fine champagne ! résuma l'ambassadeur. Cela pourra aller ainsi, Madame la Baronne ?
Certainement ! Nous aurons tout le temps de choisir le dessert. Je vous remercie, Ernest !
Champagne nature brut ; Meursault 1946 ; et Gevrey-Chambertin 1937 ? suggéra Firmin.
C'est parfait ! approuva le baron. Pour l'apéritif, veillez à ce que le Jerez soit « frais » sans être « froid ».
C'était un plaisir de servir des connaisseurs aussi raffinés ! Jamais ils ne commettaient une faute de goût ; ils respectaient les plus délicates nuances. Et le personnel du « Petit Prieuré » contemplait avec admiration la grâce étudiée avec laquelle la délicieuse Lily-Anne approchait le cristal de son verre de ses jolies lèvres carminées, en posant amoureusement sa main potelée sur celle de son mari.
C'que ces cons peuvent m'emmerder avec tout leur bla-bla-bla... murmura-t-elle dans un souffle à peine perceptible. Dire qu'il n'y a même pas moyen de s'taper une môminette dans l'secteur !
Ta gueule, mon chou ! répliqua le baron en esquissant le sourire stéréotypé de l'homme du monde. Fais gaffe, car les mecs nous tiennent à l'œil ; de plus, v'la les clients !
La comtesse Van der Noord venait de pénétrer dans l'établissement ; son corps flasque offrait la consistance d'une sculpture de gélatine rose pâle ; par contre, le Jonkheer qui la suivait évoquait la silhouette compassée d'un hareng saur en habit.
Quand on n'a plus d'gras-double pour faire sa nutrition, dans l'corsage de Madame, on en prend une portion !... susurra l'exquise Lily-Anne avec la même gravité que si elle eut cité Racine.
Les deux couples se connaissaient puisqu'ils occup

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