Les fantômes en combinaison blanche de la police scientifique avaient déjà terminé leurs examens et prélèvements. Vatel interrogea Cipriani de la tête, qui répondit oui de la même manière. Le commissaire de la crime s’approcha avec précaution, en essayant d’éviter les gouttes de sang et les morceaux de cervelle par terre, et leva le drap pour observer la blessure. Une balle dans la bouche, en effet. Gros calibre. L’arrière du crâne avait explosé, la moitié du cerveau avait été pulvérisée comme le jet d’un atomiseur.
— L’arme ?
— Tiens ! répondit le flic de quartier en sortant de la poche de son blouson le pistolet emballé dans un sac en plastique. Un vieux Colt 45. À vue de nez, c’est une fabrication qui remonte à la guerre. Je te laisse l’envoyer à la balistique, ils te confirmeront ça. Il était dans sa main droite. On a retrouvé l’étui à sa gauche et la balle dans le plafond. La trajectoire a l’air bonne. Sous réserve des conclusions des expertises, tout cela correspond bien à un suicide.
Vatel hocha la tête et prit l’arme.
— Une lettre ? demanda-t-il
— Non, rien ! Peut-être a-t-il envoyé un email, il faudra voir son ordinateur.
— Qui a découvert le corps ?
— La bonne. Elle loge dans une chambre sous les combles pendant la semaine, à l’ancienne, et elle rentre chez elle à Angers le week-end. Son mari travaille là-bas, dans l’hôtellerie. Quarante-deux ans, mariée, quatre enfants. D’origine sénégalaise, situation régulière, rien à dire. Elle a trouvé le corps ce matin un peu après six heures et demie. Elle venait dans le bureau pour ouvrir les fenêtres et aérer comme elle le fait tous les jours, avant de préparer le petit-déjeuner. Dampierre se levait généralement entre sept heures et sept heures trente. Il écrivait le matin, et gardait ses après-midi libres.
— Où est-elle ?
— En haut, dans sa chambre, répondit le Corse. J’ai pris sa déposition.
— OK. Je monterai la voir quand j’en aurai fini ici. Il est marié, des enfants ?
— Marié, pas d’enfants. Sa femme est en famille à Nice. Je n’ai prévenu personne, j’ai pensé que tu préfèrerais décider de qui prévenir quand.
— Merci, tu as bien fait.
— Très bien. La suite est à toi. Les gars de la scientifique sont à ta disposition. Moi je file. Salut !
— Salut ! répondit Vatel en lui serrant distraitement la main.
Le poulet de quartier parti, le commissaire s’approcha précautionneusement du bureau. Des livres, un mug fêlé illustré d’une vignette en noir et blanc de Tintin et le Lotus Bleu plein de stylos et de crayons, du courrier en attente de réponse en tas, d’où émergeaient les logos d’EDF et du fisc. Une imprimante dans le coin au fond à droite du plateau. Le tout impeccablement rangé, symétrique, carré. Pas un grain de poussière. Le bureau d’un maniaque.