Pa & Man

Dominique Guérin

Description

Un papa et une maman et des petits nenfants... un idéal comme on le scande dans des manifs ? Un enfer si vous n’avez pas le ticket gagnant.

LE PERE A RIGOLE, majeur droit pointé au ciel. J’avais beau être gaminette, j’ai d’un coup pris conscience que la vie était une succession de petits malentendus qui s’additionnaient en colonne pour totaliser de gros malheurs. Prudence, donc ! J’ai fait au mieux : IL a hérité de la douance et J’en suis restée amputée...

Dominique Guérin nous embarque dans un univers de faux semblants, l’angoisse le disputant à la cocasserie. Son écriture suggestive est la marque d’une auteure à découvrir.

Sujets

• Fiction
• Famille
• Nouvelles
• Novela corta

Informations

• Publié par: Ska Éditions
• Date de parution: 01 mars 2014
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9791023402919
• Langue: Français

Extrait

Dominique Guérin

Pa & Man

Nouvelle Collection Noire Sœur

Ce matin, IL s’est tiré de Chez Nouset ce tantôt, JE morfle sur le chemin du retour. C’est ma faute, comme d’hab. JE l’ai encore laissé m’embobiner. Pourtant JE sais qu’avec LUI, ça capote toujours… Mais à sa décharge faut dire aussi que, mardi après-midi, Maïa ma copine manouche qu’on appelle tous l’Abeille pour de rire, elle m’avait lu les lignes de la main pendant l’heure de récitation. « Je vois une longue route »… Maïa a sa voix rauque, celle des prophéties balèzes. Mais elle chuinte doux, pour pas gêner Lise qui se débat dans les rets du lion. La Fontaine et ses fables, J’aime assez. J’avais cadré le rat : un malin. Bien plus malin que ceux de Chez Nous. Encore que… « Ah ! bon. Et elle va où ? » Maïa m’impressionne plus comme avant. J’ai pigé qu’elle avait la nostalgie des itinérances de son peuple migrateur et de ce qu’elle ne vivra pas, sédentarisée dans un camping-car sur un terrain municipal. Ses racontars à double vue sont tissés de kilomètres qui filent aux quatre coins du monde. C’est sa façon de pardonner à sa mère de récurer chez le notaire au lieu de tresser des paniers au bord des fossés. Car sûr, ça rapporte plus et malgré la calanche du père, Maïa et sa fratrie, six en tout, peuvent survivre. Oui, sauf que ma pauvre Abeille, elle a souvent le bourdon. Inutile de lui noyer ses rêves dans du jus de mélasse. Alors, mardi, motus… J’ai juste attendu qu’elle dégote un parking sur sa piste imaginaire pour garer ses idées, puis le verdict est tombé : « Je sais pas mais jeudi t’iras loin »… JE frissonne. Le macadam a soudain l’air de bétonner dur : jusqu’à maintenant, Maïa s’était jamais risquée à me prédire un jour précis. Peut-être qu’enfin sa vision tient la route ! JE veux tant y croire. J’y crois… puisque ma main le dit. Évidemment, IL a réagi au quart de tour. Une agitation incontrôlable qui m’a flanqué la chair de poule. Quelle plaie ! MOI, plus rien ne m’étonne de LUI. Cet espèce d’enragé, ce vilain petit cygne ; un surdoué hyperactif détecté sur les bancs du cours préparatoire. Toujours à faire son intéressant avec une longueur d’avance côté comprenette et qu’il aurait fallu cadrer de près pour qu’il

s’évade haut. Tout en haut de la grande échelle soc iale… Une évasion pif-paf manquée : les services administratifs, ils travaillent au présent. La paperasse s’entasse et puis, basta. Et Chez Nous, le génie est tellement denrée rare qu’on fait des pieds et des mains pour se le garder bien au chaud pour un avenir meilleur. Chez Nous, manque de pot, le père est vivant. Ses grosses paluches aussi. M’an s’est écrasée : pouf-pouf, elle est à l’aise qu’aplatie. L’assistante sociale y a vu que du feu… Une famille unie, fruste mais digne, face au chômage, aux tracasseries d’argent, aux voisins pas compréhensifs… Trop cruel d’arracher un enfant à des géniteurs déjà accablés par le destin : un simple s uivi bimestriel devrait amplement suffire. D’ailleurs, dans l’état actuel des recherches, la médecine est partagée sur les traitements à adopter. À y réfléchir, tête froide, l’amour n’est-il pas le n ec-plus-ultra thérapeutique ? Trois petits tours et puis s’en va. Le père a rigolé, majeur droit pointé au ciel. J’av ais beau être gaminette, j’ai d’un coup pris conscience que la vie était une succession de petits malentendus qui s’additionnaient en colonne pour totaliser de gros malheurs. Prudence, donc ! >>>>>>>>>>>

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