Un homme volatilisé
64 pages
Français

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Description

UN HOMME VOLATILISÉ


En fin d’après-midi, Gaston Boudouran, un riche négociant en bois, disparaît, à vélo, sur la route qui mène de Pierrelatte à Saint-Andéol.


Le mystère s’épaissit quand la bicyclette de l’homme volatilisé est retrouvée près du cadavre d’une femme inconnue.


Le Commissaire ROSIC, chargé de l’enquête, penche très rapidement pour un rapt crapuleux, notamment, après avoir appris que Boudouran venait de retirer cent mille francs au guichet de sa banque et que ce dernier n’a pas été aperçu par le cantonnier travaillant toute la journée sur la fameuse route.


Mais, quand la jeune femme de Boudouran s’éclipse à son tour, les certitudes s’écroulent au fur et à mesure que l’affaire se complique...


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Informations

Publié par
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EAN13 9782373471427
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Commissaire Rosic

UN HOMME VOLATILISÉ

Roman policier

 

par Rodolphe BRINGER

 

D'après la version publiée sous le titre « Un homme volatilisé » dans la collection « Police et Mystère » aux éditions « Ferenczi & Fils » en 1935.

I

 

S'IL fut jamais un mystère propre à passionner les foules, c'est bien l'angoissante aventure qui se déroula le 13 septembre 19.., entre cinq et six heures du soir, sur la route qui va de Pierrelatte à Bourg-Saint-Andéol.

Cette route, longue de quatre kilomètres à peine, est en forme de Z allongé ; à trois cents mètres de Pierrelatte, elle fait un coude assez aigu, puis court en droite ligne jusqu'à environ trois cents mètres du pont suspendu jeté sur le Rhône, sur l'autre rive où est construit Bourg-Saint-Andéol, là elle forme un nouvel angle, mais dans le sens opposé au premier.

Sa grande ligne a donc à peu près trois kilomètres qui se déroulent en pleine et rase campagne, sans un arbre, sans un buisson, sans la moindre ferme en bordure et, si ce n'est les petits sentiers qui permettent d'aborder aux cultures, aucune autre route, aucun chemin ne la coupe ; quand, soit d'un côté, soit de l'autre, le passant s'y est engagé, après l'un ou l'autre angle, son regard peut en embrasser toute la longueur, de même que toute l'étendue des champs qui l'environnent, et cela dans une étendue de plusieurs kilomètres. Il faut ajouter que, faisant communiquer deux centres aussi importants que Pierrelatte et Bourg-Saint-Andéol, cette route est assez fréquentée et qu'il est bien rare qu'elle soit déserte et vide de piétons, de voitures ou de cyclistes.

Or, c'est sur cette route que, le 13 septembre, entre cinq et six heures, un homme disparut subitement, sans laisser la moindre trace, alors que tout autour des paysans procédaient à divers travaux agricoles, à laisser croire qu'il avait été soudainement volatilisé.

Mais prenons les faits dès leur commencement.

Entre le Rhône, la route de Pierrelatte et un chemin assez caillouteux qui conduit dans les épais taillis qui bordent la rive du fleuve et qu'on nomme les Îles, se trouve un immense chantier de bois, installé là depuis, sans doute, des siècles, pour recevoir, commodément ces grands radeaux de sapins flottés qui, venus des Alpes lointaines, descendent le Rhône en suivant le fil de l'eau. À l'angle de la route et du chemin s'élève un pavillon assez confortable, construit dans le style italien, qui sert d'habitation au propriétaire du chantier et qui, abrité par un immense peuplier d'Italie, en a pris le nom, car, dans tout le terroir, on n'appelle autrement ce logis que le Peuplier.

En 1916, ce chantier de bois, qui avait été de toute éternité la propriété des Chenivesse, changea de maître, le dernier Chenivesse ayant été tué à la guerre, et fut acheté par un jeune homme étranger au pays, venu de Paris, et qui se nommait Gaston Boudouran.

Gaston Boudouran pouvait avoir une trentaine d'années ; assez grièvement blessé à la bataille de la Marne, après avoir traîné dans quelques hôpitaux, il avait été définitivement réformé, et le hasard d'une annonce l'avait conduit à acheter ce chantier de bois dans un pays qu'il ignorait complètement.

Après avoir pris quelques renseignements, il avait traité cette affaire dans l'étude de Maître Souque, notaire à Pierrelatte, et s'était installé au Peuplier.

Maître Souque donnait sur lui les meilleurs renseignements ; il était, paraît-il, un peu de la partie, son père ayant été un grand acheteur de coupes des forêts domaniales des environs de Paris ; mais la meilleure référence était assurément celle des MM. Drapelle, les banquiers de Pierrelatte chez qui Boudouran avait déposé la somme coquette de huit cent mille francs.

C'était un grand garçon blond, à la figure rasée, aux yeux bleus, assez apathique d'allure, mais paraissant fort entendu aux affaires. D'ailleurs, d'air timide, se liant très peu, mais pas fier et causant volontiers avec un chacun quand on voulait bien lui adresser la parole, car jamais il n'eût commencé le premier.

Sous sa direction, le chantier de bois prit rapidement une immense extension.

Il s'était installé au Peuplier, qu'il avait trouvé tout meublé, et avait pris, pour s'occuper de son logis et de sa nourriture, une vieille femme, la Babette, dont il n'eut jamais à se plaindre, car elle le soignait et le dorlotait comme s'il eût été son enfant.

Mais la maison lui apparut comme bien trop grande pour lui et, d'ailleurs, il ne tarda pas à s'y ennuyer d'y vivre tout seul ; et un soir, ayant rencontré Maître Souque, le notaire de Pierrelatte, il lui dit :

— Vous devriez me trouver une femme !

— Cela n'est pas difficile, répondit Maître Souque, bien entendu si vos exigences ne sont pas trop prohibitives.

Mais Boudouran haussa les épaules :

— Je suis assez riche pour deux... je ne cherche qu'une femme aimable, aimante, et, assez femme d'intérieur, pas trop mondaine, non plus, afin qu'elle consentisse à vivre dans la solitude du Peuplier.

Maître Souque sourit, se frotta les mains et répliqua :

— J'ai votre affaire !...

Et, deux mois après, Gaston Boudouran épousait Mlle Lucile Sourdier, fille du colonel en retraite Sourdier, retiré à Pierrelatte, mort il y a quelques années et dont la mère, venant de mourir, laissait la jeune fille seule au monde, sans parents, sinon sans amis.

Gaston Boudouran étant lui-même sans aucune famille, le mariage se célébra sans éclat, sans apparat, dans la plus stricte intimité, avec la seule présence des témoins, dont Maître Souque et l'un des MM. Drapelle, comme de juste.

La jeune Mme Boudouran était assurément une jeune fille charmante et telle que la pouvait désirer Boudouran. Elle avait vingt-quatre ans environ, était grande, mince et brune et parfaitement élevée ; musicienne, un peu aquarelliste, ces arts d'agrément ne l'empêchaient point d'être une femme d'intérieur accomplie, rompue à toutes les difficultés d'un ménage à tenir.

Après une quinzaine passée sur la Côte d'Azur, le ménage Boudouran s'installa au Peuplier et la vie la plus aimable, la plus douce, commença pour le marchand de bois qui se mit à adorer sa femme avec toute l'ardeur d'une âme aimante, d'un cœur tendre et depuis longtemps privé de tendresses. Mme Boudouran était fort amoureuse de son mari et ce fut le couple le plus heureux que l'on puisse voir.

Il semblait que, depuis son mariage, Gaston avait perdu de cette timidité, comme de cette mélancolie qui lui étaient propres ; il fréquentait maintenant un peu le monde, visitant et recevant chez lui la bonne société de Pierrelatte comme du Bourg-Saint-Andéol, que sa femme lui avait fait connaître, sans pour cela se désintéresser de son important commerce de bois qui prenait chaque jour des proportions plus importantes, et rien ne faisait prévoir qu'un drame quelconque dût venir attrister ce logis où le bonheur semblait s'être caché.

Or, le 13 septembre 1920, Mme Boudouran, après déjeuner, avait manifesté le désir d'aller rendre visite à ses amis Gaudibert, qui habitaient le petit château de la Dalgonne, à trois kilomètres environ du Peuplier. Pour s'y rendre, il fallait emprunter le petit chemin caillouteux qui bordait le chantier de bois ; puis, à quelque cent mètres de là, on tournait à gauche et l'on bifurquait sur une route mieux entretenue qui, conduisant à La Palud, passait devant la propriété des Gaudibert.

Après avoir embrassé son mari, Mme Boudouran était montée dans la petite Peugeot à deux places qu'elle avait coutume de conduire elle-même et, Boudouran ayant mis la machine en marche, elle était partie tout heureuse de la bonne après-midi qu'elle allait passer avec une de ses chères amies d'enfance.

Elle était rentrée vers six heures du soir, s'était déshabillée, avait revêtu une robe d'intérieur, puis, après un petit tour à la cuisine où la mère Babette donnait tous ses soins au repas du soir, elle était revenue dans la salle à manger qu'elle avait fleurie de toutes les fleurs dont on l'avait chargée à la Dalgonne, dont les parterres et les serres étaient renommés à la ronde et, cela fait, elle avait attendu son mari.

Mais, à sept heures, Gaston n'avait pas encore paru, et elle pensa qu'il s'attardait sans doute au chantier à surveiller le déchargement d'un radeau de bois qui était justement arrivé la veille. Elle prit un journal qu'elle feuilleta distraitement. Sept heures et demie sonnèrent. Alors, Lucile commença véritablement à s'inquiéter, et elle se dirigea vers le chantier pour voir si quelque chose d'anormal ne s'y était point produit. Mais le chantier était désert, tous les ouvriers étaient partis depuis longtemps, et le bureau était fermé où se tenait d'ordinaire le comptable. Qu'est-ce que cela voulait dire et pourquoi Gaston n'était-il pas encore rentré ?

Cependant, en entendant marcher dans le chantier, le vieux Fargeon était arrivé de son pas traînant ; le père Fargeon était là de toute éternité ; il logeait dans une bicoque branlante qui se dressait presque au bord du Rhône et son emploi était de veiller sur les piles de bois pendant la nuit, fonction qu'il remplissait le plus consciencieusement du monde, concurremment avec son autre métier, plus discret, de braconnier d'eau.

Ayant reconnu la patronne, le vieux Fargeon fit le simulacre d'ôter la casquette de poil de lapin qui ne le quittait jamais et dit :

— Serviteur, madame Boudouran...

— Vous n'avez pas vu mon mari ?...

— Pas depuis trois heures, où il est parti pour Pierrelatte en vélo.

— Ah !... Il est allé à Pierrelatte ?...

— Qu'il a dit... et même je suis sûr qu'il a filé dans cette direction.

— Et vous ne l'avez pas revu ce soir ?

— Et sûr qu'il n'est pas rentré, vu que je n'ai pas quitté le chantier d'une minute !

— Merci, père Fargeon !

Et Lucile rentra chez elle un peu plus rassurée. Gaston avait dû être retenu à Pierrelatte ; elle allait le retrouver, l'attendant.

Mais la salle à manger était vide, Monsieur n'était pas rentré et le cartel marquait huit heures dix.

Alors Lucile fut prise d'une peur indicible : une étrange angoisse l'étreignit, et elle eut peur.

Mais elle se secoua et, ayant saisi le récepteur du téléphone, elle demanda MM. Drapelle. Ce fut François, l'aîné, qui répondit à l'appareil :

— C'est Mme Boudouran qui vous parle, monsieur Drapelle... Vous n'avez pas vu mon mari, aujourd'hui ?

— Si, madame... vers quatre heures...

— Je suis très inquiète... il n'est pas encore rentré...

— Pourtant, quand il m'a serré la main, avant de monter en selle, il m'a dit qu'il rentrait au Peuplier...

Peut-être a-t-il été retenu en route. Je vous en prie, madame, ne vous inquiétez pas ainsi pour un simple retard... M. Boudouran va rentrer d'un moment à l'autre...

— Je vous remercie !...

Lucile tomba sur une chaise, désespérée.

À dix heures, Boudouran n'avait pas encore reparu ; toute la maison était sur pied ; Lucile passa une nuit atroce, pressentant une horrible catastrophe.

II

 

LE lendemain, dès la première heure, Lucile décida d'aller à Pierrelatte, voir les MM. Drapelle ; mais elle ne se sentit pas la force de conduire elle-même son auto et elle demanda à Jean, qui était à la fois chauffeur, jardinier et valet de chambre de s'installer au volant.

Les MM. Drapelle habitaient dans la grand-rue, non loin de la place Couverte, une maison du pur dix-huitième siècle dont les bureaux de la banque occupaient tout le rez-de-chaussée. Quand elle arriva, la banque n'était pas encore ouverte, car il était à peine huit heures, et elle fut reçue au premier étage, dans un grand salon fort luxueux, où M. François, l'aîné des deux banquiers, vint bientôt la rejoindre, s'excusant de se présenter en pyjama :

— Eh bien, fit-il, M. Boudouran...

— N'est pas rentré cette nuit !...

— Voilà qui est extraordinaire !...

— Je suis dans des transes...

François Drapelle garda une minute de silence, enfin :

— Écoutez, hier, comme je vous l'ai téléphoné, j'ai vu M. Boudouran. Il pouvait être quatre heures quand il s'est présenté dans mon bureau, et il m'a dit qu'il avait besoin de...

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