L affaire de Boulogne
75 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

75 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Histoire troublante que celle de Renée Colonnier qui, en 1934, assassine sauvagement sa tante. Texte empreint d'émotion et de violence, de dérision aussi, qui nous entraîne dans les méandres de la relation mère-fille et nous transporte dans l'entre-deux-guerres, au sein d'une société qui, d'une façon sournoise, s'oppose à l'émancipation des femmes. Récit d'un crime que les journaux de l'époque ont appelé "L'Affaire de Boulogne".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 décembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782336858098
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright


























© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-85809-8
Titre

Anne-Marie Garagnon Jacqueline Zinetti










L’affaire de Boulogne

Histoire d’une meurtrière au cœur des années trente
Des mêmes auteures

Des mêmes auteures

Ouvrages d’Anne-Marie Garagnon

Commentaires stylistiques , en collaboration avec J.-L. de Boissieu, SEDES 1987 (deuxième édition 1990 ; troisième édition 1997)
La Phrase complexe , en collaboration avec F. Calas, Hachette, 2002
Cinq études sur le style de Voltaire , Éditions Paradigme, 2008
Cinq études sur le style de Rousseau, en collaboration avec F. Calas (à paraître)

Ouvrages de Jacqueline Zinetti

L’invisible au petit chien , recueil de nouvelles, l’Harmattan, 2011.
Le chien dans l’arbre , théâtre, l’Harmattan, 2013.
Rencontres meurtrières , roman, Anfortas, 2015.
Deux femmes pour l’éternité , théâtre, l’Harmattan, 2013, nouvelle édition 2016.
Dédicace

À Nicole et Jacques, qui nous accompagnent.

À Théophile, Pauline, Angèle, Adèle, Iris, Adrien, Lucie et Alexandre, qui nous liront un jour.
Exergue

Les morts sont toujours à la merci des vivants : on pénètre chez eux à sa guise et on ne s’y conduit pas toujours avec la délicatesse dont on devrait faire preuve. Le moulin de la mémoire est ouvert à tous vents et il accueille avec la même indifférence les visiteurs et les vandales, les pèlerins et les pillards, les amis et les ennemis des défunts.
Il y a la légende et la réalité. Et, bien sûr, l’une ne va pas sans l’autre. La réalité n’existe jamais que sous la forme que lui prête la légende. Et la légende ne prend forme qu’en raison de la réalité qu’elle réinvente et à partir de laquelle elle fabrique ses fables.
C’est souvent à l’insu des hommes que s’écrit le roman de leur vie. Car chaque moment d’une vie, si heurtée soit-elle, contient en lui tous les autres : sous forme de regret ou de remords, de survivance, de promesse ou de pure possibilité finalement démentie par les faits.
Philippe FOREST, Aragon
Prologue
Paris, lundi 14 mai 1900.
Il fait très froid pour la saison. Constance Pierrot, compositrice de musique sous le pseudonyme de Constantin Gilles, entre à la mairie du XIème arrondissement, tenant dans ses bras sa nièce née deux jours plus tôt. Vêtue au goût du jour, elle marche d’un pas décidé, faisant voler sa longue jupe fluide, nantie d’une tournure qui accentue le fessier et affine la taille. Elle porte un chapeau à plumes, dont le coloris châtaigne s’accorde parfaitement avec ses étroits gants de chevreau et la rousseur mousseuse de ses cheveux. Tandis que Louis Colonnier, le père, remet les papiers nécessaires à la déclaration, elle prend un air guindé pour présenter l’enfant à l’officier d’état civil, sous l’œil envieux d’Élisa Bocquentin, la grand-mère paternelle, reléguée au rôle de second témoin.
En attendant son beau-frère et la fin des formalités, Constance s’assoit sur une banquette à l’écart. Elle aime sentir contre sa poitrine la chaleur de ce petit corps endormi et tous les sens en éveil, pense un instant qu’elle a peut-être eu tort de ne jamais se soucier de la maternité. Quelque chose en elle subitement s’alarme quand, sortant du sommeil, le bébé commence à s’agiter. Constance déteste ces mouvements désordonnés que rien n’arrête, comme elle déteste toute forme d’entrave ou d’opposition. Pour calmer son agacement, elle fredonne une comptine que la famille se chante de génération en génération :
Dodo Berline, Sainte Catherine,
Endormez-moi cet enfant
Jusqu’à l’âge de quinze ans.
Si l’enfant s’éveille,
Tirez-lui l’oreille.
Si l’enfant dort bien,
Elle aura un gros câlin.
Mais cette fois, la magie n’opère pas. Les vagissements du nourrisson écorchent son oreille. Elle pose un regard déçu sur la frimousse chiffonnée et murmure : « Comme tu es laide ! Marie était si jolie, quel dommage… ». La petite Renée grimace et pousse un cri aigu, en tendant brusquement ses mains serrées, comme si ses larmes montaient au bout des poings. Persuadée qu’elle cherche à fuir, Constance appelle Louis et, pour échapper au malaise qui la saisit, dépose sans douceur le bébé sur le bras de son père.
Chapitre 1
Le cadre, une élégante sculpture dorée sur feuilles, trône sur la desserte. Plus haut que large, il n’a pu prendre place sur le plateau du buffet à deux corps. Tout en rocaille, décors floraux et arabesques, brillant au milieu des bois sombres dont la fabrication industrialisée n’a gardé que la sévérité, il capte le regard et les rares reflets de lumière. Entre la table à rallonges et le buffet Henri II, la famille Colonnier peine à se déplacer dans la salle à manger trop meublée, dont Renée a fait son terrain de jeu.
Seule à trouver aux bas-reliefs et aux colonnes annelées un décor propice aux histoires qu’elle se raconte, elle aime cet environnement massif, cette lourdeur familière, où elle peut indifféremment porter le hennin ou la fraise, jouer les dames de haut parage ou les princesses de Clèves. Elle y profite de la solitude, quand Louise sa mère se repose, tandis qu’enfermé dans la cuisine avec la bonne, Jean son jeune frère joue les colonels pour une douzaine de soldats de plomb, ou regarde fondre au bain-marie un mélange de beurre et de chocolat.
Tel un intrus pourtant, il y a le cadre, et plus encore que le cadre, la photo qu’il expose avec ostentation : une petite fille bouclée aux yeux clairs, l’épaule dénudée sous le caraco de dentelle, le sourire confiant de qui se sait aimé ; Marie, l’aînée, brutalement disparue trois semaines après la séance de pose chez le photographe ; Marie, dont sa mère n’a jamais fait le deuil, répétant parfois son prénom jusqu’à l’épuisement, se retirant le plus souvent dans un monde où personne n’est invité à la suivre.
Renée vient de fêter ses douze ans. Ses seins foncent et picotent, cuisses et hanches s’arrondissent. Elle passe sans cesse du rire aux larmes, mais son imagination romanesque reste coupée des transformations de son corps, de ses sautes de caractère, de sa tristesse sans cause. Elle verra quand elle aura seize ans. Pour l’instant, c’est en écolière modèle qu’elle se voit, avec un goût particulier pour le silence et un programme de leçons et d’exercices qui, loin de la rebuter, suscite chez elle une sorte de fièvre organisatrice. Les « devoirs à la maison » ? Moins une contrainte qu’une sorte de répit, surtout quand sa mère, comme ce jeudi après-midi, prie à Saint-Ambroise, en attendant que Jean sorte du catéchisme.
Elle a déjà revu les règles d’accord du participe passé avec « avoir », résolu au plus vite quelques divisions avec décimales, rédigé un commentaire d’une dizaine de lignes sur La Cigale et la Fourmi, pour affirmer d’une manière péremptoire que La Fontaine préfère la rampante travailleuse à la musicienne désinvolte et parasite. Grammaire, calcul, rédaction, elle biffe avec satisfaction les consignes de la maîtresse et s’apprête à relire les aventures de Bécassine dans le dernier numéro de La Semaine de Suzette , quand soudain une idée l’accapare. Et si… Oui ! Pourquoi n’y a-t-elle pas songé plus tôt ? Elle doit se décider vite : son père arrive toujours avant dix-neuf heures, sa mère et Jean ne tarderont pas, il est probable que Madame Caloise sera là avant eux pour préparer le dîner.
Renée se dirige vers la desserte. Elle tire la langue au bébé souriant, qui la fixe avec bonhomie. Puis, d’un geste rapide, elle se saisit du cadre à deux mains et le jette avec violence sur le sol. Le bruit du verre brisé l’emplit d’allégresse, et c’est en chantonnant qu’elle descend l’escalier pour rejoindre Denise dans l’arrière-boutique de la droguerie : deux étages, quelques mètres de trottoir sans traversée de rue, un voisin

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents