Menace sur La Baule
16 pages
Français

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Description


Menace sur La Baule

Après sa mésaventure parisienne, direction La Baule pour le commissaire Langsamer. Là, grâce à un ami sénateur, il compte bien assister à un événement exceptionnel : la Tosca, joué en plein air sur la plage, par l'orchestre israëlo-palestinien de Daniel Barenboïm. Mais c'est sans compter sur les criminels de l'été qui, décidément, ne lui laissent aucun répit.





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 août 2013
Nombre de lectures 10
EAN13 9782823810530
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couverture
Jean-François Pré

Menace sur La Baule

images

Yannick Lagogué regardait le soleil disparaître. Fondu-enchaîné de ciel sanguinolent sur croissant de sable. On en mangerait, se dit-il avec une moue jubilatoire. La plage de La Baule (la plus longue d’Europe, disait-on) décrivait une ellipse de huit kilomètres, au milieu de laquelle se découpaient les gradins. Squelette d’acier en ombre chinoise. Yannick n’était pas peu fier de son œuvre. Oui, on pouvait effectivement parler d’une œuvre, même s’il n’y avait rien de spécifiquement créatif dans l’aboutissement de son projet. Les gradins, qui dressaient leurs échasses métalliques sur le sable (comme ces grandes jetées des stations balnéaires d’antan qui suintent la nostalgie sur les cartes postales sépia), allaient servir de tribune à cet événement unique au monde que constituait la représentation d’un opéra sur une plage. Et c’était bien son œuvre car, sans son opiniâtreté, sa volonté d’aboutir, son acharnement même, jamais ce fantasme ne serait devenu une idée folle, puis un concept, puis un projet, puis un dossier et enfin une réalité.

Cette même réalité qu’il avait sous les yeux, tandis que la grosse orange sanguine s’enfonçait dans l’océan, faisant jaillir une poussière d’or. Aveuglé, Yannick n’arrivait même plus à distinguer sa réalité. Il se demandait s’il n’était pas en train de rêver.

Depuis l’année dernière seulement, Yannick Lagogué dirigeait le cabinet du maire de La Baule. Âgé de 27 ans, tout juste sorti de la fac (Sciences-Po et Dauphine), il portait son ascendance celte sur le visage : peau laiteuse, taches de rousseur, poil de carotte. Ses yeux lavande exprimaient la douceur avec la mobilité d’une lame de fond. Fils d’un industriel nantais, il avait rapidement trouvé son chemin dans le lobby politique. Le cabinet du maire était son tout premier emploi. Il n’avait pas envie de temporiser avant de faire connaître ses capacités. Son ambition galopait comme un cheval emballé. Avec un potentiel touristique aussi important que celui de La Baule, Yannick se sentait prêt à déplacer les montagnes… même si l’on n’en trouvait guère dans le pays nantais.

*

Dans le genre oriental lover , Nader Amandjani était un spécimen de choix. Son beau visage au teint caramel, son nez délicat, ses lèvres charnues mais subtilement ourlées et son regard d’ébène avaient fait chavirer plus d’une demoiselle. Et pourtant, Nader n’était pas un flibustier du cœur. Il n’abordait jamais ses futures conquêtes, elles venaient à lui comme sous la force d’un aimant. Aimant et amant n’avaient-ils pas la même racine ? Avec Marie, cependant, il en allait différemment. Nader se voyait un avenir au-delà de la pure séduction. Voilà pourquoi il retardait le moment fatidique du passage à l’acte.

Dans l’ascenseur social, Marie Le Pesnel était ce qu’on pourrait appeler un « dernier étage ». Fille du sénateur Le Pesnel, conseiller général de Loire-Atlantique, elle avait rencontré Nader il y a un peu plus de trois mois, au CSIO1 de La Baule où il défendait les couleurs iraniennes. Nader était un excellent cavalier mais son cheval n’avait pas le niveau international. Avec Marie, il avait toutefois gagné beaucoup plus qu’une médaille. Nader Amandjani venait d’une très bonne famille d’émigrés iraniens, comme on en rencontrait tant depuis la révolution des mollahs. Très bonne famille mais désargentée. En quittant l’Iran, son père (un général de l’armée du Shah) avait sauvé sa tête et celle des siens, mais pas son coffre à la banque. Nader avait grandi dans une pauvreté française encadrée de dignité perse, réussissant quand même de brillantes études de chimie qu’il n’avait pas complètement terminées (interrompues par de petits boulots sporadiques). Le jeune Iranien avait rencontré le cheval un dimanche après-midi, traîné presque de force par des copains lycéens, au cercle hippique de l’Étrier à Neuilly. On l’avait mis en selle et les atavismes avaient fait le reste. Les atavismes ou plus exactement la mémoire musculaire d’une prime jeunesse dont Nader se souvenait à peine. Quand les officiers de papa le posaient comme une plume à califourchon sur le pommeau. Et puis, il y avait eu ce départ précipité : adieu veaux, vaches, cochons et surtout… cheval !

Marie était plutôt une cavalière du dimanche, mais passionnée. Elle avait appris le cheval comme on apprend la broderie. Ça faisait partie des us et coutumes de la bonne bourgeoisie nantaise. Comme d’ailleurs le CSIO, rendez-vous annuel, passage obligé de la notabilité. Le jour du Grand Prix, on l’avait présentée à ce cavalier iranien, figure exotique du concours. Elle était tombée aussi facilement que les barres des obstacles, beaucoup trop hautes pour la monture de Nader. Le pauvre cheval ne laisserait pas un souvenir indélébile dans les annales du CSIO mais il avait eu le mérite d’ouvrir une porte entre deux mondes hostiles. Mérite anodin en comparaison de celui qui fit se rencontrer deux jeunes gens au destin opposé.

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