Bois d Ebène et autres nouvelles de Guyane
140 pages
Français

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Bois d'Ebène et autres nouvelles de Guyane , livre ebook

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140 pages
Français

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Description

Ces 10 nouvelles ont pour fil conducteur la Guyane à des époques différentes. des histoires où s'entremêlent des personnages haut en couleur, des destins douloureux, des scènes de vie ordinaires qui pourraient faire rire tant elles sont pathétiques, le lecteur est transporté du XVIIIème siècle à la Guyane d'aujourd'hui en passant par le charme suranné mais regretté des années 30 et de l'après guerre, il prend un bain de nostalgie et peut-être se souvient.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 233
EAN13 9782336250038
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bois d'Ebène et autres nouvelles de Guyane

Marie-George Thebia
© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296140028
EAN : 9782296140028
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Préface Remerciements Bois d’Ebène - Des racines de l’oubli à la résistance éternelle L’étrange histoire de monsieur Hyppolite Le manguier Le Baclou de Boniface La solitude du Touloulou Joséphine et Fanny Petit théâtre des contraires Raymond - De la facilité à choisir entre la salade et la « crème » de femme Jeanne-Marie est morte aujourd’hui Le cadavre dans l’abattis Un dimanche en famille Belles Guyanaises
A Te Hui et Te Wai, mes deux petits Dragons d’or cracheurs de feu céleste
« Nul ne se rappelle avoir vu d’une vie d’homme, l’amour attendre au soleil l’arme au pied croquant d’impatience. »
Léon-Gontrand Damas Névralgies 1966
Préface
Des textes de prime abord anodins, des mots simples, pour dire des histoires de la vie courante. Somme toute des histoires banales dirait le lecteur superficiel, pressé et stressé, comme la plupart d’entre nous. Cependant même en disant cela, il - ce lecteur inattentif - éprouve comme un malaise, un sentiment d’insatisfaction... L’impression malgré tout de passer à côté de quelque chose, de rater l’essentiel, peut-être.
Et c’est justement cela l’intérêt et la beauté des récits de Marie-George Thebia. Leur apparence est trompeuse, c’est une sorte de jeu d’illusions, une forme de « maya » dirait un féru d’hindouisme. Il ne faut pas croire ce que vous lisez spontanément, il ne faut pas comprendre ce que les mots laissent entendre dans leur acceptation courante, ce n’est pas aussi simple.
Derrière chaque phrase, il faut trouver la véritable pensée de l’auteur et derrière chaque récit (nouvelle) la peinture sociale, la posture idéologique. Tantôt c’est la relation homme-femme qui est interrogée, remise en question, tantôt c’est l’institution du mariage.
Mais en même temps la tradition est revivifiée comme dans « Le Baclou de Boniface » ou encore « La solitude du Touloulou » tandis que la tartufferie en prend un coup dans« L’étrange histoire de monsieur Hyppolite ».
Historienne, l’auteur tout naturellement fait de brèves traversées de l’histoire... notre Histoire sans pédantisme, tout en élégance et fraîcheur.
« Bois d’ébène et autres nouvelles, à travers ses tableaux successifs, nous décrit «mine de rien » « la condition humaine » selon Marie-George Thebia.
Elie Stephenson
Président de l’AGE
Remerciements
Il me sera difficile de faire une liste exhaustive de tous ceux qui m’ont incitée à aller au bout de mes rêves. Je tiens toutefois à exprimer toute ma gratitude à Armelle Touchet, Corinne Dedebant, Maddy Ursulet, Annick Mazy-Baudier, Serge Mam Lam Fouck, Audrey Pulvar, Michel Sabas et les graveurs, Michelle Delattre, Eliette Danglade, Sylvie Vautor, Maud Rullier, l’association CICA, Monique Blérald et ses étudiantes, Christine Garnier, Barsha Bauer, les regrettés Pierre Servin et Edith Lefel... Je remercie particulièrement ma famille, mon père George Thebia, ma mère Suzette La-garde, mes sœurs M.-Claude, M.-Karine, L.-Anne, Robert Loh qui tout au long de ces années ont su m’encourager affectueusement.

Merci à tous.
Bois d’Ebène
Des racines de l’oubli à la résistance éternelle
Schœlcher décrit un marché d’esclaves en Martinique :

Nous avons assisté à une de ces criées de chair humaine. Quel spectacle ! C’était en 1841, à la Martinique, dans une salle remplie de meubles et d’objets de toute espèce. Au milieu de ce fouillis, assise dans un coin, sur des caisses de vin, était une fille de dix-sept ou dix-huit ans, la tête appuyée sur la main et le regard fixe. Elle ne paraissait pas précisément humiliée ni désespérée, mais mécontente et sombre. Un agent de police, placé à côté d’elle, la surveillait. Il y avait d’ailleurs beaucoup de monde et beaucoup de bruit. Les acheteurs qui l’apercevaient venaient l’interroger. Etes-vous bonne fille ? Savez-vous blanchir ? Travaillez-vous au jardin ? (Le travail des champs) Avez-vous eu des enfants ? Pourquoi vous vend-on ? N’êtes-vous pas marronneuse (disposer à aller en marronnage) ? Etc., etc. Mille questions de mille personnes diverses. Quelques-uns, je me rappelle, prirent ses joues pour voir si elle avait la chair ferme. Elle, froide, impassible, répondit mal, de mauvaise volonté, et on lui disait alors : « Ouvre donc la bouche qu’on t’entende, imbécile ! » Et elle répliquait à peine quelques mots. Je suis persuadé, moi, qu’elle comprenait sa position, quoique née dans la servitude.
Après avoir vendu une baignoire, un lit, un canapé et une lampe, le commissaire-priseur dit : « A la négresse ! » On s’approcha d’elle. Il la fit tenir debout, et la mit à prix : « 100 francs la négresse unetelle, âgée de seize ans ! Elle travaille au jardin, 100 francs, 100 francs ! »
- Le visage toujours froid, l’air impassible, elle restait appuyée contre un meuble. « 120, 150, 155 ! »
Enfin, elle fut adjugée à 405 francs, et le commissaire-priseur lui dit, montrant le dernier surenchérisseur : « Allez, voici maintenant votre maître. » C’était un mulâtre. Elle leva les yeux, le regarda, s’approcha de lui, toujours du même air, il lui adressa quelques paroles, et je les vis disparaître ensemble. Je les vois encore : c’était horrible.
Victor Schœlcher, « Scènes des colonies. Ventes publiques d’hommes et de femmes », in Revue indépendante , 25 mars 1847.
La publicité vantait efficacement ce voyage au Sénégal.
Des images alléchantes invitaient les touristes à découvrir les magnifiques fleuves, les fabuleuses richesses et les sympathiques habitants de ce pays d’Afrique de l’ouest. Au départ de Paris, c’était l’occasion inespérée de le visiter. En parcourant le dépliant, Germaine fut surtout attirée par un dernier argument non négligeable, le séjour commençait par la visite de l’île de Gorée, haut lieu de l’esclavage, classée au patrimoine de l’humanité par l’Unesco.
S’ensuivait une longue page sur la situation de l’île, les conditions d’accès et les tarifs très raisonnables. Elle pensa immédiatement à sa petite-fille Cléa qui allait dans quelques jours avoir 20 ans et qui méritait un cadeau exceptionnel.
Ce retour aux sources en quelque sorte sortait de l’ordinaire. Cela ne pouvait lui faire que du bien, d’autant plus que depuis quelque temps elle semblait peu soucieuse de connaître son passé.
Pourtant, petite, elle écoutait émerveillée les histoires de fées, de princes tueurs de dragons, de méchantes sorcières. Elle préférait surtout les récits qu’elle lui racontait sur l’aïeule africaine, celle qui avait subi la séparation, le terrible voyage sans retour et l’ignominie. Ces récits lui avaient été transmis par son arrière-grand-mère et à chaque fois qu’elle les lui racontait l’émotion la submergeait. Devenue adolescente, traversant les affres de l’âge bête, le charme fut rompu. Elle ne souffrait plus de les entendre, « elle les connaissait par cœur » disait-elle et cela l’ennuyait, l’étouffait. Elle ne supportait d’ailleurs plus qu’on l’appelle de son deuxième prénom Inaya, en référence à son aïeule. Ce passé, elle ne l’assumait plus, reprochant à tous de ne pas regarder vers l’avenir, de s’enfermer, répétait-elle fièrement, dans une « histoire boulet ».
Imperturbable, Germaine insistait et lui en narrait des bribes, ses souvenirs malheureusement s’estompant avec le temps.
Un jour, énervée, Cléa prononça les mots de trop dans une phrase qui n’avait pour but que de la choquer : « ce n’est pas parce que nous avons été esclaves qu’il faut le ressasser et l’utiliser pour justifier nos défaillances ! »
Germaine, résolue, réserva les billets et lui annonça la nouvelle quelques jours plus tard. Cléa ne cacha pas sa déception, elle avait imaginé toutes sortes de cadeaux mais sûrement pas celui-ci. Dépitée, elle se dit que sa stratégie du cadeau désiré, c’est-à-dire faire comprendre avec insistance à sa mère, à son entourage qu’une voiture ma foi « c’est bien utile pour aller à la fac, pour conduire mamie au supermarché, que sais-je encore ! » avait lamentablement échoué.
Mamie souhaitait un « retour aux roots », les vacances allaient être « follement amusantes ».
Devant la mine réjouie de sa grand-mère, elle prit le parti d’en rire, apr

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