Ce foutoir est pourtant mon pays
112 pages
Français

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Ce foutoir est pourtant mon pays , livre ebook

112 pages
Français

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Description

Survivre dans une société africaine chaotique, rythmée par la violence et les guerres civiles.

Mongalé est de retour à Bathi batuko, son pays, après une longue période d'exil. Elle cherche à reprendre le cours de sa vie, interrompu par la guerre. Au détour d'une rue, elle retrouve Prince, le fils de son frère, seul rescapé de la famille emportée dans la tourmente. Tous les deux vont se raccrocher l'un à l'autre pour rassembler les pans de leur histoire.
À travers cette fiction, ce « foutoir » évoque une société où règne le chaos et la confusion, où la liberté est un mythe, où les élites des différentes ethnies s'affrontent et où la moindre étincelle peut générer un incendie dévastateur. Un modèle de société dominé par une ploutocratie déguisée en démocratie, les exemples à travers le monde ne manquent pas...

Ce roman saisissant présente une mosaïque de personnages dont la pertinence des propos n’enlève rien à la profonde affection qu’ils nourrissent pour leur pays.

EXTRAIT

Dans l’avion qui la ramenait dans son pays natal, elle pensait à son enfance à Mouléléké, à ses séjours à la campagne pendant les vacances, avec son père, sa mère et son frère Paul Damien Ngoko. Elle imaginait l’accueil que lui réserveraient ses amis, ses parents – ceux qui avaient eu la vie sauve pendant la guerre qui lui avait fait quitter le pays ; elle pensait aussi au récit d’un compatriote venu récemment de Batih batuko et rencontré à Braha, la capitale du pays des Bindou où elle était en exil. Ce compatriote lui avait parlé de ce ministre du commerce du premier gouvernement de l’après-guerre, qui, un jour, fit le tour des supermarchés pour exiger la hausse du prix du beurre pasteurisé, non pas pour limiter les importations, mais pour que le bas peuple n’en connût plus le goût. Il fut ovationné à son arrivée au conseil des ministres ; Son Excellence Yandi mosi-Yandi kaka - le Chef de l’État - ne tarda pas à le hisser au rang de ministre d’État. Le peuple s’en indigna.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Cette fiction apparait comme l’une des meilleures qui analyse d’une façon didactique et objective « l’Afrique des malheurs » dans le roman congolais. Et ce livre de N’kala devrait interpeler le politique africain. - Noël Kodia-Ramata, starducongo.com

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alphonse N'kala, dit Chardin, est né à Moussanda, au sud du Congo. Licencié en Littératures et Civilisations africaines, poète, journaliste et enseignant, l’auteur est passionné par la culture. « Ce foutoir est pourtant mon pays » est le premier roman d’Alphonse N’kala qui dirige aujourd’hui le département du Livre de Pointe Noire.

Informations

Publié par
Date de parution 29 mars 2017
Nombre de lectures 9
EAN13 9791095999126
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait


É ditions Les Lettres Mouchet é es - septembre 2016
Collection MBONGI
ISBN : 979-10-95999-12-6
Les Lettres Mouchet é es
91, rue Germain Bikouma
Pointe Noire – Congo
ed.lettresmouchetees@gmail.com
llustration de la couverture : Guillaume Makani
Alphonse Chardin N'KALA





Ce foutoir est pourtant
mon pays







Les Lettres Mouchetées
Du même auteur :



El é gie Mayombe, Compassion – 4 mars 2012 (anthologie de po é sie), é ditions LMI – Pointe-Noire – Congo - 2015

Le cri int é rieur , (po é sie) é ditions Souvenirs, Porto Novo (B é nin) - 2013

Participation à Pour É dith – (po é sie) hommage à É dith Lucie Bongo Ondimba - É ditions l ’ Harmattan – Brazzaville – Congo -

Participation à Nouvelles voix de la po é sie congolaise de Bienvenu Boudimbou, é ditions Hemar – Brazzaville – Congo -
La vie que j ’é voque ici, nous aurions pu la vivre, ou peut- ê tre l ’ avons-nous v é cue. Une vie faite d ’ appropriations, de larcins, de d é tournements, d ’ effractions, de pillages, de grappillages … une vie faite d ’ envo û tements et de mal é dictions, une vie faite de dominations entre vie de palais et vie de taudis.
Le marathon des d é munis et des nantis, o ù les uns chassent les autres et vice versa ; ce monde o ù grands et petits se d é lectent de d é lations ; ce monde o ù m é cr é ants et pasteurs, à tour de r ô le, fr é quentent le marabout, o ù le c œ ur adh è re au shinto ï sme et la t ê te - pour contenter l ’ autre ou pour lui mentir - choisit d ’ê tre catholique ou protestant. Je vous parle ici de ce monde fait de servitude, de sexualit é , de duperie, d ’ hypocrisie, cette vie sibylline …
Est-ce essentiellement le shako qui fait le saint-cyrien ? C ’ est pourtant ce qui lui sied bien. Chacun, dans son petit canton, pense à augmenter le son de son instrument pour mieux se faire entendre ; ainsi les ragots se m ê lent aux cochons, la succulence à l ’ amertume et comme une rivi è re rempoissonn é e, notre espace se remplit de beaux diseurs et de r é mouleurs. Mon pays devient un foutoir o ù chaque jour s ’ emplissent les poubelles- à -hommes, les poubelles- à -vies. Renards et po é teux se c ô toient pour une union saugrenue et saum â tre. Tout le monde est frondeur. Personne ne trouve à y redire.
C ’ est cela qui caract é rise mon pays que tout le monde dit aimer, pourtant personne n ’ y pense, ou plut ô t chacun ne pense qu ’à se bourrer la panse et la poche. On les reconna î t facilement les gens de tout en haut ; ils portent des costumes aux couleurs du ciel ou des uniformes militaires ; les uns dissimulent des pistolets dans leur costard, les autres exhibent des kalachnikovs en bandouli è re ; et leurs ventres bedonnants, les as-tu vus ? On dirait des grossesses à terme ; ils fument de gros cigares et g è rent une cour de courtisans. Ils aiment notre pays, il faut le croire.
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Mongal é é tait revenue à Moul é l é k é , capitale de la R é publique f é d é rale de Batih batuko 1 .
Dans l ’ avion qui la ramenait dans son pays natal, elle pensait à son enfance à Moul é l é k é , à ses s é jours à la campagne pendant les vacances avec son p è re, sa m è re et son fr è re Paul Damien Ngoko. Elle imaginait l ’ accueil que lui r é serveraient ses amis, ses parents – ceux qui avaient eu la vie sauve pendant la guerre qui lui avait fait quitter le pays ; elle pensait aussi au r é cit d ’ un compatriote venu r é cemment de Batih batuko et rencontr é à Braha, la capitale du pays des Bindou o ù elle é tait en exil. Ce compatriote lui avait parl é de ce ministre du commerce du premier gouvernement de l ’ apr è s-guerre, qui, un jour, fit le tour des supermarch é s pour exiger la hausse du prix du beurre pasteuris é , non pas pour limiter les importations, mais pour que le bas peuple n ’ en conn û t plus le go û t. Il fut ovationn é à son arriv é e au conseil des ministres ; Son Excellence Yandi mosi-Yandi kaka 2 - le Chef de l ’É tat - ne tarda pas à le hisser au rang de ministre d ’É tat. Le peuple s ’ en indigna. Malouala figurait parmi les indign é s qui s ’ exprimaient librement dans la rue. Il fut arr ê t é deux jours apr è s le conseil des ministres. On rapporta au directeur g é n é ral de la s û ret é nationale que Malouala avait incit é le peuple à la r é bellion, à la d é sob é issance civile et au d é nigrement des institutions de l ’É tat. V é ronique, son é pouse, le chercha en vain dans toutes les prisons de la capitale. On s ’ en indignait en sourdine pour ne pas subir le m ê me sort. « Comment pouvait-il en ê tre autrement en ce monde des hommes sens é s ? » demandait Tchakou, le fou du quartier, à tous les passants.
Au cours de ce m ê me conseil des ministres du cinqui è me jour de la pleine lune de l ’ ann é e des courges, le gouvernement, qui sortait des n é gociations avec les partenaires sociaux, f é licita pour leur patriotisme, leur civisme et leur sens du devoir, les responsables de la Conf é d é ration des Syndicats des Travailleurs de la Fonction Publique (CO.SY.TRA.FO.P), la principale centrale syndicale du pays, puisqu ’ ils avaient sign é une tr ê ve sociale de trois ans renouvelable avec le ministre du travail. Trois ans durant, pas de gr è ve, pas de revendications relatives à l ’ am é lioration des conditions de travail et de vie des travailleurs. À contrario, le gouvernement d é cidait de r é duire de 22% les salaires des agents de la fonction publique. « Ce sont des mesures courageuses que nous venons de prendre pour permettre au gouvernement de faire face à l ’ importante dette ext é rieure du pays et relancer ainsi l ’é conomie nationale » , avait d é cr é t é le ministre des finances pour justifier ces d é cisions face à un peuple qui, d é sormais paraissait indiff é rent, peut- ê tre par habitude du malheur, m ê me à sa propre existence.
Essanga Biliba Nzorob é , dit Le coq de la radio nationale, et ex-mari de Mongal é , osa d é noncer ces mesures impopulaires ; « Quand on sait que le salaire mensuel des ministres a é t é tripl é , soit 15.000.000 de francs batih batukois. L ’ enseignant et l ’ infirmier se contentent toujours des 60.000 de salaire mensuel. Que des miettes. Le bonheur et la mis è re ont ainsi choisi chacun leur camp … »
Le ministre de l ’ information et de la communication, porte-parole du gouvernement, charg é des relations avec le peuple, fustigea « ce mouchard noircisseur de l ’ action gouvernementale. Mais nous ne nous laisserons jamais faire, face à ces aigris, ces assoiff é s de pouvoir qui veulent à tout prix agiter le peuple, le pousser au soul è vement pour mettre de nouveau ce pays à genou. Ç a, ç a ne passera pas, nous avons l ’œ il bien ouvert » .
Dans les quartiers, on appr é ciait plus ou moins le courage d ’ Essanga : certains lui donnaient raison ; « Apr è s tout, il fait son boulot et c ’ est ç a son boulot. Quels que soient les temps, il faut qu ’ il y ait des gens qui sachent prendre leur courage pour sauver les autres » . Pour d ’ autres, Essanga n ’ aurait pas d û parler. « Parce que, en ces temps-ci, il faut savoir se taire. Tous ceux qui oseront s ’ opposer à Yandi mosi, y compris les journalistes, subiront sa r é pression. Quand un pays sort de la guerre, tous les comportements convergent vers la violence, l ’ arbitraire, l ’ abus … Et puis, si Essanga veut jouer au h é ros, il n ’ avait qu ’à comprendre qu ’ il n ’ y a de martyr que mort ; certains sont dans leurs tombes, d ’ autres port é s disparus, subissant à jamais la loi du silence » . Essanga Biliba Nzorob é fut jet é en prison et y croupit jusqu ’à la veille de la c é l é bration du 19 è me anniversaire de l ’ ind é pendance.
À deux mois du retour au bercail de Mongal é – Essanga revit le ciel, mais physiquement bien diminu é , et donc r é duit au silence. Dieu avait bien veill é sur son â me pendant les cinq ann é es pass é es à contempler les murs de sa cellule. Il en sortit ob è se, mais plus instruit du fait de ses nombreuses lectures. Au fond de sa cellule, le livre é tait son seul compagnon. Il é tait parmi les plus chanceux à sortir de prison sans avoir é t é d é cervel é , ab ê ti. Le r é gisseur adjoint de la Maison d ’ arr ê t lui apportait des livres, gr â ce 

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