Celle qui reste
114 pages
Français

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Description

Trois décès subits, trois départs tragiques, violents, inexpliqués ont tôt fait d'empoisonner la vie de Léa Gauvain. Chaque jour, un geste, une musique, un événement ramènent ses proches à sa mémoire. Rien de tel que des morts qui s'incrustent pour gâcher l'existence de ceux ou celles qui restent !
Le souvenir sans tache que Léa entretient avec ses disparus la conforte dans sa profonde affliction jusqu'à ce qu'elle soit confrontée à la maladie et que la découverte de faits troublants vienne lever un voile sur le véritable passé des gens qu'elle croyait si bien connaître.
Tout au long de sa descente aux enfers, la présence inconditionnelle de son chien Pavlov, pour qui la vie continue, trace petit à petit un chemin différent, qu'elle emprunte presque à son insu...
Sans détour, Celle qui reste raconte, dans un style mordant et moqueur, l'histoire de ceux et celles qui partent sans jamais nous quitter vraiment.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 janvier 2012
Nombre de lectures 2
EAN13 9782895972112
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CELLE QUI RESTE
DE LA MÊME AUTEURE

Sous le même soleil , Lévis, Éditions de la Francophonie, 2006. Prix France-Acadie 2007.
Ariane . L’ éclaboussure, Lévis, Éditions de la Francophonie, 2007.
Dans la tourmente afghane , Ottawa, Éditions David, 2009.
Jocelyne Mallet-Parent
Celle qui reste
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Mallet-Parent, Jocelyne, 1951-
Celle qui reste / Jocelyne Mallet-Parent.

(Voix narratives)
ISBN 978-2-89597-170-2

I. Titre. II. Collection : Voix narratives
PS8626.A4525C45 2011 C843’.6 C2011-901591-9

ISBN format ePub : 978-2-89597-211-2

Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa. En outre, nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

Les Éditions David
335-B, rue Cumberland
Ottawa (Ontario) K1N 7J3
www.editionsdavid.com
Téléphone : 613-830-3336
Télécopieur : 613-830-2819
info@editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 1 er trimestre 2011
À Nicole,
celle qui me reste

À Marie-Paule,
celle qui est partie

À Anne-Marie, Murielle, André et Hugo,
trop tôt disparus
Et l’autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n’importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer

Jacques Brel
PARTIE 1
1

La mort est une dette
que chacun ne peut payer
qu’une fois.
Shakespeare
Ma vie a explosé.
Au sens propre comme au figuré.
Il y a de cela six mois, jour pour jour.

Je suis encore vivante, mais si peu.

Et ce matin frisquet me ramène les événements en mémoire, comme si c’était hier. L’odeur du soufre, le bruit infernal de la déflagration, le goût amer du sang m’éjectent du lit. J’étouffe. Le besoin de l’air pur de la montagne se fait pressant.
La bruine n’en finit plus de baver son crachin sur le jour qui se lève, sur ma tête dénudée, sur les poils ébouriffés du chien qui me précède. Comme lui, j’ai le corps transi et l’humeur massacrante.
L’humidité ambiante me gruge le bonheur. Mon pas rapide, ma respiration saccadée trahissent mon angoisse et le chien me scrute, des grands points d’interrogation dans ses prunelles noisette. Il me regarde de biais, l’air de se demander ce que ce dimanche peut bien avoir de particulier pour que nous soyons tous les deux déjà rendus au faîte de la montagne par une heure aussi matinale. Je fouille dans mes poches, y trouve une tuque que j’enfonce sur mon crâne, pestant contre cette brumasse qui me trempe jusqu’aux os.
J’ai le cœur à l’étroit, l’esprit qui s’égare entre les minces strates de brume coiffant la montagne.
« Ça suffit! »
Je fais brusquement demi-tour.
De justesse, j’évite de trébucher, mes pieds entremêlés dans les pattes du chien. Je dévale la pente comme un boulet, lourde de tout le poids qui m’accable. Depuis quelques jours déjà, j’ai une seule pensée en tête. La profonde conviction que pour moi, l’heure de la reddition de comptes a sonné. Que c’en est fait de ma bonne fortune, de ma veine d’être toujours vivante. La chance est une compagne de route qui fait rarement du surplace. Il y a trop longtemps déjà qu’elle se range de mon côté.
Mon tour est venu de payer la note.
Je le sais.
Je le sens.
De toute manière, la vie est une histoire qui se termine mal; elle finit toujours par nous présenter sa facture. La mienne est arrivée. Peu en importe le coût, je suis prête à régler ma dette.
Ma main se pose sur ma poitrine…
La première fois que je l’ai repérée, c’était au réveil, il y a trois semaines à peine. Assise en tailleur dans mon lit, je l’ai palpée. Petite masse caoutchouteuse, on aurait dit un grumeau esseulé dans un bol de gruau. Mes doigts ont tenté de la circonscrire, mais à chaque fois elle fuyait. Une fine truite se faufilant entre les cailloux de la rivière. Ce matin, je l’ai sentie à nouveau. Plus grosse, plus ferme, plus ronde. Une baleine échouée!
« Je pourrais en mourir… » en ai-je aussitôt conclu. « Comme eux. Comme Charles… Audrey et Louis. »
Morts tous les trois. Si brutalement. De façon si impromptue.
Et moi, l’éternelle survivante? Qu’est-ce que je fais, pendant que tout s’écroule? Moi, qui suis désormais amputée de l’amour, de l’amitié et de cette touche d’innocence qui habite l’enfance, moi, je file allègrement mon chemin. Toujours là, à tricoter mon petit bonheur.
Une maille à l’endroit.
Une maille à l’envers.
Les miennes à l’endroit, celles des autres à l’envers.
Trois morts sur les bras en quelques années. Plutôt difficile à encaisser. À chaque deuil, je me suis enfoncée un peu plus creux, mon corps et mon âme en chute libre dans un gouffre sans fond.
Mes efforts pour remonter de mon puits furent ponctués d’appels au secours. Mieux que personne, ce sont les livres qui ont répondu à mes supplications. Ils ont été mon échappatoire dans cette traversée du désert. Les histoires parfois passionnantes, parfois fantaisistes des romanciers, les phrases habilement ciselées des poètes m’ont tenu lieu de baume, de calmant, de médecine pendant ces moments troubles. Les livres sont de véritables magiciens guérisseurs.
Reste que chacun de ces trois décès a créé maintes petites failles dans ma volonté de survivre. À force de fêlures, même la plus résistante des couches finit par céder.
Le départ tragique de mon conjoint : un tremblement de terre de grande magnitude!
Imprévisible, il m’a secouée jusqu’à dislocation, m’a engloutie tout entière dans ses crevasses obscures.
J’ai quarante ans à peine. J’ai survécu à tout. La chance me suit. En fait, dire qu’elle me poursuit serait plus exact. Que ce petit grumeau dans mon sein droit me fasse quelques misères, que j’en souffre, que j’en meure, cela ne serait rien de plus que le retour inévitable du pendule. La boucle n’en serait que bouclée et justice serait rendue. Le solde de ma dette avec la chance serait enfin remboursé. Parce que moi, il semble que je suis née sous une bonne étoile. Une fille bien, j’ai toujours été une fille bien… à ce qu’on dit. Une enfant souriante, enjouée, attachante. Une adolescente serviable, polie, généreuse. Une adulte épanouie, équilibrée. Pour moi, toujours une éclaircie en vue, une accalmie après l’orage, une lumière au bout du tunnel.
Une femme chanceuse, quoi!
* * *
Un écureuil attire l’attention du chien. De sa truffe mouillée, le berger belge évente, en vain, le dessous des bosquets. Le rongeur a déjà atteint les sommets où il sautille de branche en branche, l’air vainqueur. « Ce n’est pas parce qu’on est petit qu’on n’est pas futé! » semble-t-il se moquer.
Quelques moineaux recroquevillés dans leurs plumes dentellent les branches d’un érable. Je contourne un immense conifère dont les pointes des aiguilles pleurent des gouttes d’eau.
Novembre. Et la forêt grouille encore de vie. Mais moi, je n’en veux plus de cette vie désertée par ceux que j’ai le plus aimés. Je suis essoufflée. Fatiguée de continuer, seule, sans eux.
Je ne cours plus. Mes pas au ralenti cadencent la foulée du temps qui me reste.
2
Charles est mort.

Son corps pulvérisé, réduit en lambeaux, étalé sur le parquet.

Les yeux hagards, les survivants détalent des lieux en catastrophe. Surgissant de tous côtés, ils piétinent sans vergogne les restes de Charles et les corps amochés de tous les autres qui ont eu la malchance de tomber en premier. Certains rescapés déambulent en pièces détachées, laissant dans leur sillage un bout de bras, quelques doigts, un morceau d’oreille.
Une scène dantesque!
Charles s’est éteint à Mumbai, d’une mort singulière, éclaboussante de rouge.
On ne choisit pas sa sortie. Mon conjoint est décédé dans cette ville indienne du bout du monde, à deux pas de l’édifice où il pénétrait. Dans l’indifférence totale. Une vulgaire mouche 

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