Chère petite montagne
237 pages
Français

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Chère petite montagne , livre ebook

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Description

Un enfant qui a tout pour être heureux...Il habite un village perdu au temps de l'Occupation et de la peur des représailles...Le narrateur, pour nous emmener dans ce bout du monde, entrecroise fragments, descriptions et micro récits. L'auteur nous livre un premier roman à l'écriture subtile où se mêlent charme et sensibilité. Un regard décalé sur un monde en voie de disparition ou déjà disparu. En ce temps-là, on pratiquait l'écologie sans dire le mot.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 282
EAN13 9782336260372
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296130883
EAN : 9782296130883
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace Vers l’âge de raison Des travaux et des jours Sous la neige Bientôt l’entrée en sixième Écritures
Chère petite montagne

Guy Vuillod
Pour Christiane, À Bastien et Mathis qu’elle appelait ses petits chéris
Vers l’âge de raison
I l court, il court... là-bas... tu le vois en contrebas du champ ?... Oui... du champ labouré... Il longe la haie qui le borde... tu le vois, cette fois ? Il court...
Il court à perdre haleine. Il se tient collé à la haie, il la frôle, évitant la première raie labourée.
De temps en temps son pied gauche s’affale au fond du sillon... Il perd l’équilibre...

... il va chuter...
... non, il se rétablit... de justesse, happé par le vide, il bondit et repart.
Il court, serré dans l’espace étroit de ces deux lignes, la haie, la raie.... approche, n’hésite pas... tu le distingues nettement n’est-ce pas... si tu étais plus près, tu pourrais presque entendre et suivre sa respiration...
... halètement, air aspiré, rejeté, bruyamment... la bouche ouverte...
Comme il dit : ça trisse.
Maintenant, il s’éloigne...
Le champ qu’il suit sur son bord, est tout en longueur, strié de longues lignes parallèles. On pourrait penser qu’il vient d’être fraîchement labouré, les sillons sont peu profonds, en fait c’était un champ de pommes de terre, elles viennent d’être ramassées, les rangs ont été ouverts à l’arracheuse, un soc plus petit que celui de la charrue, toutes deux tirées par des bœufs.
Le champ est un rectangle brun au milieu d’une étendue verte. Le fond des sillons plus sombre. Les mottes accrochent les rayons du soleil qui décline.
Le champ, ainsi que le terrain alentour, est en faible pente, mais cette pente, loin d’être uniforme, est ondulée, des creux, des bosses, comme ici, un léger bombement ; dans le lointain, une sorte de cuvette.
Le champ : côté bas une haie, plus haut des prés, en bout une autre haie... ou plutôt un talus, un énorme dos d’âne, non seulement couvert d’arbustes, mais d’arbres. Ce talus, c’est ce qu’il appelle un murger. Sans doute, à l’origine, la courbe de niveau n’était arrêtée par rien et le regard pouvait continuer au-delà. Ça : il l’apprendra plus tard, pour l’instant, il est tout entier dans sa course...
À l’époque, où les hommes se sont construit des huttes, et ont commencé à cultiver le sol, ils ont dû défricher peu à peu. Des champs pleins de cailloux. Avec des paniers en osier tressé, ou simplement dans les bras quand il s’agissait des plus gros, parfois à plusieurs pour les énormes, ils en ont transporté de grandes quantités au bout des parcelles. Petit à petit, ces tas sont devenus de véritables talus. Encore, de son temps, en ramassant les pommes de terre, quand un caillou de taille moyenne apparaissait, déterré en même temps que celles-ci, celui qui l’avait d’abord confondu avec un tubercule, le prenait à pleine main, et s’il n’était pas trop éloigné du bout du champ, l’envoyait sur la butte, qui depuis belle lurette avait produit suffisamment de terre et d’humus pour que toutes sortes de plantes, les ronces d’abord, la colonisent, puis des arbustes comme les noisetiers ou les prunelliers ou encore les viornes, et enfin un bouquet de frênes ou d’érables champêtres dominant le tout. Les enfants aussi, pour se distraire du ramassage fastidieux auquel ils participaient, aimaient particulièrement lancer les cailloux en forme de patates. Une guerre des pierres sans méchants.
C’est à ce murger qu’il arrive, il traverse la mince bande d’herbe qui l’en sépare, quelques mètres, et on le voit disparaître dans le fourré. Saisi par le rideau vert qui luit dans le soleil. Fin d’après-midi. Fin d’été, mieux, approche d’automne. C’est vers le sud qu’il a fondu. Plus rien ne bouge. Silence.
Tu découvres, en prenant de la hauteur, c’est le point de vue de la vieille carte postale, un terrain en pente, quadrillé de prés et de champs, plus de prés que de champs : le rectangle qu’il a côtoyé, du même sépia défraîchi, s’inscrit dans une multitude de rectangles verts, tous déployés le long de cette pente suivant les courbes de niveau, de largeur variable, cabossés d’ondulations.
Sa maison, un peu à l’écart des autres, derrière lui maintenant, est côté sud du village.
Vert dominant de l’herbe, richesse primordiale dans cette agriculture : tout, ou presque, pour la vache.
Taches marron parsemées apparemment au hasard : la rupture des champs où la terre a été mise à nu.
La vue, à l’ouest, se perd vers le fond de la vallée, où coule une rivière dont le nom : le Sussuran dit combien elle n’est que murmure.
Les quadrilatères empilés, les prés, les champs, de forme semblable, assez réguliers, sont séparés par des ados, il dit une ados, de plus en plus marquées au fur et à mesure que la pente se redresse.
Succession arrêtée par les bois qui occupent tout le reste du versant est de cette petite vallée. Jusqu’à la crête. Bande continue toujours verte, mais beaucoup plus sombre. Un brun plus soutenu sur la carte postale.
Les mêmes figures se répètent sur l’autre versant.
Nous sommes à peu près dans cet entre-deux : là-haut la montagne et la forêt, en bas le creux de la vallée.
Les ados, les murgers, les haies, les arbustes, de-ci de là un bouquet d’arbres : la couture grossière mais voulue d’un immense patchwork jeté sur les flancs de cette vallée. Morceaux cousus au fil du temps, à l’emplacement de la forêt primitive.
Dans la densité de celle-ci, pas question alors de voir ni le fond de la vallée ni la ligne de faîte, quelques bipèdes, très poilus, se sont glissés.
Les premiers sont-ils arrivés du sud, en remontant les cours d’eau, le Rhône, l’Ain, le Sussuran depuis Conflans, à peine une journée de marche... ou sont-ils venus du nord, la Suisse, le Doubs, la Saône... ? Le premier cheminement semble plus naturel, encore qu’encombré d’obstacles et de passages difficiles, le second n’est pas invraisemblable, les premières migrations venant de l’Orient. Était-ce par grand beau temps, ou par ces journées d’hiver où la couche de neige est épaisse, où leur trace se mêlait à celles des bêtes, forcément sauvages, trace différente, la leur formant une piste tassée, tous l’un derrière l’autre.
Quoiqu’il en soit, il y a eu cette venue d’hommes habillés de peaux, équipés d’arcs et de flèches, munis, dans leur sac, en peau également, de haches aux durs et tranchants silex. Ils ont commencé à défricher à partir d’un centre, sans doute là où se trouve actuellement la place du village, ou peut-être un peu plus bas près de la source qui alimente la fontaine, son captage est juste derrière, elle devait déjà sourdre là, ils ont été les premiers à boire de son eau.
Génération après génération, les huttes se sont améliorées, le village a grandi, la trouée dans la forêt dense s’est élargie, le dessin des prés et des champs actuels, ces rectangles en cascade, a commencé de prendre forme. En artistes qui s’ignorent, et bien sûr poussés par la nécessité, c’est déjà l’accroissement de la natalité qui les avait conduits ici, à travers famines, épidémies, sécheresses, luttes fratricides, destructions, cataclysmes, ou simplement, sueurs, tours de reins, courbatures, fatigues à tomber raides, ils ont composé ce paysage admirable dans son équilibre, ses couleurs, sa douceur repoussant la selve dans les pentes les plus arides et les plus escarpées, là-haut.
Le village maintenant tassé dans sa cuvette, sur le flanc ouest de la vallée. Le flanc s’incurve à cet endroit précis pour accueillir dans cette niche une vingtaine de maisons, moins si l’on considère que plusieurs sont mitoyennes et forment une ranche allongée selon les courbes de niveau ; ça ressemble à une échelle, un montant unique : la rue ; les barreaux perpendiculaires : les rangées de maisons. Une boursouflure du terrain au nord forme une colline qui le protège des vents froids. Il est dans la pente, mais là où elle s’adoucit, profitant de ce repli. Les prés au-dessus plus abrupts qu’en dessous. Au loin, dans la direction où le gamin court, un cirque de rochers apparaît, incrustations blanc gris dans le vert foncé. De cet ensemble de maisons, tassées, avec la tache rouge des toits dans la lumière de septembre, une seule se détache, au sommet du village, massive, blanche, l’école.
Il s’imprèg

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