L homme qui n aimait pas les fleurs
193 pages
Français

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L'homme qui n'aimait pas les fleurs , livre ebook

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Français

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Description

Rentrant à paris après une mission humanitaire d'un an, Etienne s'interroge sur son identité et aspire à se poser. Mais la tentation de l'ailleurs le démange encore. Doit-il repartir soigner des victimes à l'autre bout du monde ou bien construire sa vie en France?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 263
EAN13 9782296709492
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’homme qui n’aimait pas les fleurs
 
 
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN: 978-2-296-13109-5
EAN: 9782296131095
 
Denis M.
 
 
L ’homme qui n’aimait pas les fleurs
 
 
Roman
 
 
L’Harmattan
 
À celle pour qui j’écrivais ce roman…
 
…mais qui n’est plus là pour le lire.
 
Paris, le 12 septembre
 
 
U ne ville en France s’appelle Paris. Au centre de cette ville se trouve une grande place. Au centre de cette place s’élève un grand totem, une stalagmite ou un phallus géant. Bienvenue à la Concorde !
 
Tout près, il y a un parc. Dans ce parc, il y a des arbres. Près des arbres, il y a des bancs. Des arbres sont dans le banc, mais nul banc n’est dans les arbres. Je m’assieds. À Paris comme dans la jungle, on s’assied sur des arbres.
 
Il fait nuit. Il fait noir. La tour Eiffel scintille : il doit être une heure pile. Onze heures ? Minuit ? Je ne sais pas, mais il est tard. Et je n’ai plus de montre. De toute façon, je n’aurais pas entrepris de rotation du bras : quand je suis bien, je ne bouge pas. Je regarde la nuit, noire, les arbres, verts, et le vert dans le noir. L’herbe est fraîche et je la sens. Je voudrais m’y tapir, me coucher dans le vent. Paris, la nuit, est un éveil aux sens.
 
Les phares, les lumières, les feux rouges : tout bouge et tout scintille. Les avions et les étoiles aussi. Seuls les lampadaires gardent un air impassible.
 
Sous ces ombrelles, des gens marchent. Puis ils se cachent, ils sont dans l’ombre. Puis ils réapparaissent sous la lueur prochaine. Tout est lumière la nuit. Sauf le ciel. La nuit, tout le ciel est gris.
 
Il me revient alors ce bout de poème écrit au cours de mon adolescence :
 
J’aime bien Paris la nuit, cette femme douce et calme.
 
Si l’on vivait la nuit, on vivrait sous son charme.
 
La vie est lente et belle quand elle est si sereine,
 
Et nul ne songe plus à ces heures qui s’égrènent.
 
Sauf moi, parce que l’heure tourne. Demain, dans quelques heures, ce sera Roissy, la famille, les amis ; les ennuis. Voilà ce qui m’attend. Si les passants savaient, ils seraient moins insouciants.
 
Une semaine ! Cela fait donc déjà une semaine que je suis rentré. Une semaine si redoutée, une semaine si vite passée.
 
 
***
 
 
Un an. Jour pour jour, un an après. Le 12 septembre était un dimanche l’année dernière. L’avion était à cinq heures ; Clara avait trente ans. Chez elle, ce soir-là, ou plutôt la veille, le 11 septembre, tout le monde était là : Matthieu, Florence, Hugues, Nicolas, Clara... Sauf que je n’ai pas réussi à lui dire « joyeux anniversaire ! ». Trente ans est un âge irréel, presque absurde, entre une jeunesse qui s’évade et un vieil âge encore trop loin. On est jeune ou on est vieux, mais on n’a pas trente ans. Trente ans n’est pas un âge : trop vieux pour être jeune, trop jeune pour être vieux. Bref, on est hybride. On se sent vide à trente ans si on n’a pas d’enfant, ce qui était notre cas.
 
Clara, pour moi, elle a toujours dix-huit ans ; ou maximum dix-neuf. C’est toujours la fille avec les couettes que j’ai connue au lycée, la fille entreprenante de la bande ; celle qui arrive souvent en retard en cours et qui pourtant embête tout le monde pour s’asseoir au milieu du deuxième rang ; celle qui réussit tout, tout en ne foutant jamais rien ; celle connue surtout pour n’être jamais en manque d’amis ou de bons plans. Des mecs, elle en avait partout, elle sortait gratuitement. Faut dire qu’elle était belle. Des lèvres fines et souples, toujours ouvertes. Derrière, deux petites dents toutes blanches à peine trop écartées et un regard noisette. C’était vrai qu’elle était belle. Pour se faire des amis, ça aide, il paraît. Ça dépend quels amis... Clara, au fond, elle sortait avec tout le monde et elle sortait avec personne. On l’appelait « l’hirondelle » : la fille qui passe partout, vite, sans se poser. La fille qui plane partout, toujours, sans s’arrêter. Ça plaît beaucoup aux mecs... pour un temps.
 
Elle était belle et l’est sans doute encore. En tout cas, l’an dernier, du moins le 11 septembre, le soir de ses trente ans, elle nous éblouissait. Une femme jeune, fine, élancée. Celle dont on rêve. La femme moderne des magazines : superwoman , drôle et branchée. Clara... Je n’ai pas pensé à toi une seule fois depuis douze mois, mais ce soir, un an après, tout ton être revient à moi. Si j’étais une femme, je voudrais être toi.
 
 
***
 
 
Le vent se lève à la Concorde. Enfin, un léger souffle. Les feuilles frissonnent dans le noir et j’aime ça. Si seulement vous saviez comme j’aime ça ces petits frissons de vent, comme des maracas encore lointaines qui jacasseraient ici et là : être à l’écart de la fête mais jouir encore des éclats lumineux dans le ciel ainsi que des cris de joie.
 
 
***
 
 
Chez Clara, tout à coup, un petit groupe se forme autour de moi car je pars en voyage. C’est Clara qui leur a dit, mais ils savaient déjà pour la plupart.
 
− Tu n’as pas peur ? Tu sais ce que tu vas faire là-bas ?
 
Non, je ne sais pas. Les gens trouvent ça bizarre que je ne veuille pas savoir.
 
− C’est où le Katanga ?
 
En Afrique, l’Afrique des grands lacs, à deux pas du Kenya. Toujours les mêmes questions, toujours les mêmes regards. C’est bête les discussions d’avant départ : les gens voudraient déjà savoir. On devrait raconter comme c’était bien Ibiza avant même d’y avoir mis les pieds ; décrire la Grande muraille sans jamais l’avoir vue ; dire comme il fait froid en Russie, c’est terrible, avant même d’y être allé. Pff ! Ça me gave !
 
Ce soir-là, mon rôle est celui du mec un peu bizarre qui, par sa bizarrerie, anime comme il peut la soirée. Plus on est comme les autres, plus on recherche quelqu’un d’original, un bouffon ou un con, pour apporter une touche exotique nécessaire au « désennuyage » collectif. C’est ainsi que dans cinq ans, on se souviendra peut-être de ce 11 septembre-là en disant :
 
− C’était la soirée où il y avait ce mec grand et mince qui partait au… Kantangoua, c’est ça ?
 
− Ouais, au Kantanga ou au Katangata. Enfin, en Afrique, dans un endroit comme ça.
 
Katanga. Le Katanga. Dans cinq ans, on se souviendra de ça... au mariage de Clara.
 
Ce mec, grand et mince, jouant le rôle du bizarre, c’est moi. Je suis blond aussi, si vous voulez tout savoir. Je dois dire que ce rôle, en fait, pour être honnête, ne me déplaisait pas ; je ne savais pas comment meubler cette veille de départ. J’avais la flemme de faire une fête chez moi et puis je ne voulais pas : je ne tenais pas spécialement à marquer cet événement. Partir plutôt incognito , sans rien dire, comme si de rien n’était. Pour moi, c’était la continuité, la suite du chemin. Pour l’an d’après, revoir les potes et les entendre dire :
 
− Alors, ça fait un bail. T’étais où ? Tu faisais quoi ? Ah, oui ! Le Tanganika ?
 
− Non, le Katanga.
 
Mais je désirais encore moins rester seul, style « soirée télé », avec les divertissements du samedi soir, les variétés, toutes ces images vues et revues, déversées en boucle comme pour nous engraisser, les grands zappings, les bêtisiers, bref, le meilleur du meilleur de la télé. Non merci, j’ai déjà donné !
 
 
***
 
 
Un couple de Japonais passe

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