La FEMME DE REVE
55 pages
Français

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Description

Un regard moqueur sur le quotidien des couples …
Quiproquo, jalousies, tabous, propos machistes, ironie sur le monde savant, sans oublier l’importance du soccer…
Un savoureux mélange à déguster en 26 petits récits.
La femme de rêve est un recueil de nouvelles bien ancrées dans la réalité brésilienne actuelle qui fait cependant écho à la réalité de la vie nord-américaine et européenne.
Les thèmes reflètent la complexité des rapports humains dans un genre résolument humoristique porté par un narrateur ingénu et bon vivant. Rien n’est épargné. Les histoires forment une fresque de situations et de mises en scène cocasses qui traduisent bien les contradictions de la vie moderne.

Informations

Publié par
Date de parution 26 août 2013
Nombre de lectures 5
EAN13 9782897261108
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le père des sages


L ’idéal serait que tous, nous aimions les livres. Et que nous les aimions avec tant de ferveur que le monde deviendrait une véritable communauté de bibliophiles. Nous serions tous, de fait et de droit et sans mauvaise grâce, des enfants chéris du dictionnaire, qui deviendrait alors le « père des sages ». Et la flopée de livres ferait partie du patrimoine de chaque famille, comme un trésor héréditaire.
Sauf que le monde d'aujourd'hui est bien loin de ça.
La majorité des gens vit en « apparpetitement », un type de construction avare d’espace et réfractaire aux livres. Dès sa conception, aucun endroit n’est prévu pour les loger dignement. Il y a même des immeubles dont la structure ne peut supporter le poids d’une accumulation de volumes. Un poète m’a raconté avoir été invité à déménager d’un condominium, sous prétexte que sa collection provoquait des lézardes dangereuses à l’immeuble. En outre, plusieurs jeunes lui avaient emprunté des livres de fiction et de poésie et, d’après le procès-verbal d’une réunion de condo, ceux-ci finirent par négliger d'étudier en vue de leurs examens. Les parents se mobilisèrent contre les « mauvaises influences ». À la réunion, après discussion des crimes et comptage des voix, le syndic, fort de son élection, réussit à bannir les livres et les occupants indésirables, avec l’appui massif des propriétaires .
Il est arrivé pire à un journaliste de mes amis, qui avait la manie d’encombrer sa maison de livres. Allergique incurable, son épouse le mettait en garde :
— Tes livres vont me tuer !
Il arrangeait les choses, promettait de se débarrasser des volumes plus anciens et de limiter sa collection. Il promettait, mais en vain. Compulsif, il collectionnait les premières éditions. Ne perdait pas une séance de signatures, car il adorait les ouvrages dédicacés par leur auteur. En plus, il recevait des livres en cadeau. Et sa femme l’avisait :
— Choisis : c’est moi ou tes livres usagés…
Il promettait d’y voir. Triait péniblement les volumes à écarter, remplissait des caisses et des caisses qu’il empilait dans les coins de la maison. Des mois plus tard, il en venait à improviser une autre étagère et… y replaçait les livres. Un jour, sans autre avis, sa femme demanda officiellement le divorce. Elle le quitta et il resta seul, assailli de toutes parts par ses livres.
L’autre jour, j’ai demandé à mon voisin quel livre il lisait en ce moment. Décontenancé, l’homme s’est gratté la tête, plissant le front comme s’il fouillait dans sa mémoire. Puis, l’air de rien, il détourna la discussion sur les problèmes de l’immeuble. Il avait sûrement honte de me donner la seule réponse honnête et évidente. « Aucun ».
Il y a quelque temps, une revue pédagogique établit qu’on lisait peu au Brésil. Qui donc en a le temps ? Il existe même pour les étudiants des résumés commentés de romans ! On dirait que le temps de lire se perd dans les bouchons de circulation, les files d’attente et les soirées de travail au bureau. Fatigué, l’ex-lecteur en vient à céder aux appels de la télé, des vidéos, de l’ordinateur. Les livres, jaunes de tristesse, moisissent sur les étagères, abandonnés aux mites qui les mangeront.
Mais il y a les « malades » de livres. Une manie de plus en plus rare, à vrai dire, mais qui atteint encore ceux-là qui ne se sont pas laissé vacciner par la logique du monde pratique. Oui, il y en a encore qui entrent dans une librairie et fouinent dans toutes les sections, en quête de nouveautés. Et ils ne bougent pas de là tant qu’ils n’ont pas sorti leur carte de crédit pour acheter quelques livres qui, souvent, vont moisir des années durant dans l’attente d’une lecture.
Je l’assume : j’adore acheter des livres. En passant devant une librairie, je sens une démangeaison sans remède. Mes yeux vont de l’avant, un aimant attire mes jambes de l’autre côté de la porte et mes bras s’étirent vers les étagères.
Ma foi, c'est facile d’accumuler des livres ! Ce qui est difficile est de les lire tous. Encore hier, j’en ai lu un que j’ai acheté en 1980. Et d’autres encore plus vieux me défient, comme s’ils me surveillaient, là, du haut de l’étagère, exigeant mon attention.
Il existe dans le monde beaucoup de livres non lus. J’ai déjà trouvé à la bouquinerie de très anciens imprimés aux pages non découpées; une preuve parfaite et indubitable de virginité. Les livres sont chers et, une fois lus, ils s’amoncèlent chez soi, apparemment sans utilité. Si on n’a pas l’esprit de s’en défaire, tellement nécessaire de nos jours, on court le risque de leur disputer l’espace. Les appartements ne tolèrent pas les livres, ces intrus. Parfois, la petite chambre de bonne sert de débarras. Sinon, il s’agit de les étaler un peu partout, en piles, harmonisant sujets, couleurs et formats.
Un de mes amis a rempli de livres son appartement, petit à petit, jusqu’à ce qu’un jour, il ne lui reste plus que les corridors comme habitat. Et même là, avec des tas de livres alignés le long des murs ! Vint un temps où il ne fut plus possible d’y vivre. Que faire ? Il a dû acheter l’appartement d’à côté, où il s’installa avec femme et enfant. On peut dire qu’il fut littéralement expulsé de chez lui par ses amis de la bibliothèque. Ses livres possèdent maintenant leur propre appartement dont lui, réduit au simple voisinage, doit encore se charger des taxes et des frais de condominium.
J’ai un collègue plus avisé. Il évite les livres, tout comme sa femme évite les enfants. Chacun fait sa part pour conserver propre et aéré le deux et demi où ils habitent depuis plusieurs années. Sa femme veille sur le respect de leur accord. De temps à autre, s’il arrive avec un opuscule à la main, elle l’avertit, d’un air grave et sévère :
— Pas de livres ici; c’est eux ou nous !
Elle coupe le mal à la racine.
Dans certains cas, un à un, les livres s’infiltrent à domicile comme des envahisseurs furtifs et astucieux. Alors, la chose est sérieuse : un trois et demi peut se muer en deux et demi ! L’une des pièces devient, par euphémisme, la « salle d’étude », où un écrivain entêté ou un professeur de littérature cultive les platebandes d’un jardin qui grandit sans cesse. Et si on laisse aller, les acquis se multiplient à une vitesse stupéfiante.
Un sage a affirmé que « le fou est celui qui prête des livres; et l’idiot, celui qui les rend. » Mot d’esprit d’un illuminé. Mais le livre peut demeurer à jamais un objet d’emprunt. Il se trouve toujours un ami, un voisin, un parent qui nous en emprunte un et jamais ne nous le rend. On a beau réclamer, envisager de se faire rembourser le capital investi, mais personne n’a le courage d’aller le récupérer. Où le placerait-on ?
Un collègue m’a dit que si on lui rendait les livres déjà empruntés, il pourrait ouvrir une bouquinerie. Que voilà une manière efficace de se débarrasser d’eux, lus ou non. Une fois, j’ai apporté une trentaine de livres chez le marchand. J’en ai obtenu des prix si bas que je n’ai pu me procurer en échange que quatre ou cinq volumes. Ensuite, je l’ai regretté. Insomniaque, je voyais des livres tristes et solitaires, parmi un tas fumant d’œuvres abandonnées. J’ai perdu le sommeil et la paix d’esprit.
Je suis retourné à la bouquinerie. J’en ai racheté une dizaine, tous au triple du prix. Je les ai avec moi, même si je ne leur accorde pas l’attention voulue, ni ne les lis. Comment faire ? Le temps nous manque pour lire tous ces livres que les écrivains persistent à écrire. Nous les entassons donc en piles énormes au pied du lit, à côté du système de son, dans l’escalier, sous la table, avec l’espoir que le monde change et que notre ancien temps de lecture nous soit restitué.
En attendant, je vis dans les dettes et le doute sur ce qu’il me faudrait lire. Tant de classiques que je n’ai pas lus, alors que le temps et la vie sont si courts ! Devant les livres vierges, le remords me ronge et va même jusqu’à me démanger l’âme. Je me glisse entre les étagères, craignant de réveiller les livres au milieu de la nuit. Je les imagine formés en peloton d’exécution et me fusillant à bout portant comme un déserteur. Si les dictionnaires décident de me sauter sur la t&

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