La nuit des Coeurs froids
326 pages
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La nuit des Coeurs froids , livre ebook

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Description


Harald était un vampire psychique heureux jusqu’à ce qu’une pénurie énergétique frappe les cadavres dont il se nourrit, mettant sa santé en péril. Très vite, il constate que ces dépouilles ont des organes aberrants et le mystère s’épaissit encore lorsque ses homologues buveurs de sang tentent, sans raison apparente, de stopper ses recherches. Avec l’aide d'amis, Harald découvre qu’il n’est pas seul victime de phénomènes pour le moins étranges : au même moment, Glasgow subit une vague affolante de suicides et voit l'apparition d'humains mutants. Tous ces événements ont-ils seulement un lien entre eux ? Nicolas Flamel, devenu immortel grâce à la pierre philosophale, observe, conscient de leur gravité. Il décide alors de réunir une équipe pour enrayer cette menace qui se profile à l’horizon.
Mais les enjeux sont-ils aussi évidents qu'ils le croient ? Bien des surprises les attendent...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 10
EAN13 9791090627512
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Esther Brassac La Nuit des Coeurs froids Editions du Chat Noir
Prologue Écosse, Glasgow… Le ciel assombri par des nuages plombés est typique de ce mois de septumbéöl dont les journées lugubres minent le moral des plus aguerris. Le klaxon d'une autovolide tintinnabule, des pneuma tiques crissent sur le pavé, une querelle s’élève, puis le silence retombe. Un s ilence interminable, empreint de mélancolie. Sa texture morbide déconcerte Samaël. U n frisson parcourt son échine. Il tend l'oreille, perplexe, scrute l'horizon depuis s on balcon. Une myriade de fenêtres ovoïdes aux vitraux colorés tache la pénombre, créa nt un tableau abstrait. Il ferme les vantaux incurvés de la sienne pour aller se réchauf fer près du poêle à incandescence. Le médiolphone diffuse un morceau de jazz rock qui ne lui apporte aucun réconfort, pas plus que son café fumant. L'am ertume du breuvage lui arrache une grimace et il abandonne la tasse encore pleine dans l'évier. L'atmosphère oppressante imprime une sensation péni ble sur son esprit. Il tente de se focaliser sur l'harmonie de sa vie, mais une ombre malsaine tapie dans les méandres de son psychisme le hante. Un tic nerveux agite sa lèvre inférieure. Cette chose inconnue rampe en lui, insidieusement, le tor ture avec une précision chirurgicale. Une angoisse l'étreint. La peur de l'avenir ? Non, le futur est riant : bientôt, il sera uni à sa bien-aimée, son travail le passionne... qu e pourrait-il demander de plus ? Il sourit machinalement, et ses lèvres se craquellent. Il les humecte avec peine. Oublier une existence de rêve, c'est absurde ! Pourtant, ce tte évidence le terrasse au lieu de le fortifier. La présence mortifère le soumet. Rageusement. Tel un étau d’airain. Ses muscles se tétanisent. Il voudrait hurler ; un râle seul jaillit de sa gorge. Le miroir de la salle de bain lui renvoie un visage ca davéreux : yeux exorbités, peau parcheminée, langue gonflée. Il éprouve l'horreur d e l'animal pris au piège sans espoir de secours. Un mal de tête vrille son crâne. Les pulsations de son cœur se précipitent, décompte implacable du temps qui lui reste à vivre. Personne ne peut rien pour lui. Il le sent, intimement. Nul remède n'atté nuera son martyre. La domination progresse encore, pervertit son âme. Peu à peu… Alors, l’angoisse se mue en fascination. Comme un automate, Samaël claudique jusqu'au bahut de la salle de séjour. La porte grince et dévoile une bouteille de whisk, pui s deux autres cachées derrière la première. Il les décapsule. Les observe. Le temps d’un battement de cœur. Une éternité. Sans comprendre son geste, il s'en asperge. Le parf um épicé de l'alcool embaume la pièce. De sa poche, il sort un briquet en argent dont les initiales gravées en arabesques élégantes le narguent, palpitent, roulent, se décom posent.
Il ouvre la fenêtre et salue un voisin, témoin de c et instant exceptionnel. Il devine que l'acte abject qu'il s'apprête à accomplir est e ssentiel, même s'il en ignore le mobile. Le claquement du briquet rompt le silence. Des flammèches, d'abord hésitantes puis plus téméraires, lèchent le bas de sa chemise. Il ferme les yeux avant de s'embraser. Il ne ressent rien si ce n'est la bé atitude d’un pion obéissant posé sur l’échiquier du monde.
Un Provençal à Glasgow, un ! Le 16 du mois d'octumbéöl Les quelques notes émises par l'hôtesse violoncelli ste informèrent les passagers de leur atterrissage sur la piste de l'aérodrome. E lle déposa son archet, saisit le cornet de communication puis murmura d’une voix flû tée : — Nous espérons que vous avez pris plaisir à cette traversée avec les Dirigeables éoliens nationaux et vous souhaitons un agréable séjour dans les Terres écossaises. Les voyageurs descendirent de la passerelle en file indienne. Antoine Bouchardon fut l'un des derniers à poser le pied su r le pavement. L’hôtesse lui lança une œillade enjôleuse. Instinctivement, il se redre ssa et sourit. Ses yeux amarante – héritage génétique de son arrière-grand-mère – sa c hevelure aile de corbeau et la timidité qui chiffonnait sa figure lui assuraient l e succès auprès de la gent féminine depuis son adolescence. L'aérodrome, de la taille d’un mouchoir de poche, s e situait sur un coteau dans l'enceinte même de Glasgow. Antoine contempla la pe tite cité, fasciné. Autour, la forêt s'étendait à perte de vue, pénétrant au sein de l’a gglomération avec laquelle elle fusionnait. La féerie des immeubles de cristal aux éclats violacés n'avait pas d'égale, mais le plus étrange se signalait par l'adaptation des bâtiments à la structure contournée des végétaux. Les ramures des arbres cen tenaires modelaient les parois diaphanes qui se distordaient comme guidées par la Nature, leurs frondaisons chapeautaient les tuilages argentés tandis que les racines enveloppaient la base des édifices. Partout, les rues étaient noyées dans un désordre ligneux et feuillu dont l'exubérance se révélait parfaitement orchestrée lo rsque l'on détaillait l'ensemble. Les réverbères de fer forgé imitaient la corolle des ca mpanules, les cabines de communication télégramophonique lançaient leurs faî tes au travers de guirlandes de pois de senteur. Antoine se demanda comment la végé tation pouvait être aussi florissante en cette saison automnale, puis il aper çut des flammiphores dont les énormes cornets flottaient dans le ciel à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de lui. Le dernier numéro du journal parascientifique auquel il était abonné évoquait cette technomagie qui constituait la solution idéale à la lutte contre les frimas. Un jour, peut-être, les scientimagistères trouveraient-ils u ne parade pour rendre les nuages invisibles. Antoine suivit le flot des touristes qui se déversa it vers la grille de sortie, dévala les marches empierrées jusqu’au rez-de-sol et repor ta son attention sur l’effervescence urbaine. Les gazouillis des oiseaux se mêlaient aux soupirs des véhicules à vapeur. Il demanda son chemin à plusieu rs reprises avant d'atteindre la pension de famille des Murray, située au cœur du vi eux Glasgow. Là, les constructions vétustes se voyaient rénovées grâce à des treillages métalliques superposés aux matériaux plus anciens. Cette combin aison le laissa dubitatif. Il stoppa devant la demeure des Murray qui relevait du même goût. Des ouvertures ovoïdes perçaient les étages de la façade en torchi s. Trois tourelles se connectaient à la toiture sans qu’il soit possible de déterminer par quel miracle elles se maintenaient. Antoine poussa la porte. Il fut accueilli avec chal eur par le réceptionniste et conduit aussitôt à sa chambre. Le jeune homme dépos a bagages et haut-de-forme avant d’examiner la pièce. Des rideaux jaunes encad raient la fenêtre d’où émergeait
un camaïeu de rayons colorés. Il ouvrit l'armoire d e style Chipchindal afin d’y ranger ses habits. — Oooh, un système antimite dernière génération, s'émerveilla-t-il en apercevant, fixé au vantail, l'appareil dont le cadran indiquai t pour l'heure l'absence d’insecte indésirable. Puis il essaya le lit à pistons, «les pistons en laiton perforé avec coulissements à vapeur qui vous offrent un confort suprême !» comme le mentionnait la publicité vue sur les écrans de communication aériens. — Moelleux à souhait, confirma Antoine, les fesses enfoncées dans le matelas. Un édredon en patchwork et des bibelots victorians ajoutaient leur touche cosy. Le tour d'inspection dans la salle d’eau acheva de le rassurer. Voilà qui commence à merveille. Espérons que ça dure ! Antoine se souvenait d’histoires troublantes narrée s par un compatriote à propos du couple de loups-garous, gérants de la pension : des clients auraient disparu quelques années auparavant, mais le jeune homme ref usait d'accorder foi à de telles médisances. Les lycans fréquentaient la société hum aine depuis des siècles. La loi sur la Quarantaine lunaire votée le 3 Juniélym 1789 s'était révélée suffisante pour apaiser les esprits. Les cas de morsure demeuraient exceptionnels. Antoine savait les garous largement représentés sur le territoire écossais et il avait justement opté pour cette contrée en raison de son atmosphère. Cel a le changerait de sa Provence natale où les races lutines constituaient le gros d es espèces féeriques. — À moi les heures de détente, de « je-ne-fais-rien -et-j'en-suis-fier » ! Antoine rangea son frac dans l’armoire, enfila un v eston plus confortable et descendit au rez-de-chaussée. Il commanda un verre de Glenmorangie qu'il dégusta en écoutant d'une oreille distraite les discussions des autres pensionnaires. Le salon d’accueil à l'ambiance feutrée lui rappelait les cl ubs privés décrits dans les romans de Conan Dayle et de son célébrissime Shorleck Helmes. — Vous désirez autre chose, Monsieur ? fit une voix caverneuse. La cinquantaine bien sonnée, l'aimable hôtelière, m amelue et joufflue, le contemplait interrogative. Antoine sortit de son rêve éveillé et regarda son i nterlocutrice avec gêne : — Excusez-moi… vous disiez ? — Voulez-vous grignoter quelque chose avec votre wh isk ? — Non, merci. Antoine détailla l’imposante humanoïde. Ses bras mu sculeux et poilus se terminaient par des mains aux griffes courtes, quoi que redoutables. Un fin duvet recouvrait son visage barré par des sourcils fourni s. Quant au nez, ses proportions auraient capté l’attention de Cyrano de Bergiroc s’ il avait eu le loisir de l'examiner. L’ensemble était cependant adouci par une toilette des plus féminines : ample jupon, tunique fleurie et tablier amidonné. — Je m'appelle Guenièvre Murray et suis ravie de vo us accueillir dans notre belle ville. — Enchanté ! Moi, c'est Antoine Bouchardon. La poigne d’acier faillit avoir raison des doigts d u jeune homme qui étouffa un juron. Il frotta sa main sous le plateau de la tabl e pour rétablir la circulation. — Avez-vous des projets de vacances ? — Plein : visite des musées, de la cathédrale et du Jardin botanique… la cité elle-même en est un, c'est fou ! — En effet, nous vivons en harmonie avec la nature. Que prévoyez-vous en
premier ? — Un château du nom de Lost Castle dont une amie m' a parlé. Elle dit que c'est LE petit chef-d'œuvre architectural du coin. — Euh… pourquoi pas Pollock House ? C'est un manoir dont les murailles sont emprisonnées entre les branches de cinq des plus gr os séquoias de la région. Le spectacle vaut le détour, assura la brave lycante l es mains à plat sur son tablier à carreaux. — Il paraît qu'à l'intérieur, Lost Castle est un vr ai bijou, répondit Antoine sans prêter attention à la suggestion. — Il n’est pas mal. Un autre loup-garou s'approcha tout sourire. D’un g abarit identique à celui de Guenièvre, il arborait une chevelure qui tombait en mèches épaisses sur ses épaules. — La très bienvenue à vous, fit-il en écrasant une fois de plus les doigts d'Antoine. — Sylvère, mon mari, précisa Guenièvre tournée vers ce dernier. — Enchanté ! — Êtes-vous bien installé ? — Oui, merci. — Monsieur Bouchardon s'apprête à visiter Lost Cast le, indiqua la tenancière, une main sur le bras de son conjoint. — Oh. — Lost Castle est ouvert, n'est-ce pas ? — Oui, fit Sylvère laconique. — Un problème ? — Rien de grave. Sylvère se dandinait d'un pied sur l'autre. Antoine dévisagea ses interlocuteurs : — Pas desoucisavec cette demeure, j'espère ? Les Murray rirent de concert. — Ne vous alarmez pas. C'est seulement que… Le lycan observa Antoine, l’air sceptique. Ce derni er ne put déterminer si c’était en raison de ses iris amarante, insolites chez un h umain, ou s’il y avait une cause directement liée à leur conversation. — Quoi ? — Des rumeurs courent sur ce château : il serait ha nté par une troupe de spectres caractériels. Ça pourrait gâcher votre vis ite. — C’est passionnant, j’adore les histoires de fantô mes ! Dites-m’en plus. Le tenancier ignora la demande, les yeux braqués ve rs des touristes qui entraient. Antoine insista, mais le mutisme de ses hôtes le co nvainquit de la stérilité de sa requête : il n'en saurait pas davantage. — Allez, bonne journée, s'exclamèrent les Murray av ant de s'éclipser pour accueillir les nouveaux arrivants. Un château hanté, c’est courant en Terre écossaise. Pourquoi sont-ils si gênés ? songea le Provençal avec perplexité. Il sortit de l'établissement et se dirigea vers une station de taxiflores. Les véhicules, dont la forme ventrue évoquait une théiè re, étaient dotés de six roues motrices offrant une maniabilité optimale. Sur leur s toits, des plantes photovoltaïques fournissaient l'énergie nécessaire à la mécanique. Antoine monta dans l'un d'eux et pria le conducteur de prendre le chemin des
écoliers jusqu’à Lost Castle afin de continuer sa d écouverte de la cité. Dans les rues grouillait une multitude bariolée qui l’amusa par s a diversité : des Écossais pure souche côtoyaient la gent lycante ainsi que nombre de races elfiques et naines. Il ne fut guère surpris de n'entrevoir aucun lutin, car l eur espèce avait été décimée lors de l’épidémie de peste de 1843 qui laissait de tristes souvenirs dans la mémoire collective. — Not’cité est cosmopolite, pas vrai ? fit le chauf feur en se tournant vers son passager. — Fascinant ! reconnut Antoine l’œil fixé sur des e lfes vêtus de pétales chamarrés. — Vous v’nez d’loin, si c’est pas indiscret ? — Du Royaume des Gaules Unies. — Z’êtes gaulois ! — Provençal, pour être exact. — J’m’en doutais avec vot’e accent chantonnant. Le chauffeur étala un sourire sur sa bonne figure e t reprit avec plus d’entrain : — Si vous étiez arrivé hier soir, vous auriez p’être pu apercevoir des gargouilles. — Vraiment ? J’ai vécu cinq ans à Parys durant mon enfance et il y en avait plein. J’avoue qu’elles me faisaient peur. Elles ont migré lors d’un été caniculaire et on ne les a jamais revues. Il y en a beaucoup par ici ? d emanda Antoine vaguement inquiet. — Ouais, sont très actives. Elles déchiquettent c’q ui passe à leur portée. Craignez rien, c’sont des charognards. S’attaquent pas aux vivants, sauf si on les embête. À c’te saison, y a parfois des p’tits group es qui cherchent leur nourriture jusque dans la Morgue ou les cimetières. C’est qu’n ot Glasgow est protégée du froid par les flammiphores, c’qui est pas l’cas des régio ns environnantes. C’te bestioles, elles ont faim. L’lord-maire y fait porter d’la via nde sur des aires exprès pour elles, mais i’ peut y avoir des incidents. Pas bien grave. Pas comme dans c’best-seller qui parle de vampires. — Celui de Brom Stalker ? fit Antoine en souriant. — Terrible, hein ? Ça fout les ch’tons. — Heureusement, les vampires n’existent que dans le s romans. — Ah ça, c’est bien vrai. J’préfère nettement les g argouilles. Le brave homme raconta une anecdote afin de détendr e son passager dont il sentait l’anxiété puis changea de sujet. — Z’êtes en voyage d’affaires ? — En vacances. En fait, je travaille à la Grande Bibliothèque Onirique. Son interlocuteur hocha la tête en signe d’admirati on. Depuis des siècles, l’institution recensait les son ges des rêveurs de toutes races, archivant des centaines de millions d’utopies sur v élin. — Faites quoi ‘xactement ? — Je vérifie que chaque fiction conserve son potent iel imaginaire malgré l’usure du temps. Le chauffeur posa des questions auxquelles Antoine se fit un plaisir de répondre. Il déposa le jeune homme devant la grille de Lost C astle où attendaient des touristes. Antoine régla la commission et le quitta avec un ge ste amical de la main. Quelques instants plus tard, un homme coiffé d'un tricorne s ’approcha avec un discours de bienvenue : — Je m'appelle John Walker, gardien de cette demeur e ancestrale. Si vous voulez me suivre, ladies and gentlemen.
Une allée sablonneuse sinuait entre deux rangées de hêtres et tous s'y engagèrent. Le guide dispensa des informations conc ernant les plantations qui s'étendaient de part et d'autre sur des pelouses so igneusement entretenues. Ils s'arrêtèrent devant le portail d’entrée. — Le château fut bâti au XVe siècle, précisa John. Il pointa un doigt vers les tours d’angle, puis ver s l’énorme donjon seigneurial percé de meurtrières et la bâtisse principale, agra ndie durant la Renaissance. Enfin, il désigna des fenêtres plus récentes, fruit de modifi cations réalisées au XVIIIe siècle. — Je vais maintenant vous montrer l’intérieur. Antoine emboîta le pas au groupe qui écoutait les c ommentaires du gardien. Celui-ci les entraîna d’abord dans le hall lambriss é de boiseries, ensuite vers des salons, petits et grands, et jusqu’à une galerie au x murs recouverts de portraits d'illustres inconnus. Le jeune homme ne savait plus où regarder tant il y avait à admirer. Il sortit un ordigraphe de sa poche. L’app areil, récemment apparu sur le marché, permettait de communiquer, consulter des in formations et bien plus encore. Cette merveille de technomagie remportait bien des suffrages, aussi ses ventes s'envolaient-elles depuis plusieurs mois. — Puis-je prendre des photos ? — Faites ! L'après-midi touchait à sa fin lorsqu'il prit congé de John Walker. Un mobilbus, berlingot sur rails coiffé de cinq soupapes à vapeu r, le reconduisit jusqu’à une station proche de la pension de famille. Dans le salon d’accueil régnait une joyeuse cacopho nie, mais Antoine était trop fatigué pour s’y mêler. Il grimpa l’escalier menant jusqu’à sa chambre avant de s'étendre sur son lit à pistons, comblé par ces pre mières heures de vacances. Elles débutent bien. Pas de fantôme en vue, dommage ! Dans la soirée, Antoine descendit prendre un « High Tea » constitué de poisson fumé, tourte, cake aux fruits, accompagné de thé à volonté. Repu, il regagna sa chambre, décidé à passer quelques appels vers le Ro yaume des Gaules Unies. Où ai-je rangé mon ordigraphe ? Il fouilla les poches de son veston et de son panta lon, poursuivit ses investigations dans les recoins de la pièce. En vai n. Brusquement, la mémoire lui revint : il l’avait posé sur une commode du château puis oublié. Le malaise d'une vieille dame en était la cause… Il avait pris une photo et soudain, sa voisine s’ét ait affaissée contre lui, évanouie. Il avait abandonné son appareil pour la soutenir ju squ'à ce que la vapombulance arrive. Le remue-ménage, les commentaires échangés avec les autres visiteurs, l'ordigraphe lui était sorti de la tête… Il devait le récupérer sans délai. À cette perspect ive, Antoine frissonna. Sans en discerner la raison, Lost Castle, le si plaisant ma noir, lui parut inhospitalier. À une heure du matin, il s’acharnait encore devant les pages d'un roman dont il n'avait pas lu une ligne. Il s'allongea dans l’espo ir de dormir. Les heures passèrent. Dans le couloir, les clochettes de l'horloge à vape ur tintèrent. Antoine se retourna dans son lit. Trois heures. Le film mental d'une su ccession de moutons, bêlant et sautillant, ne lui fut d'aucune aide. Quatre heures moins le quart. Quatre heures trente. Agité, Antoine s'endormit enfin, l'esprit p lein de cauchemars.
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