LE PETIT GENERAL
113 pages
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LE PETIT GENERAL , livre ebook

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Description

C’était en 1969, à la fin d’une décennie marquée par de nombreux bouleversements !
C’était le temps de l’après 68, de la contestation chantée par Johnny Hallyday, de l’émergence des Hippies, des Shadoks qui pompaient encore et encore sur les petits écrans « noir et blanc », des premiers hommes sur la Lune...
Pendant de ce temps, en Provence, un petit garçon élevé par ses grands-parents découvre et observe ce monde avec l’insouciance de ses dix ans, partagé entre ses interrogations, ses jeux, son école, ses camarades et ses aventures insolites.
Denise était une figure de la rue de la Longe. Cette petite femme brune à la cinquantaine corpulente et bavarde comme une napolitaine, ne pouvait apercevoir quatre personnes assemblées sans se précipiter vers elles et entrer dans les conversations. Comme elle avait grandi dans cette épicerie, puisqu’elle en avait hérité de ses parents, elle connaissait tous les habitants de la rue, ce qui lui procurait de très longues conversations.Denise aimait beaucoup grand-père. Elle était sa cousine au deuxième degré mais comme elle avait perdu son père assez tôt, elle avait reporté sur lui une sorte d’amour filial. Grand-père le savait et la laissait faire. Il en éprouvait une certaine fierté. Il avait bien essayé une fois ou deux de m’expliquer ce que « deuxième degré » signifiait, mais je crois que j’en étais humblement resté à la notion primitive de « cousine » qui me convenait très bien. Un passage dans l’épicerie de la cousine Denise était donc l’opportunité de parler des petites affaires de la famille et prendre des nouvelles de ceux qu’on voyait le moins souvent.Après, nous nous arrêtions chez Michel, le boucher. La petite cinquantaine mal négociée, rubicond et pansu avec de petits yeux noirs surélevés de sourcils consistants, ce brave homme riait volontiers aux bons mots et maniait le couteau avec une très grande dextérité malgré des mains épaisses. J’ai par contre le souvenir d’une vision mêlée de dégoût et d’effroi sur le tablier qui enveloppait son énorme bedaine où les traces de sang laissées par la viande coupée dessinaient d’étranges figures anachroniques avec les traînées plus pâles des endroits où il s’était essuyé les mains.Les hommes du village aimaient beaucoup Michel, mais surtout ils aimaient passer par son magasin parce que sa femme qui travaillait avec lui, était une belle femme d’une quarantaine d’années connue pour ne jamais refuser ce qu’on lui demandait avec politesse. Pour ce qui était des femmes du village en revanche, c’était une autre histoire. Elles acceptaient mal la générosité accommodante de la femme du boucher et parlaient d’elle en des termes peu élogieux en la baptisant de tous les noms d’oiseaux connus … et inconnus. Je ne crois pas qu’il n’y ait jamais eu autant de spécialistes en ornithologie regroupées au sein d’un même village.Mais Michel était un homme gentil, vaillant et travailleur qui faisait très bien la boucherie et on lui pardonnait généreusement sa grande infortune.Le père de Michel, François, était un grand ami de grand-père qui l’appelait « Tchoi ». D’ailleurs, grand-père était une des rares personnes du village à avoir la suprême approbation de l’appeler par ce sobriquet. Ils avaient fait l’école communale ensemble, et même l’école buissonnière si j’avais bien saisi le sens de certains de leurs récits, et avaient été compagnons d’armes dans le même régiment pendant la Grande Guerre. De cette histoire commune était née une immense amitié forgée dans la boue des tranchées et une indéfectible complicité qui alimentaient leurs longues conversations.Contrairement à grand-père qui avait fait toute la guerre, Tchoi avait été démobilisé un an avant l’armistice, au mois d’avril 1917 exactement, après qu’il eut la mauvaise idée, pendant la bataille du Chemin des Dames, de se trouver sur la trajectoire d’un obus allemand qui lui avait discourtoisement emporté la jambe droite. Il marchait maintenant avec une jambe artificielle qu’il appelait ironiquement Angèle en souvenir de ce jour malheureux qui l’avait mutilé et était celui de la Sainte Angèle. Grand-père ironisait en disant que c’était une consolation de cul de jatte mais qu’avec sa jambe en moins, il avait au moins la certitude de ne jamais partir les deux pieds devant !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 décembre 2020
Nombre de lectures 3
EAN13 9782379796463
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0010€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE PETIT GENERAL



Jean-Marie DESMOULINS

© 2020
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Table des matières

Prologue
La vieille maison
Rue de la Longe
Le perroquet sur le clocher
L'école communale
Camille
Les cerfs-volants
Le Baron Rouge
La belle automobile
Le cabanon de Fontaine
Le vieux berger
Titine et la tarte au potiron
On a marché sur la Lune
Une sombre histoire de sacrilège
Le tailleur
Le jour des morts
La magie de Noël
Épilogue
Prologue



Je ne sais plus où j’ai lu que dans chaque souvenir d’enfance se trouve une cuisinière en marche, un gâteau qui cuit et une grand-mère qui nous sourit.
Voici une assertion qui se veut chaleureuse et rassurante. Mais autant est-elle agréable à entendre qu’il serait stupide d’en généraliser le cliché tant chacun porte sa propre histoire. Fussent-ils bons ou mauvais, douloureux ou heureux, ou peut-être les deux à la fois, la seule certitude est que les souvenirs de l’enfance sont éternellement inclus en nous et c’est leur addition qui nous différencie et nous forge.
Une attitude nous est par contre commune, celle d’éprouver, à un moment de notre existence, ce besoin irrépressible de se retourner, de jeter un regard en arrière, de remonter le fil de notre existence et de raviver quelques-uns des moments de notre passé. De créer en quelque sorte notre légende personnelle. Et plus le temps avance et nous entraîne vers l’échéance finale, plus ce besoin s’affermit.
Pourquoi agissons-nous ainsi ? Sont-ce des regrets ? Des remords ? De la nostalgie ? Ou plus simplement parce que quand nos souvenirs commencent à être trop lointains, on craint que le temps restant ne les estompe ? Qu’il emporte avec lui nos reliquats de sensations, d’images, de paroles, d’odeurs ?
Peut-être ce besoin est-il plus uniquement mû par une force de survivance. Une force qui nous pousse à extirper nos plus lointains souvenirs pour y rechercher une émotion perdue ou cette nostalgie du « c’était mieux avant ». Alors les questions se bousculent dans nos têtes, fouillent notre mémoire. Où sont passés nos moments de joie, de peine, d’innocence ? Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Et quand ce besoin de réanimer nos racines desséchées se fait vraiment fort, on replonge dans un album photo depuis longtemps oublié au fond d’un placard et les fenêtres du passé en papier glacé, parfois écornées, parfois aux teintes délavées, nous rappellent un sourire, un visage, un endroit, l’extase joufflue d’un nourrisson aujourd’hui tellement adulte ou le bonheur d’une mariée maintenant disparue.
« Le souvenir, c’est la présence invisible » , disait Victor Hugo, et c’est sans aucun doute la force de cette présence qui m’a encouragé à raconter humblement quelques-uns de mes souvenirs d’enfance.
Sous l’encre de ces mots, ces lignes, ces pages, ce récit, je vais simplement essayer de me rappeler le petit garçon que j’ai laissé derrière moi.
Mais ne nous y trompons pas, ce petit livre n’est pas l’histoire d’une vie, ni même l’histoire d’une jeunesse. Ce n’est pas non plus un récit sur une quelconque mélancolie du passé. C’est simplement l’histoire de quelques instants d’enfance, plutôt badins et souvent réjouissants, des flashs récupérés par-ci par-là sur les ailes étiolées de ma mémoire. Des souvenirs d’un temps dont il ne reste qu’une ombre et dont le quotidien était rythmé par l’insouciance et tournicotait sur une parcelle d’existence, douce comme un éternel printemps.
C’était en 1969 et j’avais dix ans. Un petit garçon à la fin d’une décennie marquée par tant de bouleversements !
À cette époque, le monde était en ébullition. Une ébullition à la fois brutale, exaltée et pourtant follement rêveuse. C’était le temps des révolutions en Amérique du Sud, de la Guerre Froide, des coups d’État en Afrique, des luttes pour la déségrégation raciale et des manifestations contre la guerre au Vietnam. C’était le temps des promesses politiques vers un monde nouveau, vers plus de démocratie, plus de liberté, plus de justice. Enfin, on le croyait… Et alors qu’en France on finissait à peine de repaver les rues dévastées de Paris et ranger les dernières barricades du printemps 68 sur lesquelles une jeunesse bouillonnante avait osé lever le poing dans une clameur libertaire, le pays poussait vers un exil sans retour le héros de la France Libre.
1969, c’était aussi l’époque d’un immense bouillonnement culturel. Après le sillon de la Nouvelle Vague tracé par Truffaut et Sagan, celui de la rébellion chantée par un Johnny qui ne se doutait sûrement pas à ce moment-là qu’il serait un jour porté au pinacle de la Nation, où l’appel des Yéyés à casser les fauteuils de l’Olympia, un courant nouveau venant d’Amérique qu’on appellera Hippies offusquera une société abasourdie par leur insouciance fleurie et désordonnée et bercera ses illusions de jours meilleurs dans des rêves de fumée pour n’atteindre en fin de compte que des paradis artificiels.
Et pendant que les femmes dénonçaient une société phallocrate et prônaient la libération des corps en minijupes et seins nus sur les « pelouses interdites » des squares et des parcs parisiens, Serge Gainsbourg et Jane Birkin s’accouplaient mélodieusement sur les accords de « 69, année érotique » !
Au milieu de cette ébullition, l’année 1969 marquera aussi le début d’une nouvelle ère technologique. La télévision répandait son influence cathodique dans les foyers, le Concorde prenait son envol supersonique, des hommes marchaient pour la première fois sur la Lune et puisque l’automobile était en plein essor, on construisait le premier axe autoroutier entre Lille et Marseille.
En revanche pour moi, 1969 c’était juste l’année de mes dix ans. Une année au cours de laquelle les Shadoks pompaient, pompaient et re-pompaient encore et encore sur notre petit écran « noir et blanc ». Et malgré cette leçon de pompage journalière, je n’avais bien entendu aucune conscience d’exister dans un monde en mutation.
Mon quotidien était la vie simple d’un enfant avec une vieille dame et un vieil homme, mes grands-parents, et les principaux souvenirs que j’en ai sont les pièces désordonnées d’un puzzle mnémonique qui me ramènent à des odeurs de pistou, de fougasse, de soupe aux émanations d’ail et d’une lessiveuse qui bouillonnait flegmatiquement sur le coin d’une cuisinière.
Ce sont aussi les images d’une jolie place à l’ombre des platanes, bercée aux heures les plus chaudes de l’été par le champ pointu des cigales. Une place comme on en trouve partout en Provence, avec son imposante fontaine de pierres blanches d’où coulait continuellement une eau fraîche et pure et ses bancs pour la conversation sur lesquels les anciens regardaient tranquillement le temps qui passe. Et tout autour de cette place, de vieilles maisons aux façades claires et ocres, serrées autour d’une église fièrement chapeautée d’un campanile plusieurs fois centenaire. De là naissaient les rues, ou devrais-je plutôt dire les ruelles, avec leurs bavardages, avec leurs commérages, avec leurs secrets intimes et leurs confidences feutrées, à la fois étroites pour se protéger du soleil et tortueuses pour tromper le mistral.
Ces souvenirs sont aussi marqués par des clameurs. Celles d’une cour de récréation où des enfants courraient, criaient, jouaient aux billes, à la marelle ou se disputaient un ballon. Et celles d’un terrain de boules sous l’ombre d’un couple de micocouliers bienveillants où régnait une atmosphère de luttes acharnées mêlées d’engueulades les plus magistrales pour emporter les parties ou se sauver du déshonneur d’embrasser les fesses de Fanny.
Ces souvenirs ne sont pas malheureux. Loin de là ! Ils ne sont pas non plus exceptionnels. Ce sont juste les instants d’une enfance normale, avec ses hauts et parfois ses bas, une trace accrochée à ma mémoire que je ne peux ni refaire ni effacer. Des souvenirs sans regrets, simplement un peu tintés de cette complaisante nostalgie qui aide à replonger l’âme dans les vagues tranquilles des envies que l’on a tous, à un moment ou à un autre de notre existence, de se remémorer

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