Le Projet Bradbury : intégrale 3
89 pages
Français

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Le Projet Bradbury : intégrale 3 , livre ebook

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Description

Le Projet Bradbury est autant un défi littéraire qu'un hommage : en souvenir du grand auteur américain Ray Bradbury, auteur notamment des Chroniques Martiennes et de Fahrenheit 451 et qui conseillait aux écrivains en herbe d'écrire une nouvelle par semaine pendant un an, Neil Jomunsi s'est lancé le défi de prendre son mentor au mot et de relever le défi.

Au sommaire de ce recueil, expéditions en librairie, robotismes et technologies de pointe, uchronies politiques, vampires dans l'espace, morts un peu trop vivants, errances post-apocalyptiques, scientifiques fous, extraterrestres et un séjour en prison : de quoi contenter les goûts de tous les lecteurs de cette expérience littéraire unique.

Ce recueil regroupe les nouvelles 27 à 39 du Projet Bradbury, à savoir : Commando, Hacker, Wonderland, Pour toujours, Premier jour, Nano, L'Œil des Morts, Carte postale, Spot, Le jour du grand orage, Sur la route, Zombeek et Panoptikon.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 10
EAN13 9791092554632
Langue Français

Extrait

projet bradbury
intégrale 3
Neil Jomunsi

— Juin 2014 —
Table des Matières
Commando
Hacker
Wonderland
Pour toujours
Premier jour
Nano
L’Œil des Morts
Carte postale
Spot
Le Jour du grand orage
Sur la route
Zombeek
Panoptikon
Le Projet Bradbury
Présentation
En pratique
L’auteur
Sur la Toile
Crédits
Commando
 
 
 
 
 
Vue de l’extérieur, la librairie ressemblait davantage à une quincaillerie qu’à un temple du savoir et du divertissement : sise au carrefour de la Quatrième Avenue et de Chapel Street, la boutique était une insulte à l’urbanisation galopante qui, depuis une poignée d’années, balayait les rues autrefois couvertes de suie pour transformer le quartier en un voisinage propret, avenant et grouillant de familles à poussette.
Comme une tache de rouille s’accrochant désespérément à la carrosserie d’une voiture, le magasin tenait bon et — en dépit du bon sens selon certains — persistait à vouloir vivre au milieu des immeubles retapés, des rues pavées de neuf et des terrasses de café. La propriétaire avait éconduit tous les promoteurs, sauf un, à qui elle avait collé un livre entre les mains et qui était depuis devenu un client régulier. En somme, le commerce était un crachat à la face de la modernité et s’en accommodait. Mais les apparences étant ce qu’elles sont, mes employeurs n’allaient pas se laisser flouer par un subterfuge aussi grossier.
Mes précédentes tentatives pour percer le secret de la Librairie s’étaient toutes soldées par des échecs. À ma décharge, les commanditaires s’étaient montrés particulièrement avares d’informations, se contentant d’un sardonique “Faites ce que vous pouvez” en guise d’encouragement. Je n’étais pas le premier à relever le défi, et j’imagine que le laconisme de leurs consignes dissimulait déjà la lassitude des essais à répétition. Pourtant, j’avais décidé de m’attaquer au casse-tête, et pas tant pour eux que pour moi : ma carrière stagnante aurait bien nécessité un coup de pouce du destin.
Le premier problème auquel je me confrontai était de taille : la Librairie était ouverte jour et nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Si le tout-venant pouvait accéder au magasin du lever au coucher du soleil, l’entrée de nuit était strictement réservée à un mystérieux Club de Lecture dont les membres se faisaient discrets. Il ne fallait pas être devin pour comprendre que le nœud du secret se cachait derrière les deux vigiles aux allures de guerriers antiques, habillés en costume cintré pour faire bonne figure. Officiellement, ces colosses étaient là pour éviter que la boutique ne se transforme en un refuge pour clochards en manque de sommeil ou un terrain de jeu pour noctambules alcoolisés. Dans la pratique, j’avais déjà deviné qu’il faudrait faire preuve d’opiniâtreté pour démêler les fils de cette obscurité. Car le statut de membre honoraire du Club de Lecture n’était pas accessible au premier venu : il fallait accumuler plusieurs années de fidélité pour postuler, sans compter que la propriétaire, d’après mes sources, jugeait des adhésions à la tête du client, et toujours à l’issue d’un entretien digne des geôles de l’Inquisition.
Je pensais que je n’avais pas le temps. La vie file à toute allure et à peine avons-nous pris un instant pour nous retourner que le train repart à toute vitesse, pas mécontent de nous laisser à quai. Une mission de cette ampleur nécessitait une couverture à la hauteur d’un film d’espionnage, une planque courant sur plusieurs années, histoire d’endormir la méfiance du personnel qui veillait sur ses secrets avec le zèle d’un dragon souffleur de feu.
Mais mes employeurs comme moi n’avions jamais eu de goût pour la patience. Nous fûmes aveugles, je le comprends aujourd’hui : pas par absence de lumière, mais justement parce qu’elle était trop forte pour les insectes nocturnes que nous étions. Nous avons voulu nous abîmer dans sa clarté, nous offrir à elle, pour y brûler en holocauste.
Le bâtiment, comme je l’ai indiqué, était délimité par deux voies motorisées qui s’entrecroisent. Si sa vitrine, semi-opaque, butait vite du côté de la Quatrième sur le comptoir d’une boucherie, la boutique s’étendait loin sur le versant qui longeait Chapel Street, une rue calme et encore épargnée par la modernisation. J’étais entré à plusieurs reprises dans le magasin en journée. Si j’avais été émerveillé par le gigantisme des lieux et par la richesse du catalogue, je n’y avais rien découvert de probant : le commerce, quoique de proportions ubuesques, n’avait rien d’anormal.
Après un examen rapide de la situation, je jugeai que le meilleur moment pour infiltrer la Librairie était le milieu de la nuit. Je devrai trouver un trou par lequel me faufiler, comme une souris. Il était inutile d’envisager d’entrer par effraction du côté de l’avenue, puisqu’à la nuit tombée s’y postaient les vigiles. Chapel Street, en revanche, offrait davantage de possibilités pour le cambrioleur du dimanche dont je m’apprêtai à endosser — non sans honte — le costume. La ruelle était éclairée par de vieux réverbères, dont la lumière blafarde éclaboussait le bitume sale et les journaux froissés de taches de clarté verdâtres.
J’effectuai mes repérages deux nuits plus tôt, dissimulant mon visage dans une capuche et ma silhouette rondouillarde dans un survêtement informe. Posté à dix mètres du carrefour, je notai les allers et venues du personnel dans les couloirs de l’arrière-boutique et essayai mentalement d’en dresser un plan. Les murs de briques rouges s’étiraient sur une centaine de mètres, percés d’ouvertures qui n’avaient de fenêtres que le nom et qui ressemblaient davantage aux meurtrières d’un château fort médiéval. On avait appliqué un film plastique sur les vitres pour empêcher les curieux de fouiner, mais celui-ci se décollait par endroits et laissait entrevoir des ombres mouvantes au gré des plafonniers qui s’allumaient et s’éteignaient.
Le cœur de l’activité paraissait se dérouler au rez-de-chaussée, sans doute là où les réserves avaient été installées, et au deuxième étage, le niveau administratif où les bureaux de la Propriétaire ne connaissaient jamais de répit. Cette configuration me laissait une fenêtre de tir : si je m’introduisais par le premier, je pourrai me faufiler dans les parties interdites du magasin.
Le lendemain, je revins sur place dans un autre costume — histoire d’endormir les vigilances — et sonnai aux interphones de l’immeuble voisin jusqu’à ce que, prétextant un colis à livrer, on daigne m’ouvrir. J’inspectai la cage d’escalier décrépie, puis gravis les marches qui me séparaient du premier palier.
Un chien aboya derrière une porte branlante, et il flottait à cet étage une odeur désagréable. Décidé à ne pas m’attarder, j’examinai la construction et frappai à l’appartement dont il me semblait que les pièces communiquaient avec la librairie. J’appuyai sur la sonnette. Le bouton laissa au bout de mon doigt une trace noire et collante, mais je n’entendis aucune cloche. Je cognai contre le battant, une première fois, puis une seconde. Une voix chevrotante m’interrompit dans mes investigations :
— Il n’est plus là.
Je me retournai. Face à moi, une vieille femme enroulée dans une robe de chambre loqueteuse portait un petit chien dans ses bras.
— Vraiment ? dis-je, feignant la déception. Quel dommage. J’étais venu lui apporter…
Lancé dans l’improvisation, je farfouillai dans mes poches et en tirai un étui de chewing-gum. Faute de mieux, je brandis le paquet au visage de la voisine. Elle plissa le front et, comme si le subterfuge était trop gros pour être vrai, décida d’oublier dans l’instant ma grossière tentative pour poursuivre la conversation.
— C’est à cause de l’odeur, expliqua-t-elle. Personne n’a jamais tenu plus d’un mois ici. Ça vient du magasin. Quelquefois, c’est tellement fort que ça me réveille au milieu de la nuit. Beauté gémit alors si fort, si fort…
Elle désigna le chien d’un mouvement du menton. L’animal engouffra sa tête sous la robe de chambre.
— J’aimerais visiter, c’est possible ?
— Le concierge a les clefs.
Je la remerciai chaleureusement. Dubitative, la vieille femme haussa les épaules et rentra chez elle sans me dire au revoir.
Je trouvai le gardien dans la cour, près du local à ordures. Malgré l’air frais du matin, je sentis l’odeur de la Librairie comme je ne l’avais jamais humée auparavant et me pinçai le nez. L’homme en salopette m’interpella :
— Nous avons dû condamner toutes les fenêtres de ce côté-ci, c’est insupportable sinon. Il n’y a guère que moi pour venir sortir les poubelles, et encore, seulement une fois par jour. Croyez-moi, je préfère leur odeur à celle qui se dégage de ces murs.
Il désigna des conduits qui perçaient les briques. Il n’y avait aucune fenêtre, juste une paroi verticale dans laquelle des fentes grillagées expulsaient une atmosphère viciée des entrailles de la boutique.
— Ils font pourrir de la viande ou quoi ? lui demandai-je.
Le gardien eut une mine résignée.
— En tout cas, le conseil municipal ne veut rien savoir.
Je lui exposai la raison de ma visite : récemment arrivé en ville et peu fortuné, je désirais louer un appartement dans ce quartier en vogue. À l’affut d’une bonne affaire, j’étais tombé sur cet immeuble oublié des promoteurs et, grâce à la vieille dame du premier, j’avais découvert qu’un logement y demeurait vacant.
Le visage du gardien se tordit d’ennui. Il n’était pas contre l’idée de me louer le studio, mais il me prévint : l’odeur y était particulièrement prégnante, car ses murs communiquaient directement avec le commerce. Loin de lui avouer le véritable but de ma visite, je lui assurai que la puanteur ne me gênerait pas si le loyer était estimé en conséquence. Une demi-heure et quelques coups de fil plus tard, l’affaire fut conclue. L’homme, ouvrit une boîte en fer clouée au mur de sa loge et me tendit les clefs de mon nouveau chez-moi.
Je vidai ma chambre d’hôtel, retenue dans un établissement miteux quelques rues plus h

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