Les fileurs de temps
40 pages
Français

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Les fileurs de temps , livre ebook

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Description

"L’Argo était dans un état déplorable. La voile déchirée pendait du mât comme un linceul, tachetée de moisissures. Le bastingage éclaté par la tempête pourrissait sur place. La coque était verdie, couverte d’algues et de berniques.

Grinçant dans la houle, les amarres élimées pouvaient céder au prochain gros temps. La galère tombait en morceaux, abandonnée, semblait-il, depuis plusieurs hivers. Seuls les grands yeux peints de chaque côté de la proue gardaient leur vif et leur éclat.

Pétrifié, Jason crut y lire une lueur accusatrice."



Oubliez ce que vous croyiez savoir de l'expédition des Argonautes et du mythe de la toison d'or. L'histoire que nous raconte Thomas Fouchault est avant tout celle d'un héros aux mille vies et aux mille visages, d'un homme qui change de nom, de destination et d'équipage chaque fois que le vent tourne. Anticonformiste, insoumis, il ne se laisse pas illusionner par les belles promesses et les rivages dorés. Il est celui qui décide, qui fait ses propres choix. Qui écrit lui-même son histoire. Quitte à mettre sa vie en danger. Ainsi que celle de tous ses compagnons d'aventure.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 juin 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9791097100506
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Thomas Fouchault
Les fileurs de temps














Les Éditions Mille Cent Quinze
Toute représentation ou reproduction
intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l’auteur
ou des ayants droit
est illicite
(article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle).

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction
réservés pour tous pays.

© Thomas Fouchault
© 2019, Les Éditions Mille Cent Quinze

ISBN : 979-10-97100-50-6

Dépôt légal : deuxième trimestre 2019
Photo de couverture : 2019© Victor Yale
Retrouvez nos autres titres sur http://editions1115.com




Thomas Fouchault

Les fileurs de temps







Les é ditions 1115


- Bélier -


Ils n’avaient pas fait dans la dentelle cette fois-ci. Ils l’avaient dépecé, démembré et jeté à la mer en pièces détachées – pour s’assurer qu’il reste bien mort.
Le Bélier banda ses muscles dans le fracas de la tempête. Chaque tour de rame réveillait la violence du meurtre dans ses bras. Personne n’avait jamais attaqué de Tisserand avant eux ; mais ils l’avaient massacré la rage au cœur, lui avaient volé son navire et avaient mis les voiles vers le Levant. Droit vers l’océan et la liberté. Droit vers l’inconnu.
Seulement, ils n’avaient jamais convenu que leur bande de vauriens finirait sur le banc de nage.
Une vague furieuse heurta le bord et projeta une trombe glacée sur les rameurs. Le Bélier courba l’échine et risqua un coup d’œil vers ses voisins de rame. Les jumeaux Castor et Pollux l’assassinèrent en retour, leurs trognes de Gris crispées dans l’effort.
— Eh Jason ! tonna Mâchefer. Colle-moi tes fesses bouclées sur le banc et garde la cadence, c’est pas le moment de chercher des câlins !
Le Bélier serra les dents, mais pour une fois, il sut se la boucler et obéir. Grands dieux, ce n’était qu’un meurtre un peu sanglant ! Le Tisserand était mort, et eux trimaient comme des bêtes au fond d’une galère, plus vivants que jamais. Ces histoires de malédiction n’étaient bonnes qu’à effrayer les marmots.
L’orage craqua à nouveau, secouant la carène sous une pluie de hallebardes. Le Bélier darda un regard vers le mât. L’unique voile battait inutilement sous un ciel d’apocalypse, déchirée en deux.
Navire magique, mon œil ! Cette foutue galère va nous claquer entre les doigts.
La proue s’écrasa contre un paquet de mer dans un tangage effroyable. La puanteur de cinquante-et-un vomissements se mêla à l’arôme atroce de sueur, d’iode et de bois ciré. L’odeur de la peur.
— Souquez ferme, les gars ! cria Mâchefer. Montrez-moi ce que vous avez dans le ventre. Ce n’est pas cette tempête qui va nous arrêter !
— Tu ne vois pas qu’ils sont vides, nos ventres ? beugla Trinqueballe de sa voix éraillée. Prends une rame et aide-nous à nous sortir de là !
Le chef aboya un ordre, le visage empourpré de rage. Le tambour augmenta la cadence dans le désordre général. Les vagues se creusaient, frappant le navire à bâbord et le projetant toujours plus loin, toujours plus fort. L’homme de barre hurla quelque chose. On choisit de l’ignorer. Il n’était pas plus marin que les autres.
Un éclair illumina l’équipage dans toute sa crudité : un fatras de cornes, de peau et de poils détrempés, transis jusqu’à la moelle, les yeux écarquillés dans les ténèbres.
Le Bélier baissa la tête et marmonna une prière de protection. Jason, Souffre-cœur, le Luthier… Il avait porté beaucoup de noms dans son existence, un pour chaque bande de malfrats dans laquelle il avait trempé. L’heure approchait de s’en choisir un nouveau — si par chance il survivait à ce nouveau désastre.
Un craquement sinistre secoua les entrailles du navire.
La galère gîta, puis jaillit hors de sa trajectoire. Les rames s’agitèrent dans la panique. Une contre-lame balaya le bord dans un hurlement. Le Bélier releva les yeux ; le chef avait disparu.
Le barreur cria quelque chose de nouveau, juste assez fort pour glacer le sang sous le grondement du tonnerre.
— La rame-gouvernail ne sert plus à rien ! Il faut…
Le Bélier sentit son cœur manquer un battement.
L’étrave plongea. Les brigands se relevèrent en criant et s’accrochèrent à ce qu’ils purent. Une montagne liquide s’écrasa sur le pont et déferla dans un chaos d’écume et de bois brisé.
Puis tout s’arrêta.
Jason relâcha son souffle.
— Que je sois maudit !
La vague, les éclairs, le déluge, tout avait disparu. Le navire était jonché de gredins hébétés dans un silence de mort, les visages cireux, osant à peine soutenir le regard de leurs camarades. Les deux tiers de la bande manquaient à l’appel.
Le Bélier chancela jusqu’au bastingage, le sang cognant aux tempes. Nulle trace de tempête, pas même la menace d’un nuage derrière eux. Le navire était perdu dans la nuit, dissous entre l’immensité du ciel étoilé et la noirceur d’une mer d’huile.
Et pourtant, il voguait. L’ Argo filait, craquant et grinçant, son étrave fendant les flots à vitesse constante. Quelque chose tirait sa proue vers une destination inconnue, loin derrière l’horizon liquide, là où nul n’était jamais allé et d’où nul ne revenait jamais.

Le Bélier s’effondra, vidé. Il n’avait jamais aimé la sorcellerie. Ce fut à peine s’il entendit La Croquante cracher le fond de sa pensée.
— Le premier qui parle de malédiction, je l’envoie rejoindre le chef et le timonier.

 
- Taureau -
 
 
À l’aube, les trois astres s’élevèrent si haut dans le ciel qu’ils oublièrent de se recoucher.
L’équipage assistait, médusé, à l’alliance de l’or du jour, de l’argent de la nuit et du grenat de la Pénombre. Les astres restaient pendus dans la voûte céleste comme des cadavres à leur gibet, plongeant le monde dans une lumière cuivrée. Nulle brise, nulle odeur n’agitait l’atmosphère. Le monde s’était oublié.
Affalé à la poupe, le Bélier errait dans les limbes du temps. Les heures elles-mêmes semblaient s’être égarées. Les barbes poussaient à vue d’œil. Des cicatrices anciennes disparaissaient sur les torses. Un gredin se souvint d’événements n’ayant pas encore eu lieu ; un autre, ayant oublié tous les membres de l’équipage, se jeta à l’eau, pris de panique, et coula comme une pierre.
Le navire filait de lui-même sur l’océan inconnu, sourd à l’angoisse, à l’ennui et à la faim qui s’ensuivait. Hélas, les brigands n’étaient ni du genre à se rationner, ni prêts à s’improviser pêcheurs.
— Que c’est long… gémit le vieux Cagnard devant l’immensité liquide, sa chiche crinière de Lion dégoulinant de sueur. J’ai l’impression d’avoir vécu ce moment des centaines de fois !
— Tu l’as déjà dit, grommela Jason en remplissant sa timbale.
Le Bélier noya son estomac sous l’ultime rasade d’eau-de-vie. La dernière mesure du dernier tonnelet, privilège du meilleur barde de la troupe. Sans vergogne ! Plus personne ne se l’arracherait de toute manière : Capricornes, Taureaux, Lions et autres rebuts du monde gisaient sur ...

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