Les histoires extraordinaires de mon grand-père : Bourgogne
136 pages
Français

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Les histoires extraordinaires de mon grand-père : Bourgogne , livre ebook

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Description

Rares sont les ouvrages qui vont chercher ce qui se cache derrière cette terre d'anciens clichés et histoires de veillées. Or cette vieille province de Bourgogne possède bien d'autres trésors, bien d'autres richesses, un patrimoine oral particulièrement original et varié, transmis de génération en génération depuis ces temps que l'on dit "immémoriaux" ici racontés avec talent et humour par mon Grand-père. Ce sont des histoires, à faire sourire, à faire peur, mais surtout à faire rêver... que nous racontaient nos pères et nos grands-pères avant eux.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 janvier 2013
Nombre de lectures 112
EAN13 9782365729949
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Grand Tour du Vignoble


Ils n’étaient pas peu fiers d’avoir réussi à convaincre le comité des fêtes des cinq villages viticoles. Grâce à leur détermination, la course cycliste à travers le vignoble pourrait enfin avoir lieu et l’on pouvait parler maintenant du Grand Tour. D’une circonférence de cent-quarante kilomètres, le circuit offrait de longs plats, mais aussi de beaux vallonnements.
Lors de leur dernière réunion les coorganisateurs avaient décidé que les postes de ravitaillement serviraient tous les vingt kilomètres des éponges, de l’eau minérale, du jus de raisin et, bien sûr, du pinot noir d’ici.
Le grand beau temps qui honorait le départ de la course, ce matin-là, balaya la dernière incertitude. Il y avait eu nombre d’inquiétudes mais elles étaient maintenant toutes levées : chaque village avait joué le jeu, la communication avait bien fonctionné, la presse avait accordé une large attention rédactionnelle à l’événement. Enfin, le nombre de coureurs inscrits dépassait les prévisions les plus optimistes. Plusieurs grands noms figuraient même sur la liste des engagements.
La population tenait hardiment son rôle, elle aussi. De nombreux bénévoles avaient accepté d’offrir leur temps pour que l’événement soit un succès. Les scouts, les vicaires des paroisses et la gendarmerie s’associaient également au Grand Tour avec un enthousiasme qui forçait le respect.
Le tirage au sort désigna le maire de Châteauchalais pour inaugurer la course et adresser un encouragement aux coureurs.
Vous êtes la fierté de nos vignobles, le symbole de l’énergie de nos villages, de l’ambition de notre belle région. Grâce à la seule tonicité de vos muscles, vous allez traverser quelques uns de ses plus beaux paysages. Vous allez célébrer par votre effort d’un jour, les labeurs toujours recommencés de nos vignerons. La puissance de vos mollets n’aura d’égale que la persévérance de nos meilleurs viticulteurs dont le génie sait faire une œuvre d’art de chaque nouvelle récolte. Comme eux, vous serez durs au mal et donnerez, j’en suis sûr, le meilleur de vous-mêmes. Bonne course, messieurs !
Commissaire de course pour l’occasion, le boucher de Verzy-le-Tranchet prit un air solennel, tendit un pistolet vers le ciel, grimaça comme s’il s’attendait à quelque déconvenue. Son coup de feu libéra la cinquantaine de cyclistes qui se bousculaient plus ou moins entre les spectateurs formant deux rangées, oppressantes comme des mâchoires et prêtes à se refermer sur eux.
La bruyante excitation des spectateurs perdit en quelques secondes son objet. Le peloton disparut à l’angle du bureau de poste et laissa une avenue déserte derrière lui. Des spectateurs coururent à leur voiture pour le rattraper par des chemins détournés, d’autres s’engouffrèrent dans le café de la Place, tandis que des enfants se chamaillaient à propos de visières en carton et de prospectus abandonnés là par l’animateur promotionnel du journal local.
Le maire grimpa sur le siège arrière que lui offrait un journaliste, déposa en hâte un baiser sur la joue de sa femme, leva le bras en signe de grand contentement et partit presque à la renverse sous l’effet de l’accélération de l’engin pétaradant.
Le premier poste de ravitaillement se trouvait un peu avant l’entrée de Verzy. Les coureurs y furent en un rien de temps. Obligés de mettre pied à terre, la grande majorité d’entre eux s’offraient un simulacre de rafraîchissement et repartaient en hâte vers le poste suivant. Certains s’attardaient mais ce n’était qu’une question de secondes supplémentaires qu’ils s’accordaient pour souffler et porter brièvement à la bouche le cubitainer de pinot noir frais et gouleyant ou grignoter un fuit sec.
À Roucy-le-Hert, un contingent de jeunes filles des écoles, les bras chargés de jonquilles, se tenaient prêtes à délivrer coûte que coûte un vibrant honneur floral à leurs chers champions. Tandis qu’elles faisaient pleuvoir un nuage jaune vif sur le peloton, un charcutier accourait avec un chapelet de saucisses chaudes, suivi de peu par un commis-pâtissier tenant devant lui un plateau d’éclairs au chocolat. Le visage barbouillé, les coureurs repartirent comme ils purent vers le poste de ravitaillement suivant, ravis de la qualité des attentions qui leur étaient réservées.
À cinq kilomètres avant le poste de Manaud-le-Vicomte, une forte côte surprit même les familiers du circuit. Le peloton était de bonne humeur et une fois atteint le plat traversant le village jusqu’au poste de ravitaillement, on entendit quelques sifflotements d’allégresse. Ils arrivèrent encore regroupés mais un peu vite. Deux concurrents ne purent pas freiner à temps et virent leur course stoppée enfin par une table remplie de verres et de victuailles. Heureusement, quelques
mètres plus loin, d’autres tréteaux supportaient le poids considérable de bouteilles d’eau minérale, de jus de fruit, de cubitainers de pinot noir et de seaux où baignaient des éponges jaune vif.
Ils ont une bonne descente, nos coureurs ! Ça fait plaisir à voir s’écria le président de la cave coopérative de Manaud-le-Vicomte
C’était vrai : les jeunes champions affectionnaient sans réserve les nobles produits de leur propre viticulture. Le public s’approchait des
tables pour partager ce grand moment sportif. Les commentaires sur les difficultés du parcours allaient bon train.
Cette côte, c’est l’une des plus difficiles de toute la Bourgogne, je vous le dis. C’est bien, qu’on ait créé un arrêt juste après. Courir, c’est une chose, mais il faut vivre quand même, sinon on ne serait pas Bourguignons ici…
Brièvement, on eut l’impression que le peloton avait perdu un peu de sa hâte et que les coureurs souhaitaient étirer davantage la pause qui leur était accordée. Mais ce n’était qu’une impression et les coureurs grimpèrent tout à coup comme un seul homme sur leur bicyclette, disparurent dans le bas du coteau.
Devant l’église du village suivant, les fidèles conversaient sur la place après la messe. Les trois premiers cyclistes ne purent éviter un couple endimanché qui tentait de traverser. Il y eut plus de peur que de mal. Étant donné l’état des trois vélos, la participation de leurs propriétaires s’arrêta là.
Qui sont ces fous ? interrogea la femme atterrée par l’insouciance des coureurs au visage maculé de chocolat.
Après de plates excuses accompagnées d’un panier garni composé en hâte par le chauffeur de la voiture balai, le peloton reprit la route en direction du poste de ravitaillement suivant. Chacun pensait maintenant à la longue ligne droite en plaine. Combien d’échappées épuisantes susciterait-elle ?
À Hortes-les-Rameaux, la coopérative viticole avait bien fait les choses. Ici, pas seulement des éponges, de l’eau et du vin à profusion. De longs plats offraient aux compétiteurs tout ce que le village possédait de délicatesses. Charcutier, traiteur, boucher et pâtissier s’étaient associés pour que leur buffet du Grand Tour soit le plus riche, le mieux décoré et le plus abondant. Il en avait fait une question d’honneur, d’ailleurs longuement débattue devant les habitants au cours de plusieurs soirées d’hiver à la salle polyvalente. Escargots, œufs en meurette, pôchouse, et jambon persillé recouvraient deux longues tables sur une nappe aux couleurs régionales. Et pour les amateurs de sucré: nonettes et gougères s’offraient en abondance. Avec ça, un Mercurey sublime que même les abstinents parmi les coureurs ne parvinrent pas à refuser.
Plusieurs coureurs furent accueillis dans les maisons pour un brin de toilette. Tous ne revinrent pas pour prendre le départ. C’est donc un peloton réduit en nombre qui s’élança vers le poste suivant, l’avant-dernier du parcours. Celui-ci fut le théâtre de d’une querelle entre le commissaire de course et l’un des meilleurs concurrents qui déclara forfait pour passer le reste de la course dans le véhicule médical avec une jolie secouriste qu’il craignait de ne plus revoir à l’arrivée.
Lorsque, depuis la tribune étrangement installée en retrait de la route, le maire de Peausy-en-Bratail acclama le peloton, ce dernier ne comptait plus qu’une dizaine de coureurs. Ici point de poste de ravitaillement, mais une fanfare encore occupée à se vêtir quand le dernier cycliste sortit du village.
Non seulement le nombre des coureurs avait encore diminué, mais du côt

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