Ragnarök
279 pages
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Ragnarök , livre ebook

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Description



Il s’appelle René Descartes, il est prof de français. Vingt ans de tableau noir, de ras-le-bol. Il écrit un livre qui fait succès et se retire quelque part entre labours et forêts.



Une nuit de tempête, quelque chose heurte violemment sa porte. Une adolescente commotionnée. Élia, les yeux pers, les cheveux bleus, slim, santiags et Perfecto. Elle doit porter une lettre à un certain Monsieur Noirtier, au 13 de la rue Coq-Héron à Paris. Comme dans Le Comte de Montecristo...



René Descartes ne sait que penser. Il s’ennuie, l’accompagne.



Ce que René soupçonne : Élia est une fugueuse un rien allumée.



Ce que René ignore : Élia et lui se connaissent depuis trente mille ans.






Et si sur Terre, il n’y avait pas que des Humains ? Humain, humanité, humus...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2018
Nombre de lectures 30
EAN13 9782374536187
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Présentation
Il s’appelle René Descartes, il est prof de français. Vingt ans de tableau noir, de ras-le-bol. Il écrit un livre qui fait succès et se retire quelque part entre labours et forêts.
Une nuit de tempête, quelque chose heurte violemment sa porte. Une adolescente commotionnée. Élia, les yeux pers, les cheveux bleus, slim, santiags et Perfecto. Elle doit porter une lettre à un certain Monsieur Noirtier, au 13 de la rue Coq-Héron à Paris. Comme dans Le Comte de Montecristo …
René Descartes ne sait que penser. Il s’ennuie, l’accompagne.
Ce que René soupçonne : Élia est une fugueuse un rien allumée.
Ce que René ignore : Élia et lui se connaissent depuis trente mille ans.
Et si sur Terre, il n’y avait pas que des Humains ? Humain, humanité, humus…





Freddy Woets est né près de Liège, là où le ciel mâche des terrils et se saoule à l'eau noire de la Meuse, où les fonderies crachent leur métal sur une terre à charbon. Il y avait des fermes aussi et des meules de foin, le pissenlit mêlait son odeur à celle de l'acier. C'était avant la télé et les échangeurs d'autoroutes. Les avions avaient des hélices et les demis coûtaient trois sous. Il dessinait dans la marge sous un poème d'encrier et de plume " Ballon "… Plus tard, il a fait les Beaux-arts et des poèmes toujours. La peinture le poussait à New York, les poèmes, à Paris. Des années qu'il écrit à Paris, mais il repeindra un jour…
RAGNARÖK
Le Cantique du Chaos
Freddy WOETS
Collection du Fou
L’on monte et l’on descend avec pareil effort, Sans jamais rencontrer l’état de consistance. Jacques Vallée des Barreaux And voices are In the wind’s singing More distant and more solemn Than a fading star. T.S. Eliot À David, mon fils
1
La nuit souffle à arracher la terre et la terre s’arrache d’une obscurité sourde et disparaît. Par pans entiers, par ailes et ventres. L’heure s’ahurit, au fond d’un orgue grave, d’une note unique et indéfinie. Les volets tremblent, ils voudraient fuir. La nuit souffle comme jamais, comme toujours. Ces temps derniers. Temps derniers… À prendre au pied de la lettre ? Tout fuit. Moi, le premier. Ici, entre labours et forêt. Quatre murs de pierre épaisse, impassible. Loin de tout. Près de moi. De ce qu’il en reste. Je rêve beaucoup, longtemps, assis à la fenêtre. Je me couche tôt et vais rêver autrement, dans la tiédeur immense des draps, peuplée de vide.
La nuit souffle, les volets tremblent, je les entends à peine, perdu dans Bach, au creux des oreillettes. Prélude et fugue. Piano. Clarté sans cesse recommencée. Cristal fragile à l’inaltéré du givre. L’exigence éphémère du givre, ainsi la note va. Anges. Anges exigeants et furtifs. Les passants d’un rêve. Je crois aux anges, comme je crois à tout ce qui ne se voit pas, n’est pas l’évidence, le réel. Le réel aux voyelles si douces pour un corps de brute.
Je crois aux anges, mais je n’ai jamais été qu’un gueux qui faisait danser les rêves, comme un romanichel, son singe, sur un orgue de Barbarie. Et les anges m’ont lancé des pièces. C’était les seuls. Les seuls à voir les rêves danser. Faut croire qu’ils aimaient ça. Les autres, les hommes, les femmes, mes semblables, mes frères, je suppose que j’en ai eu à foutre. Un jour. Avant. Sans doute. À l’école. Petit, ado. Je suppose. C’est flou.
Ici, entre labours et forêts, je laisse le silence vivre. Et c’est bon.

Pendant des années, je croisais le regard de Descartes. Sur la couverture d’un livre de poche, placé de sorte que. Ses yeux me disaient tant de choses. Plus que le texte. Mon cerveau va par passages secrets, raccourcis, il évite la logithèque, trop lente, trop lourde. Je sentais Descartes sans l’avoir vraiment lu. Il était dans ma pensée. Et je l’aimais comme un ami. Un matin, j’ai appris sa mort à la radio : « Le crâne de Descartes ne quittera pas le Musée de l’Homme pour le collège de La Flèche. » Le crâne de Descartes. Exposé dans une vitrine, au Musée de L’Homme. J’ai éprouvé un dégoût proche du découragement sans issue. La radio poursuivait : « Le crâne est exposé pour montrer qu’il ne diffère en rien d’un autre crâne. Les scientifiques refusent de le céder. » Tous les hommes sont égaux, surtout dans la mort. Encore que. Le corps de Descartes repose sans tête quelque part. Les esprits dévoyés à l’origine de cette exhibition seraient des scientifiques. À chacun sa méthode. Cette imbécillité sans excuse m’éloigna un peu plus des affaires courantes. Descartes est toujours là, une note amusée dans le regard. Il est plus fort que moi. Que pense-t-il de ces sots sans nombre qui se définissent cartésiens et confondent le cœur avec un cube, lui qui recommandait de consacrer une heure par an aux œuvres de la raison, une heure par mois à celles de l’imagination et une heure par jour à celles des sens ?
Quel mépris n’éprouve-t-on pas pour l’homme au Musée de l’homme ? À force de prendre les visiteurs pour des crétins en viendrait-on à empailler de grands esprits ? Si on laissait faire ? Heureusement que tout le monde s’en fiche, après tout.
Je suis un enfant de la DDASS. Un enfant trouvé, comme on dit. Trouvé dans un chariot de supermarché, entre deux voitures sur le parking. Je serrais un jeu de cartes et le Roman de Renart. Je suppose que c’est pour ça qu’on m’a appelé René Descartes… Et que j’étais professeur de français.
Je laisse le silence vivre.

Le silence a la chair des vitraux de Chartres ; les couleurs s’unissent au noir, à l’infini de cette forêt pétrifiée. Un souffle vient de passer, va naître de colonnes en voûtes sans fond. Un pas inconnu claque sur le Labyrinthe. Le silence a aussi les doigts de cette sexagénaire triste qui émiettait un croissant, un matin, à la fumée du café-crème. Et le regard de ceux qui ne comprennent pas ce qui leur arrive parce qu’ils y croyaient. La résignation d’une chaise métallique contre le grès d’une pièce d’eau. L’envol du pigeon, l’uniformité du gravier. Puis cette main si fine qui vous effleura, le temps d’une émotion, la peau nue des arômes au fond du verre ballon, la promesse de la flamme, et la glace en smoking comme du Stravinsky.

La nuit souffle à arracher la terre et la terre s’arrache d’une obscurité sourde et disparaît. J’ai quitté Paris, le jour de l’annonce du crâne de Descartes. La bêtise me donne une certaine vigueur quand elle confine à l’ignominie. La vigueur de fuir. J’ai laissé mon studio de Pigalle, le lit et le plafond lézardé, les semaines de contemplation atone. Il est lisse de se noyer dans un plafond. Quand tant d’aspérités griffent la fenêtre. Vient le moment où il faut agir. Il suffit de quelques secondes, trois tours de clef et vous voilà déguerpi.

Le lierre sur mes pierres épaisses, impassibles, entre labours et forêt, arrête l’heure, il parle de pactes noués, d’épine et d’acier. Il m’arrive d’écarter une feuille et regarder craintivement ce que je ne sais lire. Certains passages secrets s’entrouvrent à mes sens et se referment encore plus vite. Mais j’ai eu le temps de sentir, d’entrapercevoir… Y a-t-il un mot ? Entrapercevoir un parfum d’immortalité où le noir s’unit au vert. L’espace infini dans les nervures d’une feuille… Il n’y a pas de mot. Notre langage est celui des singes, le lierre, celui du temps. Ici, je ne contemple pas un plafond, je marche ou je suis assis à la fenêtre. Ici, l’univers entier se pare de chaque atome. Parfois, c’est épuisant. Il faut s’arrêter quand la feuille se referme sur tant de non-dits, faire le vide, s’emplir les poumons, se rappeler son corps, ses organes, la machinerie inouïe qui nous soutient. N’être plus esprit, le temps d’un souffle, redevenir la terre, le temps d’une sensation. La terre, la peau, le poids. Frère des arbres et du poireau et de la chair de la pomme, plutôt que de son parfum. S’oublier.
La nuit souffle. Xème jour de tempête. Les feuilles du lierre sont fouettées, mais il a resserré ses mailles sur la pierre impassible, indifférente. L’heure s’ahurit, au fond d’un orgue grave, d’une note unique et indéfinie. Combien de fois ai-je eu le courage de fuir ? Je ne sais plus, je m’en fiche. La connerie a gagné de toute façon. La tempête le hurle depuis des jours. Les imbéciles ont déboulonné la planète, ils sautent de joie en la voyant rouler. Les singes à bord. Le crâne de Descartes restera au Musée de l’Homme et moi, ici, entre labours et forêts.
Ce matin, je suis allé jusqu’au fond du jardin. Le cerisier, le noyer, les pommiers tenaient le vent. Debout, de face. Des vieux muscles que rien ne harasse. Les deux noisetiers sifflaient leur siècle d’automnes entre leurs dents de baguettes. Aériens et têtus. Le houx tanguait sans donner à l’hiver l’ombre de tous les étés, cousus dans ses épines. Des êtres de racines qui ne connaissent pas l’effroi. Et laissent la déroute au vent. Un vent à suffoquer les pierres sous le ciel effiloché. Même la pluie s’était dissoute, à moins qu’elle n’ait perdu ses clous à force de clouer le pays jusqu’à en être hagarde ? Juste avant la campagne de Fooz, l’étang s’était aplati, ses joncs, noirs de vent et de janvier, quasi pattes en l’air comme des cigognes ivres. Sans compter les saules hirsutes qui chantaient en chœur pour calmer l’eau. Leurs culs massus en rond, ils dansaient, immobiles, masqués d’Ensor. Plus loin, aux confins des labours, le vieux moulin. Une ruine inébranlable. J’ai levé les yeux. Le vent avait fini par gommer le ciel. Alors, je suis rentré.
J’ai étendu deux couettes sur le plancher, en face de l’âtre, je m’y suis glissé, j’ai fait la sieste. La cheminée résiste, les braises rougeoient longtemps. Elles rougeoyaient encore à la tombée du jour, leur solo de clarinette, fruité et mélancolique. J’ai eu soif d’un verre de rosé. Avec une tranche de saumon, du pain de seigle. La chaise était très froide, quand je me suis assis. Hostile et solitaire. C’était bon. Puis, la nuit. Le vent, toujours.
Il doit être dans les onze heures du soir. J’ai laissé les volets à leur staccato, coincés au mur. Les ailes de la fenêtre battent, frénétiques

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