Traque
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Description

Un aime chasser avec sa meute et savoure, nuit après nuit, chaque instant de sa nouvelle vie. Une vie que seuls ses rêves viennent ternir, car, avant le 21 décembre 2020,


Un portait encore un costume-cravate et se pressait chaque matin dans le RER. Comment résister à ces nouvelles sensations de liberté et surtout comment résister au tout dernier être humain, l’astronaute que le vaisseau Soyouz lui a servi sur un plateau ?


Pour Martin, qui croit encore en l’existence de survivants, la traque commence. Il fuit le jour, se terre la nuit. Qui est l’animal ?


Cette poursuite générera les premiers conflits au sein de la meute et amènera Un à se poser LA question : est-il si différent de son gibier ?

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 6
EAN13 9782374535517
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Présentation
Un aime chasser avec sa meute et savoure, nuit après nuit, chaque instant de sa nouvelle vie. Une vie que seuls ses rêves viennent ternir, car, avant la Grande Épidémie, Un portait encore un costume-cravate et se pressait chaque matin dans le RER. Comment résister à ces nouvelles sensations de liberté et surtout comment résister au tout dernier être humain, l’astronaute que le vaisseau Soyouz lui a servi sur un plateau ?
Pour Martin, qui croit encore en l’existence de survivants, la traque commence. Il fuit le jour, se terre la nuit. Qui est l’animal ?
Cette poursuite générera les premiers conflits au sein de la meute et amènera Un à se poser LA question : est-il si différent de son gibier ?
TRAQUE
D'un homme à l'autre
Sophie Moulay
Collection du Fou
1. Décembre 2012
21 décembre 2012
— ¡Y ahora, el flash de información!
Luiz jura. Pour la centième fois de la matinée, la radio d’Alejandro crachotait son bulletin d’informations censé relater, minute après minute, la fin du monde. Dire qu’il y avait des crétins pour croire ça ! Dans quatre heures, ce serait le week-end et il comptait bien picoler jusqu’à plus soif et voir le lendemain se lever.
— Tu l’éteins, ta saloperie ? cracha-t-il à son collègue.
Alejandro lui retourna un regard noir et déplia sa carcasse musculeuse. Luiz n’insista pas et subit avec les autres ouvriers le récit des émeutes à Madrid après qu’on eut aperçu une traînée lumineuse dans le ciel, une heure plus tôt. Et encore avant, c’était les Coréens qui avaient lancé des ogives nucléaires sur Pékin. Annonce démentie dix minutes plus tard. Quel ramassis de conneries !
Les oreilles bourdonnant des informations contradictoires relayées par la radio, l’ouvrier passa au fraisier suivant, couvert de fleurs blanches. Il en effleura les pétales, s’étonnant comme toujours de leur douceur. Lorsqu’il les ramena, ses doigts brillaient d’une fine poussière jaune. Cela ne faisait que trois semaines que les fraisiers étaient sortis des frigos et déjà, l’abri bruissait de feuilles et de fleurs. Luiz frotta ses doigts les uns contre les autres pour en chasser le pollen sans prendre garde aux minuscules particules qui s’envolèrent. Comment l’aurait-il pu ? Les grains de pollen étaient si petits qu’ils n’eurent aucun mal à s’infiltrer dans ses narines pour aller tapisser ses sinus et de là, ils entamèrent leur processus de destruction du lobe frontal.

23 décembre 2012
Carmen fixa son reflet décomposé dans le miroir de la salle de bains et s’essuya la bouche. Saleté de gastro ! Dès qu’elle avalait ne serait-ce qu’un peu d’eau, Carmen vomissait aussi sec. Même le Coca qui d’habitude faisait des merveilles ne parvenait pas à s’incruster plus d’une demi-heure dans son estomac malmené. Résignée, Carmen s’empara de la brosse à dents et la tartina d’une généreuse couche de dentifrice.
Dans le salon, Luiz regardait les informations. Il s’était levé avec un mal de tête carabiné et ne s’exprimait que par onomatopées. Carmen soupira intérieurement : passer la journée en compagnie d’une gastro et d’un mari d’une humeur de dogue ne correspondait pas tout à fait à l’idée qu’elle se faisait d’un dimanche idéal.
— T’en as pas marre de ces bêtises ! aboya-t-elle. La fin du monde est passée et on est toujours là. Qu’ils arrêtent de nous bassiner avec ça !
Luiz beugla une insulte à laquelle elle ne prit même pas garde, trop concentrée sur les spasmes de son ventre : j’y vais, j’y vais pas, chantonnait son estomac. J’y vais, conclut Carmen en se ruant vers les toilettes. Le débit mécanique du présentateur télé fut remplacé par des rires préenregistrés. Luiz s’assoupit, bercé par les blagues mollassonnes d’un vague comique.
Deux heures plus tard, Carmen se laissa choir dans le canapé à côté de son mari qui, réveillé en sursaut, ouvrit de grands yeux hagards. Il se jeta sur l’intruse. La marque de ses dents s’imprima dans la chair tendre. Le sel du sang emplit soudain sa bouche.

25 décembre 2012
Noël.
En ce jour de fête, Carmen avait déjà contaminé plusieurs centaines de personnes, en commençant par le personnel des urgences qui l’avait recousue après que son mari fut devenu fou. En elle, l’union du Rotavirus et de brins d’ADN muté, aussi sordide que le quotidien de son propre mariage.
Un peu partout dans le monde, on riait, on célébrait les fêtes avec une ferveur renouvelée par la merveilleuse sensation d’être en vie, après la catastrophe avortée du 21 décembre.
2. Septembre 2013
Tapi derrière un bosquet de cornouillers sanguins, Un s’emplit les narines de l’odeur musquée de la biche. Une petite pousse lui chatouille le mollet. Il repousse cette distraction, concentré sur l’animal qui broute des feuilles de lierre, de l’autre côté de sa cachette. La biche cueille délicatement sa nourriture ; elle tire d’un léger mouvement du cou lorsque les feuilles rechignent à se détacher, les froisse entre ses dents pour en libérer la saveur douceâtre. Le crépuscule mouchette de sang son pelage brun roux, dessine des blessures fluctuantes sur son arrière-train, assorties aux feuilles vermeilles derrière lesquelles Un se cache. Il est fasciné, en oublie l’herbacée qui le caresse, il prend le temps d’admirer l’animal avant le plaisir intense de la chasse. L’accalmie avant la tempête.
Le vent lui rebrousse amoureusement les poils du visage et lui apporte un patchwork d’odeurs à déchiffrer. Même silencieuse, la forêt frissonne de mille bruits : des feuilles qui murmurent, une tige qui se casse, une galopade dans le tapis végétal. Perché sur une branche, un bouvreuil lance ses trilles mélodieux et brode sur un rythme entraînant, à contretemps avec les mastications régulières de la biche.
Il est temps. Un répartit son poids sur sa jambe droite, prêt à bondir. L’oiseau surprend son mouvement. Il cesse son chant. La biche redresse les oreilles, ses muscles crispés dans un prélude à la fuite qui l’emportera tout à l’heure dans un crescendo tourbillonnant jusqu’à sa conclusion brutale.
À l’instant même où l’animal se détend et reprend sa mastication, Un se redresse en hurlant. Son cri de défi inarticulé s’adresse à tous les occupants de la forêt. Aussitôt, la biche s’élance dans la direction opposée, si vite que ses pattes décrivent un motif flou. En un clin d’œil, elle est hors de portée. Un entame cependant la poursuite.
Un traverse les cornouillers sanguins sans se soucier des fruits noirs qu’il écrase au passage. Ses pieds attaquent les feuilles mortes de l’année précédente, arrachent le lierre rampant, font voler des aiguilles de pin. En quelques secondes, les sons ne lui parviennent plus que par des vibrations assourdies, couvertes par le rugissement du sang qui déferle dans ses oreilles. Il perd du terrain, les branches basses le fouettent. Un se baisse pour les éviter, il gagne de la vitesse. Ses poumons le brûlent, l’air s’engouffre dans ses poils, s’enroule autour de ses bras qui battent la mesure. Un sent vivre chaque parcelle de son corps. Il ne connaît pas de meilleur moment, rien qui puisse rivaliser avec cette déferlante d’adrénaline dans son organisme.
Deux nouvelles silhouettes accompagnent désormais la biche, la maintiennent dans un couloir qui l’emmène vers l’ouest. L’animal accélère encore, cherche à s’échapper. Deux est sur la droite, trapu, massif, il se fond dans la forêt avec son pelage brun rayé de rouille. Vif est à gauche, tout en finesse, ses poils dorés miment les jeux de la lumière dans la forêt. Dès que la biche fait mine d’incurver sa course, un cri rauque la ramène dans le droit chemin.
À l’arrière, Un savoure l’ultime échappée de sa proie, déjà morte. Il a trouvé son rythme, maintenant, il bat la forêt à coups de longues foulées souples. Ses orteils s’enfoncent dans la terre meuble des sentiers traversés. Il bondit par-dessus les troncs abattus. La biche a compris, elle laisse dans son sillage une odeur de peur. La mise à mort est proche. Un retrousse ses lèvres. Ses dents pointues luisent au milieu d’un visage dépourvu de poils, à l’exception de la collerette grise qui lui enserre le cou et remonte sous ses joues pour rejoindre les poils plus longs sur l’arrière de la tête.
Avec une harmonie parfaite, Larb

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