Un été 1946 inoubliable à Montréal
92 pages
Français

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Un été 1946 inoubliable à Montréal , livre ebook

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Description

En 1945, le monde du baseball professionnel est ébranlé suite à la signature, par l’équipe de baseball des Dodgers de Brooklyn, d’un athlète de race noire : Jackie Robinson. L’année suivante, Robinson est assigné à la principale filiale des Dodgers : les Royaux de Montréal.
Rempli de craintes face à cette aventure, Jackie Robinson se présente à Montréal en compagnie de sa jeune épouse Rachel, enceinte. Le couple s’installe dans un quartier populaire de la métropole, au
milieu de gens ne parlant pas leur langue. Rapidement, Rachel Robinson remarque
la présence insistante de deux enfants, Paul et Marie, et de leur bébé, une poupée
prénommée Irène. Les deux petits font tout pour gagner l’amitié de la femme.
Parallèlement, la mère du garçon cherche à faire la même chose. Rachel se laisse progressivement convaincre par la drôlerie des deux enfants, alors que Jackie se montre méfiant, mais dépose les armes à la fin de son séjour à Montréal.
CARACTÉRISTIQUES :
Une comédie respectant rigoureusement la réalité alors vécue par le couple Robinson.
Il s’agit d’un roman alternant les passages enfantins avec ceux où les adultes sont en vedette. Un texte positif, relatant avec humour un passage de notre histoire
auréolé de tolérance. Femmes, adolescents et hommes pourront apprécier en
harmonie et avec le sourire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 juillet 2019
Nombre de lectures 3
EAN13 9782897263997
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHAPITRE 1
octobre 1945 à avril 1946
« Ç a parle au p’tit bonhomme ! Les Royaux ont engagé un nègre ! » La remarque de monsieur Gilbert ne provoque pas de réaction. Son épouse et le jeune Paul sont habitués de l’entendre annoncer avec éclat les gros titres du journal, lors de chaque premier repas de la journ ée. Paul est surtout impressionné de voir son père répéter sans faille le prodige de pouvoir lire et manger en même temps, sans qu’une goutte de liquide ou un bout d’aliment ne tombe sur le papier.
« Qu’est-ce que c’est, un nègre, papa ?
— C’est un homme avec la peau noire, mon petit Paul.
— Comme mon oncle de Trois-Rivières qui travaille à la gare du CPR ?
— Plus noir que lui. Mange tes céréales et, après, je vais te montrer. Il y a une photo, dans le journal. »
Madame Gilbert n’attend pas la fin du repas et regarde par dessus l’épaule de son mari. « Un bel homme ! » Il n’en faut pas plus pour rendre Paul davantage curieux. Il se presse de vider son bol pour rebondir sur les genoux de son père, les yeux collés sur le journal.
« C’est vrai qu’il paraît foncé, ce monsieur.
— Il va être un bon joueur. Les nègres ont des grandes jambes et courent plus rapidement que les Blancs. Il va se rendre au premier but avant tous ses coéquipiers et leurs adversaires. Avec ce gars-là , les Royaux vont gagner le championnat de la Ligue internationale. Monsieur Rickey connaît son affaire et comme il veut que sa plus importante équipe des mineures devienne la meilleure, il a fait signer un contrat à ce type-là.
— On va aller le voir au stade Delorimier, papa ?
— Une fois par semaine, comme depuis toujours, mon gars.
— J’ai bien hâ te à l’été prochain. »
Paul se presse pour se rendre à l’école afin de savoir si les gars de sa classe sont au courant de cette affaire. Sans doute que oui ! Il n’existe rien de plus beau que le baseball. Au cours de l’été, il va de soi. Car en hiver, le hockey occupe toute la place dans le cœur des Canadiens français.
« Il s’appelle Robinson, comme Robinson Crusoé. Son p’tit nom, c’est Jacku… Jocko… Jacques ! Oui, Jacques !
— Sûrement un Canadien français, avec un nom comme ça.
— Papa a dit qu’il vient des États-Unis.
— Il y a des Canadiens français qui demeurent aux États, comme mon oncle le gros moustachu qui nous visite une fois par année pour boire notre bière, meilleure que celle de là -bas.
— Oui, mais est-ce qu’un nègre canadien français, ça peut exister ?
— Je ne sais pas… Ceux qui travaillent à la gare Windsor ne parlent qu’anglais.
— T’en as déjà vu, Denis ?
— Certain ! C’est foncé en moineau !
— On va demander tout ça au frère. S’il est de bonne humeur, il va nous dire la vérité. »
Avant tout, comme chaque jour, Paul attend Marie au coin de la rue, en regardant sans cesse en direction de l’école des filles. Quand il l’aperçoit enfin, le petit sourit généreusement et lui prend la main. Elle est si ravissante, cette princesse ! Il le pense depuis le jour de leur première rencontre, dans l e carré de sable du parc, voilà si longtemps. Marie ne savait pas encore parler, mais Paul lui avait tendu sa sucette, le cœur battant.
Pendant ce temps, après avoir lavé la vaisselle, la maman de Paul pense au travail à accomplir aujourd’hui. Toujours le même, pour une femme marié e. Rien de mieux pour débuter qu’une pause-café, dans le calme du logement. Elle n’a pas à se plaindre du bruit de son fils, plutôt paisible, mais ce silence englobe aussi celui des deux bébés qu’elle n’a pas réussi à faire naître. Elle préférerait les entendre crier et courir. Madame Gilbert pense alors que, si tel était le cas, elle serait une mère normale, au lieu de porter le souvenir douloureux de ces échecs qui l’ont tant fait pleurer.
La femme lit l’article qui a causé tant d’émoi ce matin. Les hommes et leurs sports ! À l’occasion, elle accepte une sortie au stade, mais ce qui se passe sur le terrain est le dernier de ses soucis. Il y a la foule, les interjections parfois drôles et toutes sortes de gens étranges à regarder. Distrayant ! Ce Robinson a les épaules larges, un regard franc. Madame Gilbert se dit certaine que cet homme a une nature généreuse. Le texte relate les habiletés athlétiques du nouveau-venu. Il semble qu’il soit le premier joueur de sa race qui évoluera avec des Blancs. Madame Gilbert, qui ne savait pas que c’é tait interdit, trouve cette idée sans logique. Le journaliste raconte aussi que Jackie Robinson est diplômé d’une université et qu’il a brillé dans une tâche de commandement dans l’arm ée américaine.
Madame Gilbert se souvient alors d’une petite fille noire qui avait fréquenté son école, à Trois-Rivières, pendant à peine deux mois. Les écoli ères lui lançaient des injures, disaient qu’elle allait tout salir avec ses mains si elle touchait quoi que ce soit. Il s’agissait d’une orpheline d’Afrique, adoptée par un vieux couple. Peut-être que ces gens l’ont retirée de l’école après l’avoir vue revenir en pleurant sans cesse. « Ce n’ était pas gentil, de faire ça. Les enfants sont parfois méchants. »
Madame Gilbert tourne rapidement les autres pages du journal pour atteindre celle des films, afin de savoir si de nouvelles productions de France sont enfin arrivées au Canada. Voilà la mode : de j olies toilettes, en solde chez Dupuis. « Ça suffit, ces rêvasseries. J’ai de l’ouvrage », dit-elle à son ombre, en engloutissant une dernière gorgée de café, devenu tiède . Puis elle s’empresse de porter la tasse près de l’évier, d’enfiler son tablier et de passer un coup de balai général, ce qui est idéal pour trouver des poussières là où elle n’en attend pas.
Le lit de Paul, maintenant. La boîte de jouets n’a pas été replacée dans son coin. Pourquoi un tel é cart ? Pourtant, il connaît la règle de la maison. Rien de plus essentiel que la discipline. Elle le répète souvent à son fils, citant en exemple les vedettes de baseball, de hockey et de football qu’il admire tant. D’ailleurs, le garçon aime dé couper leurs photos dans le journal, pour les coller soigneusement dans un grand cahier. Madame Gilbert se rappelle avoir fait la même chose, avec les femmes et enfants qu’elle voyait dans les grands catalogues de Sears ou de Eaton.
Rien de sale dans la chambre du petit. Madame Gilbert passe à la sienne et, en voyant les draps défaits, elle pense au début de la nuit… Elle serre les lèvres. « Si cette fois pouvait être la bonne… » Son mari, au dé but de leur mariage, parlait sans cesse d’une grande famille, de la belle maison qu’ils auraient, avec une chambre pour chaque enfant. Il n’y a que Paul, puis les deux fantômes. De plus, ils sont toujours locataires. « À quoi me servirait une vaste maison sans enfants pour lui donner une âme ? »
Quel ennui que s’occuper de l’entretien chaque jour ! Si elle pouvait se trouver un petit emploi… Quand elle avait abordé la question avec son mari, l’an dernier, l’homme avait haussé les é paules en lui rappelant qu’il gagnait un bon salaire avec sa cordonnerie et que c’était suffisant. Madame Gilbert n’avait pas osé lui dire que ce serait pour elle une distraction. La femme n’a pas oublié cet emploi au restaurant Christo de Trois-Rivières, où elle travaillait durant son adolescence. C’est là qu’elle avait rencontr é ce Montréalais qui, curieusement, semblait prendre le train très souvent et s’arrêtait toujours au restaurant. « C’est pour vous voir, mademoiselle. » Elle en avait laissé tomber une assiette. Quelles curieuses fréquentations, lui dans une ville et elle, dans une autre.
La femme perd un peu de temps en lisant un chapitre d’un roman d’amour emprunté à la bibliothèque du quartier, puis elle sort afin de laver les fenêtres, pourtant propres depuis une semaine. Déjà trois heures ? C’est le moment de songer au souper. Paul va bientôt revenir de sa journée à l’école. L’instruction, ça creuse l’appétit.
Dring ! Dring ! Enfin, c’est terminé ! Discipline en sortant de l’école. Une fois franchie la clôture ceinturant la cour de l’école, les garçons ne se privent surtout pas de crier et courir, pressés de jouer avant que leurs mères ne les appellent pour le repas. Paul marche rapidement vers l’institution des filles, pour retrouver Marie.
« As-tu passé une belle journée, ma belle ?
— Les participes passés ! Les participes passés ! Puis les concours qui arrivent !
— Et notre grand jour qui s’en vient rapidement.
— Je suis si nerveuse, mon amour !
— Ne t’inquiète pas, cher bonbon. Tout ira bien.
— Les garçons prennent le mariage à la légère. Pour une fille, c’est différent. Le jour le plus important de notre vie !
— Ce l’est pour moi aussi. Tu verras, nous serons heureux

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